Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation |
Volume 20, 2013 Numéro Spécial CREN |
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Réception d’un Environnement Numérique de Travail par les acteurs de l’éducationFrançois BURBAN (CREN), Xavière LANÉELLE (CREN) RÉSUMÉ : Dans le but de promouvoir le numérique, pour former les citoyens de demain et améliorer l’efficacité du système, le Ministère de l’Éducation Nationale ainsi que les Régions tentent de favoriser sa diffusion. Les environnements numériques de travail (ENT) mis en place avec cet objectif ont vocation à permettre des pratiques pédagogiques nouvelles, à rendre plus efficace la gestion administrative des établissements et à les ouvrir aux parents et élèves, rendant par-là plus transparente l’organisation scolaire. Au niveau local, les membres des équipes de direction et les enseignants accueillent l’ENT de manière contrastée. Les chefs d’établissement, qui ne souhaitent pas heurter leurs équipes, œuvrent au déploiement du dispositif dans un ordre négocié. En conséquence, une partie des acteurs se satisfait des bénéfices apportés par l’outil. Néanmoins, une autre partie contourne l’ENT et/ou le critique. Cette réticence à l'usage est consolidée par une crainte diffuse du contrôle de l'activité des enseignants, renouvelant ainsi la critique portée à l'encontre des récentes politiques publiques en éducation, qui seraient fondées sur une logique managériale. MOTS CLÉS : Environnement numérique de travail (ENT), politique éducative, ordre négocié, tensions, lycées, organisation scolaire. ABSTRACT : With the aim of promoting digital technology, to form tomorrow citizens and improve the efficiency of the educational system, the French Department of Education in cooperation with the Regions tries to promote the distribution of advanced teaching techniques. VLEs (Virtual Learning Environments) set up with this objective allow new educational practices, make the management more effective and open high schools to the parents and students, making the school organization more transparent. The members of management teams and the teachers receive the VLEs in a different way. The head masters, who do not wish to abandon their teams, work in the deployment of the device in a negotiated order. Accordingly, a part of the actors is satisfied with the advantages brought by the tool while another part criticizes and/or bypasses the VLEs. This reluctance in the use is strengthened by teachers’ fear of losing control over the activity, renewing the criticism against the recent public policies in education that would be based on a managerial logic. KEYWORDS : Virtual Learning Environments, Educational Policy, Negotiated order, Tension, High School, School Organization
1. Introduction
5. Conclusion
7. Annexe
1. IntroductionL’équipement numérique des établissements scolaires français, le déploiement en cours des environnements numériques de travail ainsi que le développement des usages des outils numériques par les personnels de l’Education Nationale, participent d’une évolution globale du système éducatif français. Le modèle français de l’administration centralisée de l’éducation et sa forme traditionnelle sont largement questionnés depuis une trentaine d’années. Le débat insiste désormais sur le transfert au niveau territorial de la gestion des moyens, le pilotage et l’autonomie des établissements ; la redéfinition du statut et des missions des chefs d’établissements ; la collégialité et le management participatif (Dutercq et Lang, 2002). Les transformations s’inscrivent dans un mouvement de déconcentration administrative (Dutercq, 2001) par lequel les structures décisionnaires sont significativement transférées au niveau des collectivités territoriales. Pour les personnels d’encadrement, l’incitation va vers un recours à des démarches plus rationnelles d’organisation de l’activité, marquées par un type nouveau de management public (New Public Management) s’inspirant de nouvelles théories de management fortement prônées par les organisations intergouvernementales (Muller, 2006), même si, en France, leur développement a été freiné par de nombreuses résistances, particulièrement dans le système éducatif où leur application en l’état paraît difficile. Outre la remise en cause d’un système administratif centralisé, cette référence aux modèles et aux méthodes de gestion du monde de l’entreprise et aux conceptions managériales qui s’y sont installées, s’explique par la recherche de nouvelles formes d’action et l’obligation de repenser la répartition des rôles entre les nouveaux services des collectivités territoriales et les services déconcentrés de l’administration d’État (Dutercq, 2001). Les travaux de recherche portant sur la modernisation de l’administration de l’éducation apparaissent dans les années quatre-vingts en France. Ils étudient les établissements scolaires comme des organisations dotées d’un certain degré d’autonomie (Baillon et al., 1989) ; (Dubet et al., 1989) ; (Derouet, 1988). Les chefs d’établissements peuvent adhérer à ce néo-management dans la mesure où ils sont engagés dans une recherche d’efficacité, de performances et de nouvelles formes de mobilisation. La réussite de leur projet d’établissement est corrélée à celle d’un plan de construction de carrière dans lequel l’ascension dans la hiérarchie du groupe, dans ce nouveau mode de fonctionnement, passe par un système de « coopétition » articulant coopération et compétition (Boltanski et Chiapello, 1999). L’ambivalence de leur adhésion relève d’une rupture avec la culture majoritaire précédemment citée des cadres de l’éducation (Barrère, 2006). Cette rupture dans la culture interne des chefs d’établissement signe également un différentiel croissant avec la culture des enseignants dans la mesure où celle-ci est pour l’instant moins directement impactée par les évolutions générales de gestion du système éducatif et plus inscrite dans une continuité du modèle historiquement construit, centré sur leur mission éducative, cœur de leur métier (Barrère, 2002). En définitive, au niveau local, la position d’acteur intermédiaire des chefs d’établissement aboutit à la recherche plus marquée que pour les enseignants d’une régulation entre les différents niveaux de la hiérarchie de l’institution (Dutercq, 2005). Le regard porté différemment par les chefs d’établissements et les enseignants sur le développement des usages numériques s’affilie à un ensemble de valeurs diversement partagées, lorsqu’elles n’entrent pas en tensions entre les deux groupes. Dans l’évolution récente de leurs objectifs par exemple, les chefs d’établissements accordent une attention particulière à la mobilisation de l’ensemble des personnels qui passe par un travail de terrain privilégiant la communication et l’écoute. Pour Dutercq et Lang (Dutercq et Lang, 2002) cette attention à leur activité est parfois décrite par les enseignants comme une ingérence ou une injonction plus ou moins déguisée à les faire rentrer dans la logique de projet des premiers. Dans ce sens, l’adhésion à la politique numérique de l’établissement a-t-elle pour finalité de permettre l’attribution de récompenses au mérite, de différencier les parcours des enseignants ou d’agir sur la constitution de leur service ? La constitution d’équipes internes de coordination des usages numériques ou les groupes de pilotage du déploiement d’un environnement numérique de travail (ENT) dans lesquels les enseignants sont parties prenantes et dont nous décrirons plus avant la création et le fonctionnement reflète-t-elle cette orientation allant vers un management participatif fortement empreint de modernisme organisationnel (Dutercq et Lang, 2002) ? Dans le double contexte d’entrée dans une société numérique et d’inscription de l’État dans une logique de recherche de performance et d’obligation de résultats face aux résultats médiocres mis en exergue par PISA (OCDE, 2010), ainsi qu’aux lourdeurs bureaucratiques coûteuses, par laquelle l’État cherche à redonner une légitimité à ses politiques d’éducation (Dutercq, 2005), le numérique scolaire constitue un enjeu important. Depuis le « Plan informatique pour tous » de 1985 qui visait à équiper les établissements d’ordinateurs, cette logique a perduré avec l’intensification et la diversification des acquisitions en matériel numérique (tablettes, tableaux numériques interactifs etc.). Parallèlement, dans le cadre de la décentralisation, depuis les années 1980, l’Etat a délégué un certain nombre de compétences aux collectivités locales, notamment en matière de financement (Dutercq, 2001). Les investissements, privilégiant dans un premier temps la réfection et la construction d’établissements scolaires, se sont orientés plus récemment sur l’équipement, en particulier en Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Depuis 2003, c’est avec la volonté de la généralisation des Environnements Numériques de Travail (ENT) que le Ministère de l’Éducation Nationale (MEN), dans le cadre du Schéma directeur des espaces numériques de travail, cherche à moderniser la gestion de l’information, à ouvrir davantage l’école aux parents d’élèves, à permettre aux élèves d’entrer de plein pied dans la société de l’information1. Suivant cette orientation, chaque Région, accompagnée (financement, mesures d’audience, documentation) par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) (Bruillard, 2011) ; (Puimatto, 2004), devait doter toutes les académies d’un ENT avant 2007. La date a été reportée ensuite en 2010 ; mais un certain retard a été pris puisque seules 8 régions sont dotées en 2013 (CDC, 2013). Mais, le développement du numérique et plus particulièrement la mise en place d’un ENT soulève la question de son appropriation par les acteurs de l’Éducation Nationale, en particulier les enseignants et les personnels de direction. Alors que le numérique a vocation à ouvrir les possibles pédagogiques et que les ENT ont pour objectif de « fournir à chaque acteur de la communauté éducative (enseignants, élèves, administratifs, techniciens, mais aussi parents, intervenants extérieurs, ...) un point d’accès unifié à l’ensemble des outils, contenus et services numériques en rapport avec son activité » (Rapport IGEN, IGAEN, mai 2006, 45), leur réception et leur usage sont d’une part fort différents et d’autre part parfois traversés de tensions que nous analysons ici. Quelques remarques s’imposent sur l’approche méthodologique ainsi que les questions et les perspectives de recherche retenues dans le cadre de ce travail. Notre recherche, porte sur la réception de l’ENT - E-Lyco - dans une académie de l’ouest de la France, que la Région a choisi sur appel d’offre, financé puis déployé progressivement par vagues depuis janvier 2010. Notons qu’il existe en la matière « une grande disparité des responsabilités assumées par les collectivités » au niveau national (Bruillard, 2011). Cette recherche s’appuie sur une enquête empirique qualitative menée en 2012-2013 et a consisté en : - un travail monographique dans un établissement de ville moyenne, classé sensible, où nous nous sommes installés deux semaines non-consécutives, la première semaine nous sommes restés dans l’établissement de 8h à 18h pour observer, enquêter. Nous avons pu mener deux séries d’entretiens semi-directifs auprès de 24 personnes, dont 21 enseignants, le proviseur et un adjoint, et un CPE. Nous avons donc veillé à ce que la variété des fonctions et des enquêtés permette de cerner les diverses situations ; - nous avons aussi mené des entretiens auprès de 9 proviseurs ou adjoints ainsi qu’auprès de 8 intervenants académiques dans le domaine des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (IA-TICE) et un interlocuteur de la Région ; - par ailleurs nous avons disposé d’un corpus d’entretiens menés par d’autres chercheurs mis à notre disposition qui concerne 17 établissements divers tant par la taille des villes où ils sont implantés que par la nature de l’établissement (28 professeurs et 3 CPE). Le guide d’entretien semi-directif pour les enseignants nous était commun. Le canevas visait à repérer le parcours des enseignants, la manière dont ils s’étaient approprié les TIC, leurs pratiques, ainsi que la vision qu’ils avaient de cet artefact règlementaire et de son inscription dans les politiques publiques. Pour ce qui concerne les équipes de direction l’entretien était davantage compréhensif, moins directif, néanmoins les chefs d’établissements ont abordé d’eux-mêmes les mêmes items. Les entretiens ont été menés entre novembre 2012 et mars 2013 dans des établissements où l’ENT était déjà introduit depuis au moins un an (vagues 1 à 3 du déploiement, la vague 4 était juste amorcée au moment de l’enquête). Les enquêtés sont très variés tant sur le plan du statut (proviseur/CPE/documentalistes/autres professeurs), de l’âge, du sexe que de l’expérience des TICE. Les disciplines représentées sont variées : Lettres, Philosophie, Langues, Mathématiques, Sciences physiques, Sciences de la Vie et de la Terre, Histoire-Géographie, Sciences Economiques et Sociales, Sciences de l’ingénieur, Documentation. Ces matériaux ont tous été retranscrits, puis ont fait l’objet d’une analyse de contenu. Il s’est agi dans une première phase de l’analyse d’identifier pour chaque entretien les propositions signifiantes en regard des dimensions retenues lors de la constitution du guide commun par l’équipe de recherche mais également des dimensions émergentes posées par l’interviewé et de l’importance qu’il leur accorde dans sa logique discursive. La seconde phase d’analyse consiste en une catégorisation reposant sur le croisement opéré à partir des analyses individuelles permettant d’identifier les axes de convergence mais aussi les positionnements spécifiques ou les points de tensions repérables (Giglione et Matalon, 1978) ; mais in fine c’est le canevas d’entretien et notre cadre théorique qui délimitent les unités globales de sens. Par ce guide, nous approchons les logiques d’acteurs en nous inscrivant dans la perspective de la sociologique des organisations (Bernoux, 1990) ; (Crozier et Friedberg, 1992) ; (Boltanski et Chiapello, 1999). En effet, l’usage de l’ENT impacte potentiellement (et différemment) l’activité des acteurs de l’organisation, proviseurs et adjoints, équipe éducative. Leur travail au quotidien se voit en partie transformé par le recours à ce nouvel outil. La réalisation concrète des tâches (Barrère, 2002), tant dans leur forme que dans leur temporalité, se transforme partiellement sous l’effet des ressources numériques mises à disposition ou soumises à l’injonction par l’institution. Le positionnement respectif de ces deux groupes d’acteurs dans la hiérarchie de l’institution scolaire implique également la construction de discours distincts dans lesquels sont mis en avant ou réfutés un ensemble de valeurs et qui fondent la justification de leur action (Boltanski et Thévenot, 1991) ; (Boltanski et Chiapello, 1999). Le déploiement des environnements numériques de travail est abordé dans notre recherche comme un objet sensible discuté in situ par les acteurs en présence dans leur contexte d’activité professionnelle. À ce niveau, ce sont les jeux de position et enjeux respectifs qui sont observés et analysés. Dans un premier temps, nous analysons la réception globale du numérique par les acteurs de l’école sollicités - chefs d’établissements et enseignants - puis celle du déploiement de l’ENT. Nous mettons l’accent sur le consensus pragmatique qu’entretiennent les acteurs sur de nombreuses facettes de l’outil avant de repérer les tensions puis de conclure. 2. La réception du numérique dans les établissements2.1. Les équipes de direction et le numériqueLes chefs d’établissement rencontrés lors de notre enquête ont des usages variés des outils numériques. Cette diversité n’apparaît cependant que dans un second temps dans la mesure où leur fonction et la définition des tâches qui leur incombent reposent pour une part significative sur l’utilisation d’un ensemble étendu de ressources numériques, imposées, préconisées ou laissées au libre choix de l’utilisateur. D’un avis partagé par tous les proviseurs et proviseurs adjoints interviewés, la gestion administrative et humaine d’un établissement en ce début de XXIème siècle n’échappe pas à une tendance globale dans la grande majorité des secteurs d’activité professionnelle et de la société dans son ensemble, qui pose les technologies numériques comme des artefacts incontournables de réalisation de l’activité, qu’elle soit ou non professionnelle (Baron et Bruillard, 1996) ; (Bruillard, 2011). Au cœur de cette activité, c’est évidemment le recours à l’ordinateur qui dorénavant s’est imposé. Ce support matériel englobe un ensemble de ressources logicielles jugées désormais incontournables, tant pour les dimensions informationnelles ou communicationnelles (lettre de cadrage rectoral, bulletin officiel etc.) que pour la gestion administrative de l’établissement (planning des salles ; calendrier de l’établissement ; présences etc.) : « L'outil numérique, quel qu'il soit, aide à la fabrication des emplois du temps, relevés de notes etc. C'est autant de facilités pour nous, en termes de réactivité, dans un métier qui aujourd'hui, est assez prenant. Pour tout le monde, y compris pour les profs. Et, pour moi l'image personnelle des TIC c'est le moyen, le levier qui nous permet d'avoir une relative maîtrise sur notre, comment dire... sur notre engorgement de travail. » (Boris, Proviseur, 60 ans, Lycée D). La création récente de réseaux internes (type Intranet) et plus généralement la connectivité accrue des établissements accentuent ce recours aux technologies numériques. Celles-ci transforment les modalités de travail des chefs d’établissement mais également leurs temporalités. À des tâches antérieurement organisées de façon plus séquentielles et distribuées dans les temporalités de l’établissement (quotidiennes, hebdomadaires, mensuelles, trimestrielles, annuelles) viennent se substituer des agencements tendant à superposer et croiser leur réalisation de façon quasi simultanée et dans des chronologies relevant du « temps réel ». Pour une majorité des chefs d’établissements interviewés, le développement important des usages numériques ne se présente pas en soi comme un changement radical des missions des équipes de direction. Les usages qui découlent de l’installation importante des technologies numériques dans les établissements relèveraient plutôt d’un « déplacement », d’un changement de forme plus que de fond. Ce développement suppose par exemple une redéfinition et une redistribution des fonctions dans l’équipe de direction, entre le proviseur, son ou ses adjoints et le secrétariat de direction en fonction notamment des compétences attendues ou reconnues ainsi que des responsabilités imputables au positionnement hiérarchique de chacun. Ce changement est toutefois important, diversement interprété et mis en œuvre en fonction d’un ensemble large de dimensions locales (type d’établissement, taille, situation géographique etc.) et souvent liées au propre parcours professionnel du chef d’établissement (âge, ancienneté dans l’établissement ou dans la fonction, carrière, parcours antérieur etc.). L’organisation au sein de l’établissement est partiellement renouvelée par les technologies numériques et leurs usages. Le niveau d’engagement individuel et collectif au sein de l’équipe de direction a une incidence importante sur la dynamique globale de l’établissement (Barrère, 2008) ; (Dutercq, 2005). Le numérique peut alors jouer un rôle important et être mobilisé de façons différentes et dans des stratégies de niveau et de forme variables, au service de cette dynamique d’ensemble de l’établissement. 2.2. Les enseignants et le numériqueSi les technologies numériques sont des artefacts incontournables de réalisation de l’activité chez les enseignants comme chez les personnels de direction, la diversité des pratiques des enseignants interrogés apparaît immédiatement comme l’ont montré de nombreuses typologies (Cuban, 1986) ; (Rogers, 2003) ; (MEN, 2012) ; (Basque et Lundgren-Cayrol, 2002). En effet, du fait de la variété des disciplines enseignées, les enseignants sont moins soumis à des directives institutionnelles communes. Certains sont réticents comme Élodie (Histoire-Géographie, 50 ans, lycée H) ou encore Marc (Philosophie, 46 ans, lycée A) : ils « doutent de l’intérêt des TICE » comme les 3% des enseignants interrogés dans l’enquête Profetic (MEN, 2012) ou en ont un faible recours (17%). Cependant, tous les enseignants que nous avons interrogés sont équipés personnellement d’un ordinateur et utilisent le traitement de textes pour rédiger leurs cours et/ou pour produire des documents. Ils font aussi leurs recherches documentaires en étant connectés à l’internet à domicile. Nombreux sont ceux qui enrichissent leurs cours grâce au numérique (41%), ainsi que ce soit en Philosophie, en Lettres ou en Mathématiques, bien des enseignants utilisent des PowerPoint pour présenter leurs cours mais ne le font qu’occasionnellement soit parce qu’ils ne le jugent pas toujours opportun, soit parce qu’ils sont dans des salles qui ne sont pas encore équipées. Nadège (Lettres, 32 ans, lycée A) le dit : « Donc DVD, vidéoprojecteur, rétroprojecteur, à l'ancienne avec le transparent (...) [parce que] nous les lettres modernes et classiques, on se sent un peu mis de côté par rapport à l'équipement multimédia ». Moins nombreux (34%) sont ceux qui ont une pratique numérique variée pour « l’évidence des bénéfices » (MEN, 2012). C’est le cas par exemple de Ludovic (Histoire-Géographie, 40 ans, lycée B) qui utilise un logiciel pour dessiner des cartes, faire des graphiques, échanger des fichiers, développer l’esprit critique en croisant des sources sur la toile, mais qui finalement n’a pas modifié radicalement ses pratiques. D’une part, parce qu’il continue à utiliser le manuel et « la craie » ; d’autre part, parce qu’il menait ces activités auparavant sur des supports papier. Mais c’est le cas aussi de Gilbert (Histoire-Géographie, 52 ans, lycée A) qui individualise le travail – entre autres activités - grâce à une plate-forme Moodle « en salle multimédia où chaque élève travaille sur son ordinateur, il a son casque, il a la vidéo, il s’arrête où il veut, il la remet au début. Tandis que si je passe au vidéoprojecteur le film en entier, tout le monde ne le regarde pas, alors que si on le lance en salle multimédia, chaque élève travaille à son rythme ». Parmi ceux qui utilisent le numérique au quotidien (5%), nous avons surtout rencontré des enseignants des filières technologiques. Cependant, très rares sont ceux qui ont bouleversé leurs pratiques. La catégorie n’est même pas envisagée par l’enquête Profetic. Pourtant quelques-uns se distinguent en montant des scenarii pédagogiques sophistiqués. C’est le cas de Lionel (physique, 42 ans, lycée A) qui a élaboré avec deux collègues un environnement numérique de travail dont l’infrastructure technique comporte différentes « briques » qu’il a collecté (avec pour principe de n’utiliser que des logiciels libres), et qui permet une « activité inversée » (Bachy et al., 2010). Les élèves construisent leurs connaissances grâce aux documents mis en ligne par l’enseignant et d’autres sources accessibles grâce à la toile - la part magistrale de l’enseignement étant réduite – ils sont motivés par des projets davantage contextualisés et co-élaborés (CV dynamique, algorithmes de classement chorégraphié), puis appliquent leurs connaissances en classe, à leur rythme, en multipliant les interactions avec leurs pairs mais surtout avec l’enseignant qui circule pendant la classe et apporte une aide individualisée. Une trace étant aussi mutualisée grâce au net. On ne peut donc pas conclure que les pratiques pédagogiques liées au numérique seraient en retard en France comme d’ailleurs outre-Atlantique (Chaptal, 2011) ; (Karsenti et al., 2002). La grande diversité des pratiques indique au contraire que si retard il y a, il n’est pas partagé par l’ensemble des acteurs. 3. Stratégies de déploiement : régulations internes et ordre négocié3.1. La logique de déploiement de l’ENT3.1.1. Mise en adéquation avec les recommandations académiquesLe déploiement de l’ENT E-Lyco dans les établissements de la région où nous avons enquêté suit le SDET, schéma général conçu en amont par les partenaires du projet, Ministère de l’Éducation Nationale et CDC (Puimatto, 2004) ; (Bruillard, 2011). Le Rectorat de l’académie et la Région ont ensuite organisé le déploiement local dans les lycées avec une logique d’intégration linéaire (Bruillard, 2011). Au niveau de l’établissement, ce cadrage du déploiement se traduit par des préconisations en termes d’échelonnement des usages de l’outil et d’organisation interne des ressources humaines sur lesquelles prend appui le dispositif. Rappelons qu’un ENT a pour objectif de permettre aux différents acteurs de l’école un accès à un ensemble d’outils : cahier de textes, espaces pour la publication de pages web et le dépôt de fichiers, blog, forum et messagerie s’appuyant sur un annuaire. Certains outils, qui existaient déjà pour recenser les absences et les notes, calculer des moyennes et éditer les emplois du temps (Pronote et EDT), sont désormais inclus à la demande des chefs d’établissements2. En amont, l’idée est qu’à partir d’un design technologique et organisationnel, l’ENT, les décideurs politiques pensent accroître les compétences TIC des utilisateurs en les familiarisant progressivement avec les usages numériques permis par l’ENT. Nous sommes donc face à une logique, jamais discutée, qui relève du nouveau management public : décentralisation des choix avec recours au privé (ni la Région ni l’État n’ayant produit d’ENT) par un appel d’offre suivi d’un contrat marchand (Hatcher, 2003). Cependant, comme souvent dans l’Éducation Nationale, la logique hiérarchique descendante reste prégnante puisque c’est le Ministère qui a fixé un cadrage des cahiers des charges et a confié à la CDC, institution financière publique au service de l’intérêt général et du développement économique du pays, le financement partiel en complément de l’apport des Régions et l’évaluation des usages par la publication mensuelle, avec un regard rétrospectif de six mois, de tableaux de bord (Bruillard, 2011). Ces derniers donnent aux établissements des mesures d’audience sensées permettre un meilleur « ciblage catégoriel de l’ensemble de vos actions ». Conçues comme des instruments de pilotage, il ne serait pas impossible que ces données puissent servir dans le futur à la mise en concurrence des établissements. 3.1.2. Entrée programmée pour toutes les tâches administratives et négociée en interne pour les usages pédagogiquesE-Lyco a été progressivement déployé depuis janvier 2010 (début de la vague 1). L’entrée se fait clairement à partir des fonctionnalités administratives qu’offre l’outil : « C'était très très clairement annoncé que la boîte d'entrée était E-Lyco. Donc, il fallait que tout le monde l’utilise (...). Le cahier de textes, il fallait passer par E-Lyco ainsi que pour accéder à Pronote. Et si vous vouliez réserver des salles, notamment des salles informatiques, c'était aussi via E-Lyco. Donc il fallait savoir s'en servir. » (Christophe, proviseur adjoint, 43 ans, Lycée M). L’entrée par la gestion des tâches administratives s’adosse au pragmatisme des enseignants, pour lesquels l’adoption de l’ENT est corrélée à l’intérêt qu’il peut leur apporter dans un rapport coût-bénéfice (Barrère, 2002). Si l’outil numérique peut permettre un gain de temps ou faciliter la gestion de tâches, il aura plus de chance de trouver sa place dans les usages des enseignants : « Pour les enseignants, c’est clair, soit ça apporte un plus ou alors on l’abandonne ! » (Vincent, proviseur adjoint, 35 ans, Lycée F). Les enseignants ont d’ailleurs dans leur ensemble accepté ces fonctionnalités administratives. Un exemple d’avantage incontestable et incontesté est la gestion de l’attribution des salles. Les enseignants expriment leurs besoins sur E-Lyco et les proviseurs ou leurs adjoints veillent à respecter certaines priorités, notamment au regard de leur équipement numérique et de l’évolution qualitative et quantitative de leurs équipes (Christophe, proviseur adjoint, 43 ans, Lycée M). L’outil permet aussi d’être très réactif en gérant quasiment en « flux tendu » les occupations de salles, en cas d’absence d’un enseignant par exemple (Luc, Proviseur adjoint, 42 ans, Lycée B). Il permet en outre aux parents et aux élèves de voir ces absences. En outre, l’ENT procure une nouvelle lisibilité. Celle-ci permet de comprendre le fonctionnement implicite et les arrangements locaux qui, dès lors, pourront être négociés différemment. Ainsi, les pratiques des collègues qui « squattent les salles multimédia » sont observables et sont jugées sur leur pertinence (Gilbert, Histoire-Géographie, 52 ans, Lycée A) et les enseignants peuvent négocier entre eux un arrangement. Dans ce sens, l’ENT est accepté puisqu’il permet d’avoir une organisation plus transparente du fonctionnement (et permet de voir les éventuels dysfonctionnements) : l’ENT, en modifiant l’appropriation territoriale des espaces physiques, est alors au service d’une efficacité dans la gestion des équipements, au service à la fois d’un intérêt commun et à la fois des régulations internes au groupe qui par ailleurs pouvaient lui échapper (Derouet, 1988). Par contre les fonctionnalités pédagogiques offertes par l’outil sont laissées au libre choix, à la liberté pédagogique3, des enseignants « on ne leur demandait pas d'utiliser des fonctionnalités du type "travail en groupe", " collaboratif ", etc. qu'on trouve sur E-Lyco » (Christophe, proviseur adjoint, 43 ans, Lycée M). D’ailleurs, les proviseurs ne le pourraient guère. Nadège (Lettres, 32 ans, Lycée A), en début d’entretien précise au sujet de l’ENT : « Moi j'aime bien ne pas me sentir forcée d'avoir l'usage de tel ou tel outil. Je l'utilise mais quand moi je trouve pertinent ». Mais l’immense majorité des enseignants ne fait même pas référence à la liberté pédagogique (1 seule occurrence), elle va de soi. En effet, s’il est prescrit dans les textes que les chefs d’établissement doivent animer pédagogiquement les établissements, de fait ils n’entrent pas dans la classe, « 20% seulement citent des initiatives prises concernant les pratiques enseignantes » mais ils sont pour ce faire prudents (Barrère, 2007). Par conséquent sur le numérique, ils peuvent inciter, favoriser l’émergence et la vie de projets novateurs mais il ne saurait être question de contraindre au-delà des instructions officielles. L’usage des outils numériques pour la gestion des tâches administratives, présenté comme la fonction centrale d’E-Lyco par les chefs d’établissement, est donc accepté par les enseignants à partir du moment où ceux-ci répondent à un besoin ou, plus pratiquement, permettent à terme un gain de temps ou d’énergie et accroissent l’efficacité dans la réalisation de la tâche : « Le vecteur de pilotage que j'ai c’est, dès lors qu'il m'apparaît qu'un outil informatique est intéressant et quand j'en démontre son utilité en termes de gain de temps et d'efficacité, que les gens y adhèrent. » (Boris, proviseur, 60 ans, Lycée D). L’idée développée, qui repose sur le modèle diffusionniste de Rogers (Rogers, 2003), est que les pratiques se développeront dans la durée en prenant appui sur les pratiques déjà existantes et qu’il faut se centrer sur leur émergence de deux façons : la première en valorisant le travail d’enseignants moteurs en la matière, la seconde en organisant animation et formation. Nous interrogerons plus loin ce modèle qui mérite d’être discuté. Cette volonté affichée de dynamisation de l’activité des établissements et d’une valorisation de l’approche participative et de l’engagement de soi des enseignants s’apparente à une forme de management par projet du système éducatif (Dutercq et Lang, 2002). 3.2. L’essaimage, une visée à moyen et long terme3.2.1. Constitution d’équipes motricesLe déploiement des ENT impacte significativement l’ensemble du collectif établissement par une redéfinition des tâches dans un portefeuille global de compétences attendues (techniques, administratives, pédagogiques, communicationnelles). À ce niveau, la création d’équipes numériques est remarquable. Elle repose d’abord sur la constitution dans chaque établissement d’une équipe de pilotage du projet de déploiement constituée d’un administrateur réseau, d’un coordonnateur et de référents pédagogiques, placés sous l’administration d’un membre de l’équipe de direction. Ces équipes sont constituées d’individus déjà actifs dans l’établissement, identifiés par l’équipe de direction sur la base de compétences spécifiques et complémentaires (techniques, relationnelles, pédagogiques). L’architecture de cette équipe TICE peut varier en fonction du type d’établissement et de ses besoins, des ressources matérielles et humaines déjà présentes ou en émergence et du volontarisme affiché de l’établissement. De plus quelques enseignants ayant développé des usages spécifiques du numérique sont souvent repérés par les chefs d’établissement : « Des gens que je suis allé solliciter. C'est des gens qui aiment ça. Qui ont bien voulu. Et puis, on a voulu voir ce qu'on pouvait faire, donc tester les différentes fonctionnalités.» (Christophe, proviseur adjoint, 43 ans, Lycée M). Dans certains cas, le chef d’établissement propose ensuite à ces personnes de prendre une part active dans le développement de l’activité numérique de l’établissement. L’ensemble des compétences disponibles est recherché par les chefs d’établissement (Dubet et al., 1989). Le technicien informatique (agent technique territorial) par exemple peut jouer un rôle important car c’est de ses compétences que dépend la fiabilité du système et par voie de conséquence, une partie de l’adhésion de l’équipe éducative (absence de pannes, réseau opérationnel, bon fonctionnement du système) : « On a aussi un agent technique territorial qui s'occupe d'informatique au niveau du lycée qui est de très bon niveau et qui solutionne les problèmes, ce qui fait qu'on a un réseau et des outils qui fonctionnent aussi. Les postes ne restent pas en panne pendant des jours et des semaines dans les salles.» (Luc, proviseur adjoint, 42 ans, Lycée B). Les membres des équipes ont accepté ces fonctions de par leurs compétences et motivations mais aussi par stratégie. Ainsi Lionel (Physique, 42 ans, Lycée A) dit : « J’avais lancé la construction d’un ENT maison (...) très en avance sur ce qui allait être déployé, mais [je savais] que notre expérience ne pouvait pas être généralisée. » En effet, les initiatives locales ne sont pas retenues par le rectorat qui craint que l’équipe ne soit pas pérenne et que son délitement ait un effet délétère sur l’organisation. Pour protéger la solution maison, Lionel devient stratège : « je savais que ça allait disparaître si je ne prenais pas la main dessus ». Au-delà des spécificités locales, la constitution de cette équipe initiale est fondamentale dans la logique de déploiement promue par l’institution. 3.2.2. Formation et essaimageDans tous les établissements, la première année est plus particulièrement dédiée à l’information à faire autour de l’ENT en direction de l’équipe. L’équipe de pilotage, constituée dans l’établissement et formée par le Rectorat, informe et forme à son tour les personnes volontaires dans le lycée : « Il y a eu de la formation proposée pour l'administrateur et, le référent pédagogique [le documentaliste]. Les professeurs qui étaient impliqués ont eu aussi un peu de formation par le Rectorat. Et puis derrière, en interne, cette équipe-là a proposé de la formation aux collègues. On avait organisé plusieurs séances de formation et s'inscrivait qui voulait » (Christophe, proviseur adjoint, 43 ans, Lycée M). Lors du dernier trimestre de la fin de la première année de déploiement, certaines fonctionnalités, déjà existantes, sont mises à disposition des enseignants via E-Lyco (appel, rentrée des notes). À la rentrée suivante, les chefs d’établissement le leur prescrivent explicitement. Les enseignants ressources sont un pivot essentiel dans la stratégie de déploiement d’E-Lyco car ils assurent la jonction entre l’équipe de direction et l’équipe éducative, favorisant de la sorte l’essaimage espéré. Partant de leurs expériences du numérique scolaire, souvent à partir de leur pratique pédagogique dans leur discipline d’appartenance, ils peuvent être à l’initiative de formations en direction des enseignants. Leur contribution n’est pas uniquement technique car elle permet de faire tomber des réticences, de faire accepter les usages du numérique à partir d’exemples, en faisant « la preuve » de son intérêt et de son efficacité : « Un enseignant moteur, pivot du développement de l’ENT dans l’établissement a proposé des formations pour les professeurs qui étaient un petit plus réticents par peur. » (Luc, proviseur adjoint). Et surtout, l’enseignant-animateur TICE peut aller au-delà du simple usage « souvent c’est des formations sur l’outil pour l’outil (...) ce n’est pas suffisant. On a des intentions pédagogiques quand on vient dans sa classe » et d’organiser depuis 2-3 ans des formations davantage centrées sur les usages pédagogiques (Lionel, Physique, 42 ans, Lycée A). Les enseignants comme les équipes administratives regrettent pourtant que ces formations aient été réduites : quelques demi-journées pour les animateurs, une demi-journée ou deux pour les enseignants : « Ce n’est pas assez. C’est parce qu’après on a plein de questions. Et arrivé à la maison, ça fonctionne pas comme on voudrait alors on est... on ne peut pas harceler le collègue de nos propres problèmes, donc on renonce assez facilement en fait » (Andréa, Anglais, 41 ans, Lycée C). Il est vrai que dans certains établissements, une formation spécifique peut avoir lieu à la demande : ainsi Chloé (SES, 41 ans, lycée A) a obtenu une heure de formation pour utiliser la fonction blog afin de faire une revue commentée de l’actualité économique et sociale avec ses élèves. 3.3. Paix sociale et ordre négociéDepuis une trentaine d’années les personnels d’encadrement de l’Éducation Nationale sont amenés à travailler dans un compromis entre une hiérarchie verticale dont ils tentent partiellement de s’affranchir et un appui sur des ressources locales, selon un principe d’autonomie recherchée de gestion des établissements (Derouet, 1988) ; (Derouet, 1992). La posture des chefs d’établissements tend à concilier les attentes parfois contradictoires entre ces différents niveaux dans un ordre négocié (Dutercq, 2005). Au-delà de leur position intermédiaire dans la hiérarchie de l’institution, la préoccupation première des chefs d’établissements consiste à mettre en œuvre au quotidien les conditions du fonctionnement du lycée dont ils ont la charge. A ce niveau de leur activité, la gestion de l’établissement aidée des outils numériques leur permet d’installer un climat de confiance et de négocier une paix sociale : « Tout ce système de gestion au jour le jour, c'est aussi un choix. Bon, moi je m'y retrouve parce que je trouve que derrière, ça permet d'avoir un climat de travail beaucoup plus serein. » (Luc, proviseur adjoint, 42 ans, Lycée B). Mais une position de défiance ou de méfiance des enseignants tend à mettre à distance un possible contrôle extérieur de leur travail. Elle serait due, au moins en partie, à une posture individualiste des enseignants mis en face d’un nouvel objet potentiellement dérangeant qui pourrait remettre en cause leur degré d’autonomie réel ou revendiqué dans l’organisation de leur activité (Barrère, 2002). Néanmoins actuellement, le déploiement semble majoritairement bien accepté par les enseignants, au moins pour les tâches administratives de base (appel, réservation des salles, saisie des notes), parce que ces tâches étaient déjà routinisées. Un CPE (Patrick, 51 ans, Lycée A) se félicite « [les enseignants] commencent leurs cours par ça quasiment. (...) ils rentrent les absences (...) On peut réagir en temps réel. On appelle les familles immédiatement ». Le numérique pris dans sa globalité (les pratiques pédagogiques et administratives) est donc souvent décrit par les chefs d’établissement comme un « allant de soi » en regard de la massification de ses usages dans et hors des activités professionnelles. Cependant les professeurs sont divers dans cette acceptation : nous avons rencontré peu de réticences chez les enseignants peu utilisateurs de TICE, ou utilisant les TICE aux seules fins d’enrichissement de pratiques pédagogiques antérieures, par conséquent simplement importée. Comme nous le voyons dans la partie suivante, l’essaimage est un sujet polémique chez les praticiens confirmés du numérique. Cette dimension est particulièrement présente chez ceux qui ont « essuyé les plâtres », car entrés dans la vague 1 et qui, même si l’outil a été amélioré, continuent de véhiculer la controverse. 4. De quelques tensions dans la réception de l’ENTLes tensions que nous analysons ne se manifestent pas, ou peu, entre les partenaires à l’intérieur de l’école. En effet, les personnels de direction et les enseignants œuvrent pour le fonctionnement de l’établissement et ne sauraient se confronter ouvertement sur des points qui ne relèvent pas de leur pouvoir de décision. Les tensions par conséquent se manifestent par rapport à l’outil lui-même et ceux qui l’ont conçu ou imposé. Notons qu’elles sont datées et spatialement situées, notre méthode compréhensive sur la base d’un nombre limité d’entretiens ne visant pas la généralisation. Ces tensions peuvent se manifester de différentes façons : bricolages (Linhart, 1978) ; (Perriault, 1989) ; (Perriault, 2002) dénonciation d’un aveuglement organisationnel (Boussard et al., 2004), ou encore rejet au nom de certains principes (Boltanski et Thévenot, 1991). 4.1. Bricolages et stratégies de contournementÀ la suite de Linhart (Linhart, 1978) qui a montré que le salarié ne se soumet pas toujours au one best way taylorien : il bricole les outils conçus par le bureau des méthodes, Perriault (Perriault, 2008), a analysé pour le monde enseignant les « déviances dans les motivations et les usages de l’outil ». Ainsi, si l’« objectif initial de l’introduction de l’informatique à l’école était de familiariser les jeunes avec l’ordinateur dans les différentes disciplines enseignées » dès 1970-76, avec l’expérience dite des « 58 lycées », l’essentiel du résultat a été la constitution d’un réseau d’affinités entre professeurs intéressés » ! Ainsi pour ce qui nous concerne le produit du consortium Région/Rectorat/éditeur : « on a eu un message des chefs d’établissements qui nous ont dit surtout laissez-nous nos outils de gestion des notes et des absences, donc on a entendu ce message et on a demandé explicitement dans notre appel d’offres à ce que la solution n’intègre pas nécessairement des outils de notes et d’absences mais par contre puisse bénéficier d’un connecteur qui permette à partir de l’ENT de lancer ces applications » (Stéphane, 42 ans, Chargé de mission, Région). Ainsi, de nombreux enseignants ne passent pas par E-Lyco pour y accéder alors que c’est « le choix qu’on recommande fortement » (Stéphane, chargé de mission, Région). En effet, la qualité souvent déficiente de la connexion dans les établissements, est un obstacle récurrent à l’acceptation de l’usage de l’ENT : « Les connexions sont hyper lentes. Alors effectivement, quand vous ouvrez quarante-cinq sessions de Pronote en même temps entre 8h et 8H10... un escargot va plus vite quoi. Donc du coup, ça fait un petit peu grincer des dents au niveau des enseignants. » (Denis, proviseur adjoint, 47 ans, Lycée H). De nombreux enseignants ont donc extrait Pronote, que l’éditeur avait intégré dans l’ENT. Cela leur évite une manipulation supplémentaire, entrer son nom et son mot de passe dans E-Lyco avant d’entrer dans Pronote, et donc un gain de temps et un confort accru. Nous trouvons aussi des stratégies de contournement, voir Hénocq in (Bruillard, 2011). C’est le cas pour l’utilisation de la messagerie : « On a des profs pour lesquels on voit le message qui revient "Boîte over quota". Ça, c'est indicatif d'un prof qui ne gère pas, qui ne suit pas... Il y en a, ce n’est pas leur culture. Et puis, vous savez, on est dans l'Éducation Nationale. Il y a une certaine coquetterie.» (Boris, proviseur, 60 ans, Lycée D). Les chefs d’établissement décrivent plus ces « façons de faire » sur le mode de l’antijeu ou du contournement que d’une opposition frontale, individuelle ou collective, et les minimisent comme Boris qui parle de « coquetterie ». Cette présentation positive est contredite par celle d’une partie des enseignants interviewés. Le mail sur E-Lyco est critiqué pour son inefficacité : « quand un élève ou un enseignant fait un message ça vous envoie une alerte sur votre messagerie personnelle pour dire, vous avez reçu un message. Vous avez le début de la phrase et ensuite il faut se connecter sur E-Lyco avec ses identifiants pour voir la suite du message. » (Lionel, Physique, 42 ans). Julien (Génie électronique, 33 ans, Lycée A) le dit aussi : « la boite mail c’est une catastrophe (...) il n’y pas de gestion de contenu, enfin on ne peut pas organiser son travail, on ne peut pas faire des réponses automatiques (...) Moi j’utilise ma boite Gmail classique. Sinon (...) je ne m’en sors pas. ». Loin d’être une simple « coquetterie », le bricolage ne recouvre pas qu’un aspect pragmatique pour la réalisation de l’activité, mais il constitue en l’occurrence une véritable stratégie de contournement de politiques de mise en place de l’ENT. Enfin, des enseignants privilégient des solutions alternatives qu’ils ont élaborées avant l’arrivée de l’ENT. Ainsi Gilbert (Histoire-Géographie, 52 ans, Lycée A) qui « prépare tous les documents, je scanne les images etc. les fichiers, y compris les liens vidéos parfois (...) Alors tous ces documents-là, moi je les mets dans un dossier, puis ce dossier après je le mets sur ma plateforme Moodle et je construis mon cours à partir de là. Alors on peut mettre des fichiers de 100 Mo (...) Donc j'utilise ça, c'est-à-dire que moi sur la plate-forme j'ai mon cahier de textes, je n’ai pas tous mes cours en lignes mais j'ai des dossiers... Alors, pas E-Lyco, moi je n'utilise pas E-lyco ». En effet, E-Lyco ne permet pas de déposer des fichiers de plus de 20 Mo, le contournement est donc, dans certaines disciplines, pour certaines pratiques pédagogiques, obligatoire. Les animateurs TICE se gardent d’essaimer ces pratiques alternatives lorsqu’une solution E-Lyco existe, « je fais ce qu’il faut » dit Lionel (Physique, 42 ans, Lycée A), soucieux d’être loyaux pour une tâche qui est rémunérée, cependant certains correspondants TICE disciplinaires les essaiment auprès de leurs collègues : « j'ai proposé un petit stage. Pour les collègues d'histoire-géographie, il y en a quatre ou cinq qui l'utilisent aujourd'hui comme tout le monde » (Gilbert, Histoire-Géographie, 52 ans, Lycée A). La logique de l’usage est donc bien « un comportement cohérent de choix, d’instrumentation et d’évaluation d’un appareil en vue de l’exécution d’un projet » (Perriault, 2002). Mais au-delà de ces contournements, des blocages existent sur certains outils. 4.2. Malentendus organisationnelsSi la démarche communément adoptée par les chefs d’établissements se fonde sur la recherche d’un consensus entre les différents acteurs et passe par un déploiement progressif - qui repose implicitement ou de manière prescrite par l’organisation sur la logique diffusionniste de Rogers (Rogers, 2003) - visant l’appropriation consentie des ressources proposées dans l’ENT, certaines fonctionnalités deviennent des passages obligés qui, par leur dimension d’obligation vont significativement favoriser le développement du recours à l’ENT. Ainsi en est-il de l’obligation d’usage du cahier de texte numérique, qui illustre bien le passage de la recommandation à l’obligation par la circulaire n° 2010-136, publiée au bulletin officiel n°32 du 9 septembre 2010 : « Le cahier de textes mentionnera, d'une part, le contenu de la séance et, d'autre part, le travail à effectuer, accompagnés l'un et l'autre de tout document, ressource ou conseil à l'initiative du professeur, sous forme de textes, de fichiers joints ou de liens. (...) Les textes des devoirs et des contrôles figureront au cahier de textes, sous forme de textes ou de fichiers joints. Il en sera de même du texte des exercices ou des activités lorsque ceux-ci ne figureront pas sur les manuels scolaires. En ce qui concerne les travaux effectués dans le cadre de groupes, ou de sous-groupes d'élèves de différents niveaux de compétences, et en vue de favoriser un accompagnement plus personnalisé, le contenu de ces activités spécifiques sera également mentionné dans le cahier de textes ». Les arguments avancés par les enseignants à l’encontre du cahier de textes numérique, les proviseurs le savent bien, se développent dans des registres variés allant des limites techniques de l’outil - « les gros fichiers que les profs voulaient mettre sur le cahier de textes ne passaient pas par exemple. » (Denis, proviseur adjoint, 47 ans, Lycée H) - à son ouverture aux parents, en passant par la « chronophagie » engendrée par ce nouveau mode de communication : « La deuxième problématique, c'est l'utilisation et la saisie sur le cahier de textes. C'est vrai que bon, voilà c'est une obligation, c'est passé sur les textes officiels, on n'en discute pas. Mais (...) c’est chronophage pour un enseignant.» (Denis, proviseur adjoint, 47 ans, Lycée H). De plus, « il y a beaucoup de professeurs aussi qui ont peur du regard qu'on apporte. Alors, il y a le regard des parents (...) on peut voir l'aspect positif avec "mais je suis désolée le prof a écrit que t'as telle et telle chose à faire, que t'as les verbes réguliers à réviser". Enfin vous voyez ce que je veux dire. Mais il y a aussi une surveillance du contenu. » (Andréa, Anglais, 41 ans, Lycée C). Corinne (Lettres, 60 ans, lycée L) nous a même relaté que les parents d’élèves de l’un de ses collègues avaient comparé son enseignement avec d’autres, usant des identifiants d’amis ayant des adolescents en classe avec d’autres enseignants, pour les comparer à son désavantage. Considérant le cahier de textes comme une « double imposture », certains enseignants comme Pierre-Yves (Philosophie, 48 ans, Lycée H) refusent de le remplir : «pour deux raisons : d’abord une raison technique (...) pour l’instant ce n’est pas encore très bien configuré, ce n’est pas très souple. Il faut tout éteindre, tout rallumer, etc. (...) [ensuite] Soit on met deux mots sur ce qu’on fait, qui ne dit vraiment rien du fond de la séance, qui n’est qu’une indication, qui n’a aucun sens (...) Soit on fait un cahier de texte, mais un vrai, avec ce que l’outil permet et d’ailleurs invite à faire : on indique les ressources, le cours, le contenu du cours, l’argumentaire, les documents utilisés. Mais là, c’est un temps de travail gigantesque ». En conséquence, alors que le cahier de textes pourrait être une avancée puisqu’il devrait permettre l’engagement et le soutien des parents dans le suivi de la scolarité de leur enfant et l’amélioration de la communication établissement-enseignants/parents, il n’y parvient pas. On peut en avancer une explication, c’est que les différents acteurs qui ont conduit au cahier de textes (Ministère pour le B.O., éditeur privé concepteur technique du cahier de textes, Région, Rectorat, enseignants) n’appartiennent ni aux mêmes strates d’une organisation feuilletée, ni aux mêmes cercles qui réunissent des acteurs aux tâches communes, mais qui ne poursuivent pas les mêmes objectifs et n’entrent pas forcément en contact (Boussard et al., 2004). Chaque cercle perçoit un niveau de la réalité. Pour le Ministère, le Rectorat, les inspecteurs, le cahier de textes au-delà de ses fonctions pédagogiques et communicationnelles, est aussi un instrument de contrôle. Il est visé notamment lors des inspections puisqu’il dresse un panorama d’ensemble du travail effectué par l’enseignant dans sa classe. Pour les enseignants, la fonction de contrôle existe aussi, mais elle est atténuée par le fait que les inspecteurs regardent davantage les cahiers/classeurs des élèves que le cahier de textes. Ce dernier est aussi à la fois un mémo lorsqu’on a plusieurs classes de même niveau qui n’avancent pas au même rythme et un outil de transmission au collègue qui viendrait le remplacer en cas d’absence. Pour la Région et l’éditeur de l’ENT, c’est un objet mal connu, même si la Région a pris soin de recruter des enseignants pour suivre le processus d’installation de l’ENT. Quant aux parents, même s’ils avaient déjà la possibilité d’accès, ils n’allaient généralement pas dans les établissements pour le consulter. Le feuilletage donne une multiplicité de cadres qui engendre malentendus et dysfonctionnements. La Région et l’éditeur de l’ENT ont « oublié » d’interagir avec les enseignants, qui n’ayant pas été consultés pour la construction technique de ce qu’ils attendaient d’un cahier de textes : « ils ne savent pas ce que c’est un cahier de textes, alors c’est n’importe quoi » (Julien, Génie électronique, 33 ans, Lycée A). En conséquence de quoi certains enseignants le dénoncent, le remplissent a minima, voire ne le remplissent pas, ce faisant on assiste à ce que Boussard, Mercier et Tripier (Boussard et al., 2004) qualifient d’« aveuglement organisationnel », les acteurs des différents cercles ne parvenant pas à interagir pour lever le malentendu né d’une erreur de conception initiale, mais aussi d’une absence de dialogue et de concertation entre les différentes parties lors des phases de déploiement puis d’usage. On sait que la participation des enseignants à l’ensemble du processus depuis sa conception et tout au long de sa mise en œuvre est un facteur de réussite (Bruillard, 2011). Or, dans le cas présent ce n’est pas le cas, il s’agit d’une « innovation dogmatique » (Alter, 2010), sans qu’il y ait eu de procédure de choix éclairés et réfléchis - de l’artefact et de son design - de type « design defense4 » (Lipka, 2012). C’est d’ailleurs ce que dénoncent aussi les syndicats. Dans une lettre intersyndicale, datée du 27 mars 2013, intitulée « E-Lyco : trop de questions sans réponses », la CGT éducation, le CNT, le SNES, Sud éducation, et le Snetap dénoncent : « Si certaines fonctionnalités ont leur intérêt et répondent à de réels besoins, d’autres en revanche sont plus discutables et nous ont été imposées sans concertation », et demandent entre autres à « Discuter des usages et des modalités de mise en place : activation ou non de certains services / Refus d’une partie ou de l’ensemble du dispositif ». 4.3. Quand des justifications entrent en tensionLe paradigme de la justification élaboré par Boltanski et Thévenot (Boltanski et Thévenot, 1991), est fécond pour analyser des tensions dans le monde scolaire comme en témoignent de nombreux travaux (Derouet, 1992) ; (Derouet et Dutercq, 1997). En effet, chaque individu affronte au quotidien « des situations relevant de mondes distincts, qu’il peut analyser en référence à différents principes de justice, dans la mesure où ils sont tous admis par les membres de la société, et qui construisent autant d’ordres de généralité. Boltanski et Thévenot parlent pour qualifier ces principes de "cités" et pour qualifier ces ordres de "grandeurs". Les grandeurs se sont empilées dans le temps et correspondent à autant d’idéaux porteurs de justifications dont les individus peuvent variablement se réclamer selon les circonstances » (Dutercq et Lanéelle, 2013). Les arguments de plusieurs mondes sont mobilisés dans les discours des acteurs. Au premier abord, l’outil appartient au registre de la cité industrielle, celle de l’efficacité et de l’efficience. Simultanément, l’ENT en ouvrant l’école aux parents à partir du domicile, renvoie à la cité domestique. Il en est de même pour les enseignants, qui accèdent de façon nomade à l’ENT. N’oublions pas aussi que l’ENT et plus globalement le numérique engagent le renom de l’école, s’inscrivant alors dans la cité de l’opinion. Quant au choix de l’ENT, il s’est fait par la concurrence, renvoyant alors à la cité marchande, mais la recherche de l’égalité des territoires au nom de laquelle la Caisse des Dépôts et Consignations s’est mobilisée relève de la cité civique. Les ENT, mais plus globalement le numérique, constitueraient aussi une incitation à innover et à la créativité pédagogique et concourraient alors à la cité inspirée. Enfin, l’intégration des ENT dans le new public management fait référence à la cité par projet (Boltanski et Chiapello, 1999). Passons en revue quelques-uns de ces arguments. 4.3.1. Efficacité organisationnelle versus perte d’autonomie professionnelle des enseignants ?Les équipes de direction des établissements invoquent fréquemment l’augmentation de l’efficacité administrative, par le transfert des tâches vers le numérique qu’ils pensent sans incidence sur la charge de travail. « Aujourd’hui on gagne du temps, c’est clair. Aujourd’hui sur le traitement des absences, l’envoi des courriers, toutes ces choses-là on gagne vraiment énormément de temps qu’on peut passer à faire autre chose, notamment à recevoir les élèves, à... à traiter d’autres problèmes de fond » (Patrick, CPE, 51 ans, lycée A). Nous l’avons vu aussi pour la gestion des salles, pour la saisie des notes etc. Le principe d’efficacité étant au cœur de leurs missions, cela n’est pas étonnant qu’ils en soient satisfaits. Si a priori bien des enseignants n’y trouvent guère à redire, il en est tout de même qui jugent que l’administration a délégué ses propres tâches à leurs dépens. C’est le cas de Pascal (Génie mécanique, 50 ans, lycée A) : « L’évolution de ces plateformes dans l’Education Nationale et ailleurs est à peu près similaire à l’évolution des caisses enregistreuses de supermarchés. Les caissières (...) viennent soulager le travail de gestion qui se fait au-dessus mais cela ne change en rien, parfois cela aggrave même leur relation avec le client ». Alors efficace administrativement l’outil ? Certainement, mais au prix d’un transfert qui accroît la polyvalence de l’enseignant, et qui est susceptible d’empiéter sur son temps et donc sur sa propre efficacité dans la préparation de ses cours, ses corrections de copies, sa recherche documentaire. De plus, « le bémol (...) c’est la trace qui est laissée sur ces outils-là. (...) aujourd’hui on est capable d’analyser le degré de stress d’un individu en fonction de son niveau de frappe, de l’intensité, de la vitesse etc. (...) on systématise, on archive le traçage qui existait auparavant de l’activité vie scolaire d’un enseignant. (...) C’est des choses qui existaient (...) Par contre tout est archivé en dynamique, consultable pas forcément avec tous les accords de l’enseignant » (Pascal, Génie mécanique, 50 ans, lycée A), puisqu’il n’y a pas eu de charte d’utilisation d’E-Lyco de signée... Si la crainte du contrôle de leur activité est parfois fantasmée : « Chaque fois, que je propose une innovation, d'ouvrir une fonctionnalité qu'on n’utilisait pas avant, c'est toujours Big Brother qui vient le premier, qui est le premier à sauter sur la table. » (Boris, proviseur, 60 ans, Lycée D) ; on peut voir dans cette traçabilité et le contrôle redouté de leur activité par les enseignants, un alignement des pratiques de la fonction publique sur les pratiques managériales du secteur privé (Boltanski et Chiapello, 1999). Une partie des chefs d’établissements partage cette position qui voit dans E-Lyco un possible outil de contrôle standardisé de l’activité des enseignants ou de celle des établissements et des équipes de direction. Cette conception de la part des chefs d’établissements semble renforcée lorsqu’eux-mêmes ont un passé d’enseignant, ce qui reste un parcours professionnel courant. La critique est principalement argumentée à partir d’une perception technocentriste de l’ENT, non adapté à la situation locale et aux spécificités des établissements : « Je rejoins le scepticisme de certains des collègues devant les outils informatiques. Je me méfie des outils qui sont mis à disposition sans que le besoin soit avéré. » (Boris, proviseur, 60 ans, Lycée D). Les chefs d’établissement ne sont pas de simples courroies de transmission des politiques publiques : ils gardent une certaine distance et participent aussi au renouvellement de la critique portée à l'encontre des récentes politiques publiques en éducation. 4.3.2. De la relation école-familleLe Ministère et les Régions ont eu pour objectif de permettre l’ouverture des établissements aux parents c’est-à-dire d’être un outil au service des relations équilibrées entre l’école, l’élève et la famille (Bruillard et Baron, 1996). Les chefs d’établissement aussi considèrent L’ENT comme un outil au service à la fois du fonctionnement et de l’efficacité attendue de l’établissement. La qualité des relations est centrale dans cette conception et passe notamment par la qualité de la communication et de l’information entre les différents acteurs : « Ma position a été de mettre en pratique l'adage suivant : " L'éducation dans le second degré est affaire de triangulation entre l'école - l'institution scolaire -, l'élève qu'elle accueille et la famille". J'aime bien le triangle parce qu'il doit montrer la notion d'équilibre. » (Boris, proviseur, 60 ans, Lycée D). On entre ici dans le monde domestique des familles, en l’élargissant, en permettant aux parents d’entrer dans l’école pour suivre leur enfant. Le principe est « grand » tant dans l’intention que dans la réception potentielle des parents. Selon les orientations, la direction des établissements peut faire le choix de centraliser la diffusion de l’information en direction des familles via E-Lyco. L’ENT permet alors d’entrer dans une forme de rationalisation de la communication en en faisant le vecteur central, sinon unique, de la communication entre l’établissement et les familles : « On fait en sorte, dans notre manière d'utiliser E-Lyco, que de plus en plus les gens soient obligés de converger s'ils veulent avoir l'information. On la donne. » (Boris, proviseur, 60 ans, Lycée D). Outre le gain de temps qu’elle procure, cette orientation accroît potentiellement la qualité de la communication en limitant les pertes ou les distorsions des informations transmises. Ce déplacement des modalités de communication semble en pleine expansion et de plus en plus partagé dans les lycées visités, intégrant une phase relativement courte de transition entre la communication « papier » et la communication « numérique » : « On affiche une obligation pour eux [les parents] de créer leur compte et on explique qu'il y a un certain nombre d'informations qui ne passeront que par ce canal-là. Là, sur les réunions parents/profs, on a supprimé le cahier de textes [papier], le carnet de correspondance pour les élèves de Première et de Terminale.» (Luc, proviseur adjoint, 42 ans, Lycée B). En réduisant les temps de diffusion des informations et les distorsions possibles dues aux intermédiaires, l’espace numérique de travail devrait améliorer qualitativement la communication avec les parents. Ce travail en direction des élèves et des familles est important pour les chefs d’établissement car il permet de mettre en relief les usages d’E-Lyco, de les dissocier des pratiques de sociabilités numériques courantes à l’extérieur de l’école. L’usage de l’ENT par les élèves doit être contrôlé afin d’éviter tout détournement. Son utilisation doit s’inscrire dans une finalité scolaire. Ce faisant, l’outil concourt à la mise en adéquation de l’école avec les pratiques de communication socialement majoritaires tout en s’en démarquant. De la sorte, la légitimité du système éducatif est préservée, voire renforcée : imposition du respect de sa position mais aussi adaptation sociale (contrecarrant un certain nombre de critiques émises sur le conservatisme ou l’inertie du système éducatif) : « On s'aperçoit que les élèves détournent E-Lyco tout de suite. Parce qu'on est obligé de faire de la modération sur des discussions, qui sont des discussions de types réseaux sociaux (...) On voit des gens utiliser E-Lyco comme un réseau social. C'est-à-dire avec du babillage informe, crétin. Enfin, enfin qui n'est pas à usage de communication scolaire » (Boris, proviseur, 60 ans, Lycée D). L’objectif est ici d’identifier, auprès des élèves et des familles, l’ENT comme un outil institutionnel de communication, dissocié des outils ludiques utilisés dans la sphère privée (FaceBook, par exemple) afin de conforter voire même d’accroître la crédibilité de l’établissement dans son action et, plus globalement, la légitimité de l’institution scolaire dans la réalisation de ses missions : « Globalement, la légitimité à communiquer avec l'élève, ou la famille, c'est parce que c'est la légitimité professionnelle. Alors évidemment à l'intérieur, chacun dans cet ensemble [enseignants, Direction, CPE] a une légitimité professionnelle qui est distincte... Mais qui concourent toutes à la même chose. », poursuit-il. Néanmoins, si on se tourne vers le point de vue enseignant, on ne rencontre pas forcément les mêmes principes relevant de la même cité domestique. Ainsi, suite à la demande des enseignants, au lycée A, les parents n’ont pas accès à la totalité des espaces de l’ENT, les notes par exemple. La proviseure a en effet rallié les enseignants et dérogé au principe général de l’ENT. Elle l’explique d’une part par la volonté de ne pas mettre son équipe en difficulté face aux familles qui pourraient établir « un comparatif avec des choses parfois peut-être difficiles de gérer... Par exemple dans une classe tel prof a mis tant de notes et tel professeur dans telle classe a mis tant de notes. Est-ce qu’on met une moyenne ? [mettre toutes les notes pourrait avoir] un effet qui serait négatif sur l’établissement et puis pour les personnes aussi » (Aline, Proviseur, 56 ans, Lycée A). D’autre part, elle justifie son choix par rapport aux élèves : « Si un enfant ne dit pas ses notes à ses parents et si on donne directement accès, ce lien [école-élèves] là où il est ? (...) Et puis ce sont des adolescents et je crois qu’ils peuvent avoir leur vie ». Pour Aline il y a réel « enjeu » à laisser une autonomie aux adolescents, y compris aux dépens des familles. À cela des enseignants ajoutent des raisons docimologiques : la note attribuée à l’élève est « une mesure. C’est son métier, il sait à quoi ça correspond, il sait qu’à certains moments peut-être qu’il a fait un devoir facile ou difficile dans un contexte où il y a une stratégie derrière et la note brute en soi ne veut rien dire (...) Donc ça, seul l’enseignant peut le maitriser, maintenant je sais qu’il y a une demande très forte de la part des parents d’élèves pour avoir accès aux notes en continu. Ce à quoi il faut faire attention, c’est que le parent soit un simple consommateur d’une prestation, je mets mon enfant à l’école donc je veux en échange ses notes le soir » (Lionel, Physique, 42 ans, Lycée A). Raisons qui relèvent d’une valeur professionnelle essentielle, le respect du métier. 4.3.3. L’aplatissement des temps sociauxQuant au monde domestique des enseignants, il est perçu comme malmené par bien des professeurs, parce que les tâches sont chronophages et brouillent la frontière entre la sphère privée et la sphère professionnelle. C’est un des freins à l’utilisation des outils numériques qui découle d’un accroissement, réel au moins dans un premier temps, de leur charge de travail. Leur réticence est d’autant plus importante que ces nouveaux temps d’activité professionnelle ne font l’objet d’aucune reconnaissance de la part de l’institution. Ainsi en est-il de la gestion par les enseignants de la messagerie électronique : « les profs croulent sous les boîtes aux lettres, parce que ça dégringole de partout. E-Lyco, qui retransmet, quand on est dans la messagerie... on se retrouve à traiter 100 messages par jour ! » (Simon, proviseur5, 55 ans, Lycée I). La dématérialisation, via les outils numériques, d’une partie des tâches qui leur incombe transforme en profondeur les agencements temporels de leur activité. C’est alors la crainte d’un infléchissement de la frontière entre sphères professionnelle et privée qui est mise en avant : « La principale réticence, c'est comment la communication, par le biais de l'ENT, va être gérée par les parents ? Est-ce que le prof va se retrouver avec quarante messages tous les soirs chez lui ? C'est ça la première problématique. » (Denis, proviseur adjoint, 47 ans, Lycée H). « Dans les craintes qu'on pouvait entendre quand on a parlé de cet espace numérique, chez les enseignants, c'était aussi effectivement par rapport aux pertes de repères dans le temps. C'est-à-dire qu'on peut être questionné n'importe quand, n'importe où, à tout moment. Et du coup, comme on a une communication qui se fait très très vite comme ça, ça sous-entend qu'on doit y répondre. Et du coup, on travaille de huit heures le matin à dix-huit heures le soir, mais on est encore sollicité à vingt-deux heures, à vingt-trois heures et il n'y a plus de limite quoi. » (Christophe, proviseur adjoint, 43 ans, Lycée M). Le brouillage des repères traditionnels qui tendent à séparer l’activité de travail et l’activité hors travail est vécu comme une agression par les enseignants : « C'est vrai que vous pouvez vous retrouver le soir avec un nombre certain de messages de parents, dans certaines situations. Donc c'est vrai que pour l'enseignant, ça peut être aussi vécu comme une agression, parce que là, du coup, il est chez lui, on est sur le temps privé et on se retrouve quand même confronté à devoir échanger. » (Denis, proviseur adjoint, 47 ans, Lycée H). Il y a comme un aplatissement des temps sociaux. Autrefois, les temporalités de la vie sociale restaient cloisonnées : travail, famille, loisirs, formation etc. Aujourd’hui il y a comme un déversement du temps de travail sur les autres temps sociaux : l’enseignant travaille de plus en chez lui lorsque par exemple il remplit son cahier de textes ou répond à ses mails professionnels (Nanteuil-Miribel et El Akremi, 2005). 5. ConclusionAlors que le numérique a bouleversé bien des pratiques sociales, sa diffusion dans les lycées français est encore inégale malgré la forte dotation en équipement informatique qui est opérée depuis deux décennies. Si les équipes administratives utilisent le numérique depuis longtemps avec des logiciels achetés sur le budget des établissements, les pratiques pédagogiques des enseignants restent en majorité peu impactées par les TICE puisque plus de 60% ne l’utilisent qu’occasionnellement pour leur enseignement. Pourtant, la société d’aujourd’hui est déjà une société numérique et l’Éducation Nationale se doit6 de permettre aux élèves de s’y intégrer pleinement. De plus, la relative inefficacité du système en matière de réussite scolaire (OCDE, 2010) et les lourdeurs bureaucratiques dans une période de réduction drastique des budgets nationaux (Dutercq, 2005) imposent un renouvellement des politiques publiques d’éducation. Dans le cadre de la décentralisation, l’État et les Régions se sont réparti les rôles pour promouvoir le numérique, considéré comme outil incontournable dans l’amélioration du système scolaire. La dotation en équipement et la mise en place sur l’ensemble du territoire national français d’environnements numériques de travail, comme E-Lyco dans la Région où nous avons mené notre enquête, figurent parmi les instruments de cette politique. Les ENT présentent plusieurs avantages dans la mesure où ils ont vocation à permettre des pratiques pédagogiques nouvelles, à rendre plus efficace la gestion administrative des établissements et à les ouvrir aux parents et élèves, rendant par-là plus transparente l’organisation scolaire et permettant une amélioration de la relation école-famille, bénéfique on le sait aux résultats scolaires des élèves. Ce sont les membres des équipes de direction qui sont chargés du pilotage du déploiement de ces ENT dans l’établissement qu’ils ont en responsabilité. Cependant, tout comme les enseignants, ils les reçoivent de manière contrastée. Les chefs d’établissement, qui ne souhaitent pas heurter leurs équipes, œuvrent au déploiement du dispositif dans un ordre négocié en faisant entrer les outils consensuels dans un premier temps. En conséquence, à la fois les personnels de direction et les enseignants se satisfont des bénéfices apportés par l’outil, lorsqu’ils sont supérieurs aux inconvénients, comme l’amélioration de la gestion des salles ou des absences par exemple. Néanmoins, certains outils présents dans l’ENT suscitent critiques et/ou contournements de l’ENT. Si les chefs d’établissement espèrent que le temps jouera dans le déclin des réserves, certains d’entre eux sont conscients des obstacles générés, pérennisés ou accentués. En effet, les réticences à l'usage sont consolidées par une crainte diffuse du contrôle de l'activité des enseignants. Ainsi en est-il par exemple pour le cahier de textes, devenu obligatoire. Cette circonspection repose à la fois sur l’analyse de dysfonctionnements organisationnels et de tensions sur les principes. Elle prolonge la critique portée à l’encontre des récentes politiques publiques d’éducation, fondées sur une logique managériale. 6. BIBLIOGRAPHIEALTER N. (2010). L’innovation Ordinaire. Paris, PUF. BACHY S., LEBRUN M., SMIDTS D. (2010). Un modèle-outil pour fonder l’évaluation en pédagogie active : impact d’une formation sur le développement professionnel des enseignants, RIPES, Revue Internationale de Pédagogie de l’Enseignement Supérieur, n°26. Disponible sur internet : http://ripes.revues.org/307 (consulté le 22 avril 2013). BAILLON R., DUBET F., DEROUET J.-L. (1989). Contribution à l’étude de l’établissement scolaire. Monographies de trois lycées. Paris, Ministère de l’Éducation nationale, Direction de l’évaluation et de la prospective. BARON G.-L., BRUILLARD E. (1996). L'informatique et ses usagers dans l'éducation. Paris, PUF. BARRÈRE A. (2002). 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Paris, Nathan. PUIMATTO G. (2004). « Un historique et un panorama
». Dossiers de l’ingénierie
éducative, n°46. Disponible sur internet :
ROGERS, E. M. (2003). Diffusion of innovations (5ème ed.). New York : Free Press. 7. Annexe
Tableau 1 • Les enquêtés cités A propos des auteursFrançois BURBAN est maître de conférences en Sciences de l’Education à L’université de Nantes et membre du Centre de Recherche en Education de Nantes (CREN EA 2661). Ses recherches portent sur la socialisation professionnelle des acteurs du monde de l’éducation et de la formation, dans et hors de l’Education Nationale. Une attention particulière est accordée dans ses études aux approches par compétences, aux dispositifs expérimentaux, ainsi qu’aux politiques éducatives. Adresse : CREN – Université de Nantes – Chemin de la Censive du Tertre - BP 81227 - 44312 Nantes Cedex 3 Courriel : francois.burban@univ-nantes.fr Xavière LANÉELLE est maître de conférences honoraire en Sciences de l’éducation à l’Université de Nantes et membre du Centre de Recherche en Education de Nantes (CREN EA 2661). Ses recherches portent sur les interactions en jeu dans les situations d’apprentissage instrumenté, qu’elles relèvent du tutorat ou de la collaboration/coopération. Les sciences expérimentales et la technologie comme domaines d’étude font l’objet d’une attention particulière. Adresse : CREN – Université de Nantes – Chemin de la Censive du Tertre - BP 81227 - 44312 Nantes Cedex 3 Courriel : xaviere.laneelle@univ-nantes.fr 1 Vincent Peillon a présenté ses orientations sur le numérique lors d'un séminaire gouvernemental le jeudi 28 février 2013. Deux mesures concernent l'École : l'entrée du numérique dans les enseignements scolaires et une politique ambitieuse de formation des enseignants aux usages du numérique (MEN, 2013). 2 EDT est une solution de gestion d’emploi du temps et Pronote est un service pour recenser les notes, les absences et contient un cahier de textes. Ils sont édités par Index-éducation. D’autres éditeurs existent comme ONT avec Molière et 1-2 temps comme outils. Chaque établissement est maître de son choix, 80% des établissements de la Région ont choisi le premier éditeur. 3 La liberté pédagogique est garantie aux enseignants par la loi du 23 avril 2005, art 48 : « La liberté pédagogique de l’enseignant s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre de l’éducation nationale et dans le cadre du projet d’école ou d’établissement avec le conseil et sous le contrôle des membres des corps d’inspection ». 4 “In any design, there are choices that one must work through. There are always alternative designs, but the one you choose should have skilled and comprehensive thinking behind it. Design Defense is about explaining those choices quickly to other stakeholders. It is critical that they understand the rationale and assumptions used in the decision making process.” (Lipka, 2012). 5 Nous avons privilégié dans cette sous-partie le choix de donner la parole aux proviseurs afin de montrer une fois encore qu’ils participent de la critique du néo-management. 6 Il faut tout de même noter que cela participe en partie d’une croyance technophile, dont nous ne pouvons développer l’analyse ici. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Référence de l´article :
François BURBAN, Xavière LANÉELLE, Réception d’un Environnement Numérique de Travail par les acteurs de l’éducation, Revue STICEF, Volume 20, 2013, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 27/02/2014, http://sticef.org © Revue Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation, 2013 |