Sciences et Technologies
de l´Information et
de la Communication pour
l´Éducation et la Formation
 

Volume 28, 2021
Article de recherche

Informatique, Scratch et robots : de nouvelles pratiques enseignantes en mathématiques ?

Mariam HASPEKIAN (Laboratoire EDA, Université de Paris), Jean-Michel GELIS (Laboratoire EMA, CY Université de Cergy-Pontoise)

RÉSUMÉ : Les programmes de mathématiques incluent algorithmique et informatique désormais dès le primaire. Comprendre l’évolution des pratiques enseignantes est alors un enjeu pour la recherche et la formation. L’article analyse les pratiques de cinq enseignants qui intègrent pour la première fois Scratch ou des robots. Nos cadres en didactique des mathématiques utilisent des approches instrumentale et ergonomique (schèmes, genèse et distance instrumentales) et de la didactique professionnelle (recours à des pratiques connues pour en bâtir de nouvelles). Deux phénomènes sont montrés : une réduction de la distance permettant ce recours aux anciennes pratiques et une prise de repères didactiques. Distance et repères semblent ainsi un outil intéressant pour comprendre l’activité en situation nouvelle.

MOTS CLÉS : Pratiques enseignantes, informatique, genèses instrumentales, schèmes, Scratch, robots.

ABSTRACT : Understanding the emergence of teaching practices is a challenge for research and training. We explore here the practices of five teachers first-time using programming language or robots. Using instrumental and ergonomic frames (schemes, instrumental geneses and distance) and professional didactics (new activity draws on old known practices), our results concern a reduction of distance to old practices and the existence of new didactic reference points.

KEYWORDS : Teachers’ practices, computer science, instrumental geneses, schemes, Scratch, robots.

1. Introduction

En France, informatique, algorithmique, codage, programmation, robotique sont entrés en force dans les nouveaux programmes scolaires de mathématiques depuis la rentrée 2016, avec une initiation dès la maternelle. Des objectifs nouveaux à ces âges sont visés dès le cycle 2 telle l’initiation à la notion d’algorithme et, plus largement, à la programmation, liés parfois à des apprentissages classiques comme le développement de compétences de repérage, de déplacement et de représentation dans l’espace (MEN, 2015). Cette volonté d’affirmer l’informatique dans les programmes s’est récemment concrétisée (janvier 2019) par la création et la montée en puissance d’un CAPES d’informatique dont les lauréats assureront l’enseignement de spécialité « Numérique et sciences informatiques » au lycée. Malgré cette avancée, l’informatique n’est pas encore identifiée partout comme discipline à part entière. Au collège, son enseignement reste confié aux professeurs de mathématiques et de technologie. Dans le primaire, ce champ disciplinaire est dispensé dans le cadre de l’enseignement des mathématiques et des sciences et techniques.

Dans cet article, nous nous intéressons aux pratiques de ces enseignants, qui enseignent l’informatique sans en être spécialistes, et à leurs nécessaires évolutions pour s’approprier tant cette nouvelle discipline que les technologies afférentes. Quels éléments et mécanismes sont cruciaux dans cette évolution ? Cette question interpelle tant la recherche que la formation. Du point de vue recherche : comment une activité enseignante nouvelle se déploie-t-elle ? Quels en sont les points d’appui ? Quels en sont les freins ? Du point de vue formation, les réponses peuvent amener des pierres à l’édifice qu’il reste à construire en matière d’accompagnement et de ressources pour l’enseignant : organisation d’une progression en informatique, articulation avec les autres apprentissages visés, exploitation des outils dédiés, connaissance des points d’achoppement (difficultés, résistances) des enseignants et, à l’inverse, points d’appui des pratiques réussies.

2. Contexte du travail et outils théoriques

Nous abordons ici ces questions de manière exploratoire, en nous appuyant sur cinq cas d’étude. Nous analysons qualitativement les pratiques de professeurs des écoles utilisant pour la première fois, des technologies liées à ces nouveaux programmes (le logiciel Scratch et des robots pédagogiques décrits dans la suite) et qui sont sans formation face à cette mission, comme la plupart des enseignants du primaire et du secondaire. Les outils théoriques, exposés ci-dessous, permettent nos analyses de l’utilisation de Scratch (section 3) et celle des robots (section 4). La dernière section (section 5) discute des résultats obtenus, qui montrent des convergences dans les utilisations pédagogiques et didactiques observées quant aux fonctionnalités de ces outils et aux connaissances qu’ils embarquent, lesquelles, comme nous le verrons, sont loin d’être identifiées comme mathématiques ou informatiques par les enseignants.

2.1. Outils théoriques pour analyser les pratiques

2.1.1. La Double Approche didactique et ergonomique 

Interroger les pratiques enseignantes, chercher à décrire et comprendre les changements et évolutions liés à l’intégration de nouveaux outils et à celle d’une nouvelle discipline comme l’informatique, peut se faire sous un angle didactique avec le cadre de la « Double Approche didactique et ergonomique » (Robert et Rogalski, 2002). Les pratiques naissantes que nous cherchons à décrire peuvent ainsi s’analyser sur les dimensions cognitives et médiatives de l’activité enseignante. Les choix de l’enseignant dans ces dimensions se font, entre autres, en fonction de sa « composante » personnelle : les connaissances propres qu’a l’enseignant lui-même dans ces dimensions cognitives et médiatives vont orienter son activité, combinées aux dimensions sociales et institutionnelles. Si l’introduction de l’informatique est une situation a priori complètement nouvelle pour l’enseignant, quelle activité peut-il mettre en place s’il n’a que peu de connaissances personnelles sur ces dimensions cognitives (liées à l’apprentissage de l’informatique) et médiatives (liées à l’organisation de cet apprentissage médié par de nouveaux outils technologiques) ? Ce cadre nous permet donc de poser la question des nouvelles pratiques, de leurs possibilités et de leurs freins, en termes d’analyse et compréhension des choix de l’enseignant effectués aux niveaux cognitifs et médiatifs : comment les choix vont-ils s’opérer ? Pourquoi ces choix ? Qu’est-ce qui les favorise ou les freine ?

2.1.2. La didactique professionnelle et les schèmes

La « Double Approche » réfère à la didactique professionnelle (Pastré, 1997) pour analyser les pratiques enseignantes (Rogalski, 2004), (Pastré, 2007). Ce courant s’appuie sur une théorie de l’activité développée en psychologie ergonomique française (Leplat, 1997) dans une lignée vygotskienne (Rogalski, 2004). Selon le degré d’analyse souhaité, ou possible, il peut donc être intéressant de prolonger l’étude à un angle plus cognitif en recourant à l’analyse de l’activité jusqu’aux schèmes (Vergnaud, 1990) impliqués dans ces pratiques. La question des évolutions de pratiques liées à l’informatique se traduit ici en termes de développement de schèmes nouveaux, observés à leur stade d’émergence le plus précoce. En effet, au regard de travaux qui décrivent des schèmes déjà installés — voir par exemple (Goigoux, 2007) en didactique du français, nous observons, et c’est l’originalité du travail ici en didactique disciplinaire, des pratiques « naissantes » : nous recherchons des mécanismes opérés lors de séances innovantes, mécanismes qui sont les prémisses à l’installation de schèmes ultérieurs et de pratiques stabilisées.

Comment se forment ces schèmes ? Si Vergnaud donne lui aussi de nombreux exemples de schèmes (notamment de schèmes d’élèves en situation d’apprentissage des mathématiques), ses écrits n’évoquent que peu les processus précoces par lesquels se forment ces schèmes, si ce n’est en parlant d’« ajustement » d’anciens schèmes ou de « contingence » de l’activité face à des situations nouvelles. C’est d’ailleurs toute la puissance de la notion de « schème » qui permet de rendre compte du caractère double de l’activité, à la fois systématique et contingente : « cette contingence de l’activité, est encore plus éclatante pour les situations nouvelles, lorsque le sujet ne dispose pas de schème tout prêt dans son répertoire, et doit improviser les moyens de faire face. La contingence tourne alors à l’opportunisme, et le sujet fait feu de tout bois puisant dans ses ressources cognitives, c’est-à-dire dans les schèmes antérieurement formés susceptibles d’ouvrir une voie à la recherche de la solution » (Vergnaud, 2007a, p. 20).

Des schèmes se combinent aussi pour en former de plus gros constitués de sous-schèmes avec lesquels ils entretiennent des liens. Vergnaud parle de répertoire de schèmes. C’est dans son répertoire que le sujet puise une solution. Mais que se passe-t-il face à un problème « trop » nouveau ? Et comment apprécier ce « trop » ? Nous y reviendrons. Dans le cas d’un problème à résoudre qui serait totalement nouveau pour un sujet, Vergnaud change de vocable et parle de démarches : ce sont des « démarches susceptibles d’être engagées par les sujets » et qui ont « vocation à devenir un schème » (Vergnaud, 2011, p. 42). Certaines de ces démarches débutantes vont alors être abandonnées, d’autres vont se stabiliser, voire se renforcer au point d’en chasser d’autres. Les invariants opératoires des schèmes qui se constituent là proviennent ainsi soit d’anciens schèmes déjà installés, soit se créent en situation : « dans l’adaptation aux situations nouvelles (et donc à la résolution de problème), une fonction essentielle est assurée par les invariants opératoires : soit qu’ils existent déjà dans les ressources du sujet, et qu’ils soient décombinés et recombinés, soit qu’ils n’existent pas encore, qu’ils émergent en situation, et viennent s’articuler avec les invariants antérieurement formés » (Vergnaud, 2007a, p. 20).

Cette émergence intéresse particulièrement notre étude. Comment se produit-elle ? À partir de quoi ? En effet, notre étude ne se situe pas encore au niveau de schèmes, même « petits » (Pastré, 2007), mais en amont. Nous observons de toutes nouvelles pratiques qui s’élaborent, des actions et règles de conduite en germe seulement, ou, comme le dit Pastré, en parlant lui de « gestes », des « gestes professionnels élémentaires [qui] vont être intégrés dans des organisations plus macro » (Pastré, 2007, p. 86). Mais la même question se pose en termes de gestes : comment, à partir d’anciens mais aussi de nouveaux éléments, ces gestes se mettent-ils en place ?

Dans le déroulement de l’activité, Vergnaud souligne l’importance des règles de conduite et des invariants opératoires : « Règles d’action, de prise d’information et de contrôle. C’est cette composante qui constitue la partie proprement générative du schème » (Vergnaud, 2007a, p. 18). Mais là encore, si l’on comprend bien que de nouvelles règles de conduite peuvent découler d’adaptation, ajustement d’anciennes règles, rien n’est véritablement dit sur le versant émergence de nouvelles règles (ni de nouvelles possibilités d’inférences ou de nouveaux invariants opératoires) en présence d’une situation trop nouvelle. Dans le couple schème-situation, on peut en effet distinguer le cas de situations nouvelles, mais suffisamment proches de celles déjà vécues, du cas de situations nouvelles plus éloignées, voire en rupture avec celles déjà vécues. On trouve ici une notion de distance au vécu, sur laquelle nous reviendrons par la suite. Comme le souligne Vergnaud, « le développement se manifeste à la fois par des continuités et des ruptures : les connaissances nouvelles se construisent à la fois en s’appuyant sur les connaissances antérieures, et en s’opposant parfois à elles » (Vergnaud, 2013, p. 13). Le cas de l’introduction dans l’enseignement primaire de l’informatique et de l’algorithmique, introductions accompagnées tout à la fois de celles de nouveaux logiciels tels que Scratch ou des robots, nous semble placer l’enseignant « ordinaire » dans ce second cas, celui d’une nouvelle situation extrêmement distante des habitudes en cours. L’activité que nous observons alors se situe à des stades si précoces du développement de nouveaux schèmes qu’il serait trop avancé d’attribuer un statut de « règle » aux conduites observées à ce stade, qu’elles soient d’action, de prise d’information ou de contrôle. Nous situer à ce stade nous mène alors à trois résultats. Le premier ne fait que retrouver, dans ce cas très précis de pratiques naissantes, les résultats cités ci-dessus dans les cas plus généraux d’analyse du travail issus de ce courant théorique (Pastré, 2007) : l’activité nouvelle se produit en recourant à d’anciennes pratiques connues. Le deuxième résultat montre que les conditions de ce recours ne sont pas le fruit du hasard mais sont telles qu’elles réduisent la distance aux pratiques anciennes générée par la situation nouvelle. Enfin, l’originalité de notre travail est d’observer un autre mécanisme en jeu : l’activité nouvelle se produit aussi à partir de prise de repères didactiques nouveaux. Nous distinguons l’idée de prise de repère de celle plus large de prise d’information. Dans une situation connue, mettant en œuvre un schème stabilisé, le sujet mène son activité en prenant en permanence de l’information sur cette situation, cette prise d’information étant elle-même organisée par des règles. En effet, selon Vergnaud, les règles de conduites, dont celles de prise d’information, sont des adaptations locales à la situation en cours que le sujet infère (grâce à des possibilités d’inférences, partie constituante des schèmes) de ses invariants opératoires (théorèmes en acte et concepts en acte). Pour Vergnaud, la prise d’information (autre partie constituante des schèmes) gagnerait à être davantage étudiée : « Il est étrange que la prise d’information ait été si mal théorisée, alors que c’est un des points essentiels des activités complexes » (Vergnaud, 2007b, p. 292). Dans le cas d’une situation non connue et trop nouvelle, on peut raisonnablement affirmer que, de manière analogue, le sujet mène son activité en prenant de l’information sur la situation. Avant même qu’un invariant opératoire, ou même une règle d’action, ne soit formé ou qu’une règle de prise d’information ne soit engendrée et adaptée à la situation, il y a tout de même prise d’information, possiblement tous azimuts, « opportuniste » ou en « faisant feu de tout bois » comme le disait Vergnaud plus haut. Dans ce processus, certaines des informations prises vont être oubliées, d’autres vont jouer un rôle important : celui de permettre au sujet de développer de nouveaux invariants opératoires, de nouvelles règles de conduite (y compris des règles de prise d’information adaptées à la nouvelle situation). Ces informations jouent donc un rôle particulier de guidage. Elles fournissent des repères, sur les dimensions cognitives et médiatives (repères qui sont donc didactiques), sur lesquels une organisation ultérieure de l’activité va pouvoir s’ancrer, pour dépasser le stade de démarche et arriver à celui de schème. Par exemple, l’enseignant va découvrir une erreur récurrente des élèves dans leur utilisation de Scratch. Une fois cette information retenue, elle devient un repère didactique pour son action ultérieure : il l’utilise à présent dans ses interactions avec les élèves. Sa façon d’utiliser ce repère, ou de le conceptualiser, est un bon candidat à la génération d’un nouveau schème qui sera appliqué dans les situations analogues d’utilisation de Scratch par les élèves. Ce repère peut contribuer par exemple au développement de nouvelles règles d’action ou de prise d’information, de contrôle, mais aussi au développement de nouveaux concepts-en-acte et théorèmes-en-acte liés à l’utilisation didactique de Scratch. Nous nous intéressons ainsi à cette fonction de guidage, souhaitant mettre en évidence ces moments de prise de conscience de connaissances nouvelles qui agissent comme des repères pour l’activité didactique de l’enseignant.

2.1.3. L’approche Instrumentale

Cette activité et les connaissances que nous cherchons à examiner ici ont toutefois une particularité forte : elles se déroulent avec des technologies. Ce contexte instrumenté nous pousse à particulariser ces notions de schèmes et d’activité au cas instrumenté et à utiliser pour cela le cadre de « l’Approche Instrumentale » en didactique des mathématiques (Artigue, 2002), (Guin et Trouche, 2002), (Lagrange, 2000). Ce cadre, en s’appuyant sur les concepts de la psychologie ergonomique, permet de retrouver ces notions d’activité et de schème, mais en contexte instrumenté. Il se fonde, tout en les élargissant au contexte scolaire, sur les travaux notamment de Rabardel (Rabardel, 1995) qui soulignent l’importance de la genèse instrumentale, processus au cours duquel un sujet s’approprie un artefact donné via l’élaboration de schèmes, le transformant ainsi en un instrument. Ce concept est donc bien adapté à l’étude de pratiques naissantes qui se traduisent en termes de genèses de schèmes (qui se constituent dans ces pratiques), alors même que l’activité n’est pas encore organisée de manière invariante dans ces situations nouvelles, ce que pouvait difficilement traduire l’idée directe de schème. Issues de ce cadre, deux idées décrites ci-après complètent l’outillage théorique qui a servi à nos analyses : celle de distance aux pratiques qui prolonge l’idée de distance instrumentale (Haspekian, 2017) et va permettre de caractériser la nouveauté des situations, et la distinction instrument personnel/instrument professionnel de l’enseignant (Haspekian, 2011) qui découle de l’idée de genèse instrumentale dans le cas du sujet enseignant. Nous les décrivons ci-après.

Dans les situations d’enseignement nouvellement instrumentées, l’idée de distance instrumentale reprend celle de non-neutralité des outils sur les conceptualisations usuelles dans le but de mettre des mots sur cet écart entre les situations habituelles et celles impactées par l’outil. Par exemple, une trop grande distance instrumentale comme celle embarquée par le tableur, préconisé par les programmes pour l’enseignement des mathématiques, provoque des résistances chez les enseignants, l’outil se retrouvant alors faiblement intégré dans les pratiques (Haspekian, 2005). Les difficultés d’intégration sont alors rapportées aux difficultés liées à la gestion didactique des artefacts, que Trouche (Trouche, 2005) nomme orchestrations. Cette gestion suppose en effet la connaissance des potentialités et contraintes des artefacts pour piloter l’instrumentation des élèves, définir des objectifs d’apprentissages (disciplinaires et instrumentaux) associés à ces genèses, concevoir des situations et scénarios les mettant en œuvre. Certains éléments intrinsèquement liés à l’artefact contribuent à créer ou contrer la distance : la transposition informatique (Balacheff, 1994), les éventuels écarts à l’environnement d’apprentissage usuel dans le vocabulaire, dans les techniques et dans les objets mis en avant par les deux environnements ; Drijvers parle aussi de congruence (Drijvers, 2003). De même, certains éléments, cette fois liés à la composante personnelle de l’enseignant, accroissent ou au contraire réduisent la distance (Haspekian, 2017), ce sont les diverses légitimités attribuées à l’outil par l’enseignant, déclinées à nouveau grâce au cadre de la « Double Approche » : légitimité institutionnelle (comme les instructions, injonctions officielles), légitimité sociale (comme la place de la nouveauté à intégrer dans la société), légitimité didactique, c’est à dire cognitive et médiative (comme les activités possibles avec cet artefact, leur bénéfice didactique et la valeur perçue par l’enseignant du changement qu’apporte cet outil), mais aussi légitimité épistémologique (représentations qu’à l’enseignant du rôle de l’outil dans le développement des connaissances visées, des nouveaux développements possibles qu’il génère). Ainsi, conjuguer l’instrumentation et les apprentissages visés (usuellement en référence au « papier-crayon ») peut s’avérer difficile et susciter des résistances.

Prolongeant cette étude de l’intégration du tableur, l’idée de double genèse instrumentale (Haspekian, 2006), (Haspekian, 2011) pointe, quant à elle, la distinction d’instruments issus d’un même artefact, qui s’opère dans le cas où le sujet est un enseignant : l’instrument (issu de l’artefact tableur par exemple) se dédouble en un instrument personnel du travail mathématique (de même nature que celui des élèves) et un instrument professionnel du travail didactique. Les genèses instrumentales personnelle (GIpe) et professionnelle (GIpro) renvoient à ces processus respectifs d’instrumentation chez l’enseignant. Ils peuvent différer dans le temps (cas des calculettes en général par exemple) ou être concomitants, comme dans le cas d’artefacts nouveaux, tels les robots ou Scratch. Ces artefacts nouveaux, dans le cadre d’un enseignement de l’algorithmique ou de l’informatique, sont amenés à devenir pour les enseignants des instruments (au sens de Rabardel) didactiques, différents de l’instrument personnel. Le qualificatif didactique signifie que l’instrument est, cette fois, au service de la profession. Ici, les enseignants ont à concevoir des modes d’utilisation professionnels permettant d’en exploiter les potentialités pour l’apprentissage de connaissances (ici informatiques, mathématiques, algorithmiques...). Ces artefacts ont en effet des potentialités pour l’enseignement de diverses notions de ces domaines qu’ils embarquent : programme, instruction, algorithme, évènement, exécution, initialisation, synchronisation, boucle... Ici, une GIpro qui conduirait à un instrument didactique visant ces connaissances repose sur ou se développe en même temps qu’une GIpe par laquelle l’enseignant instrumente lui-même les fonctionnalités générales de ces artefacts, lui permettant d’en définir les potentialités et contraintes pour des visées cette fois didactiques. Haspekian (Haspekian, 2011) étudie, chez une enseignante qui introduit le tableur en classe tout en découvrant elle-même ses fonctions, les interférences de ces deux genèses dont le développement concomitant complexifie le travail. C’est à nouveau le cas des enseignants observés ici avec les robots ou Scratch : leurs schèmes professionnels sur l’utilisation didactique de l’outil peuvent coévoluer et dépendre de leurs schèmes d’action personnels avec ces outils. Selon Trouche (Trouche, 2005), même s’il est impossible pour l’enseignant de « connaître dans le détail le fonctionnement des artefacts présents dans la salle de classe », une « réflexion de fond » est néanmoins nécessaire pour « concevoir les situations » ; « anticiper les difficultés des élèves », mais aussi « prévoir, relativement, les directions dans lesquelles les processus d’instrumentation et d’instrumentalisation vont se déployer ». Autrement dit, une GIpe minimale est nécessaire pour soutenir l’essor d’une GIpro menant à un instrument didactique fonctionnel pour les savoirs visés. En outre, lorsque l’outil est destiné à un usage par les élèves, la GIpro enseignante intègre aussi l’organisation des GI des élèves, complexifiant le travail enseignant. Enfin, le fait que les connaissances informatiques à viser chez les élèves soient elles aussi nouvelles pour l’enseignant est une difficulté supplémentaire.

2.2. Données recueillies et méthodologie

Les données traitées ici, recueillies sur 2015-16, proviennent du projet de recherche DALIE (Didactique et apprentissage de l'informatique à l'école), financé par l’ANR sur 2014-17, qui interroge la place de l’informatique à l’école primaire et la faisabilité d’un curriculum, tenant compte des contraintes institutionnelles, de l’activité enseignante et des représentations des acteurs (élèves et enseignants). Une quinzaine de chercheurs de laboratoires situés en France et en Grèce travaillent à partir d’observations d’enseignants volontaires pour intégrer robots ou langages de programmation. Dans le but de se rapprocher des conditions de pratiques ordinaires, nous avons choisi des enseignants qui ne sont pas spécialistes de l’informatique et qui ne bénéficient pas de formation particulière ni de supervision pour concevoir et mettre en œuvre leurs séances.

Nous nous intéressons ici à l’évolution des GIpe/GIpro de 5 enseignants, nommés René, Noémie, Alice, Fanny et Leila. René a utilisé avec ses élèves le logiciel de programmation Scratch, tandis que les quatre autres enseignantes ont expérimenté des robots. Nous cherchons à chaque fois à comprendre l’activité mise en place par les enseignants : quels choix cognitifs et médiatifs sont opérés, qu’observe-t-on en termes de régularités naissantes, quels repères didactiques les enseignants réussissent-ils ou non à prendre ? Nous avons alors filmé les premières séances de ces enseignants dans le cadre de ce nouveau programme et relevé certains documents professionnels (bilans, fiches de préparation). Nous avons aussi mené des entretiens individuels (en début de projet, avant et après certaines séances filmées).

À partir des différentes données, la méthodologie dans les deux cas a plus précisément consisté à mettre en lien les GIpe des enseignants et leurs GIpro : à quel stade en sont-ils de leur genèse personnelle avec ces outils ? Quelles en sont les conséquences observables en séance sur leurs GIpro ? Ces conséquences sont observées à deux niveaux : dans leur gestion des GI des élèves d’une part, dans les objectifs attribués à leurs séances d’autre part. Elle a également consisté à analyser des évolutions éventuellement observées de la GIpro. Pour cette analyse, précisons que les données choisies se situent à des échelles différentes d’évolution, induisant une granularité et donc une méthodologie d’analyse différente. Nous disposons pour René d’une « double » vidéo, filmant la même séance auprès de ses deux demi-classes successives, et captant la totalité de ses interactions avec les élèves. Ce matériel permet une analyse locale très fine, proche de l’activité enseignante, d’une séance répétée, et sur un temps continu et court. La répétition donne à voir comment la GIpro de René entre les deux sessions évolue sur ce court temps. Pour les quatre enseignantes, nous disposons d’une multitude de vidéos courtes, filmant des acteurs différents de façon parcellaire au niveau d’une séance, mais s’étalant cette fois sur plusieurs mois ! Ce matériel permet de changer d’échelle pour offrir une vision assez complète des GIpro à l’œuvre sur l’année entière et appréhender leur cohérence à travers les évolutions des activités proposées aux élèves, les interventions et les gestions de classe.

Pour résumer, nous dégageons de la littérature de recherche deux réponses à la question de la formation de nouveaux schèmes :

- le recours à d'anciens schèmes (nous le retrouverons dans la partie avec les robots), ce qui se forme sur le long terme et justifie une méthodologie « données longues » comme c’est le cas ici ;

- l'ajout d’éléments découverts en situation (ce sont les prises des repères visibles cette fois dans la partie avec Scratch), ce qui justifie une méthodologie plus fine permettant de zoomer sur ces instants de découverte.

La suite du texte est donc structurée suivant ces deux entrées. Que ce soit dans le cas de René, avec le logiciel Scratch, ou celui des quatre enseignantes avec les robots, nous constatons une faible GIpe et décrivons son impact sur la GIpro qui manque d’une base solide pour se développer efficacement et faire de ces technologies des outils didactiques au service des apprentissages visés dans les programmes mathématiques ou informatiques. Partant de ce constat, nous nous demanderons quelle activité se déroule en situation et sur quelles autres ressources s’appuient les enseignants pour les développer. Les deux parties présentant ces cas sont structurées suivant le même plan : tout d’abord une description de l’activité observée en situation, ensuite une analyse visant à expliquer ces choix cognitifs et médiatifs. Trois résultats ressortiront de cette analyse : la mise en évidence de phénomènes de temporisation et de deux mécanismes de développement des GIpro :

- par recours à d’anciens schèmes qui vont s’adapter et devenir des éléments constitutifs de nouveaux schèmes d’une GIpro ;

- par prise de nouveaux repères conduisant à l’émergence de nouveaux schèmes de la GIpro.

3. Utiliser Scratch en cycle 3 (CM1)

3.1. Outil et données recueillies

René a choisi d’utiliser Scratch, logiciel, développé par le MIT, dont le site français des concepteurs (http://scratchfr.free.fr) souligne les potentialités non seulement pour l’informatique mais également pour les mathématiques : « Scratch est un logiciel libre conçu pour initier les élèves dès l’âge de 8 ans à des concepts fondamentaux en mathématiques et en informatique. Il repose sur une approche ludique de l’algorithmique, pour les aider à créer, à raisonner et à coopérer ».

Comme indiqué précédemment, nous nous centrons ici sur l’observation de la deuxième utilisation de Scratch par René : les données sont constituées de deux vidéos de 1h30 enregistrant a priori la même séance, répétée sur deux créneaux consécutifs (la classe était scindée en deux demi-groupes qui se sont succédé), et d’un post-entretien réalisé avec l’enseignant à chaud.

Après une première séance de découverte libre par les élèves, René se lance dans une seconde utilisation de Scratch où il a désormais prévu des tâches précises à faire réaliser. Le choix de cette séance et son dédoublement présentent trois avantages spécifiques :

- Nous sommes au tout début de l’utilisation de Scratch et de la GIpro de René ; quels apprentissages cette GIpro vise-t-elle : informatiques, algorithmiques, mathématiques, autres ?

- Une séance où les élèves sont seuls par poste permet aussi de voir la façon dont René a prévu de gérer les GI des élèves au niveau des connaissances artéfactuelles ; quelles fonctionnalités sont visées dans ce moment de découverte du logiciel, dans quel ordre et comment ? Nous verrons que René n’a pas préparé sa séance dans cette approche-là, ayant lui-même peu identifié ces fonctionnalités.

- Enfin, la répétition de la même séance sur deux moitiés de classe est une modalité extrêmement intéressante, elle permettra d’identifier, chez René, des prises de repères lors de la première séance réinvestis dans la seconde. En quelque sorte, nous observons la GIpro se dérouler sous nos yeux.

Un des faits les plus marquants de cette séance répétée est alors une GIpe trop peu avancée (section 3.2) pour nourrir une GIpro. Ceci impactera la gestion des GI des élèves avec Scratch (section 3.3) et les objectifs d’apprentissage définis par l’enseignant (3.4). Un autre fait marquant auquel la répétition de la séance nous donne accès est, comme dit plus haut, l’évolution quasi « en direct » de la GIpro de l’enseignant (en même temps que celle de sa GIpe). On voit René prendre des repères didactiques (3.5) avec le premier demi-groupe, pour certains immédiatement réinvestis dans la séance avec le demi-groupe suivant.

3.2. Une GIpe trop peu avancée

Au niveau instrumental, la séance prévue comporte 2 consignes :

- bouger deux lutins (personnage ou objet) en même temps ;

- bouger deux lutins successivement avec une seule commande de départ (ceci vise à faire dépendre l’action du second lutin de celle du premier, par exemple en faisant communiquer les lutins par la commande « message »).

La première consigne à elle-seule requiert plusieurs connaissances instrumentales, dont certaines mobilisent des connaissances mathématiques. Trois d’entre elles peuvent constituer des sources de difficultés pour les élèves à ce stade de leurs GI avec Scratch :

- prendre conscience des coordonnées pour contrôler un minimum les positions d’un lutin à l’écran ;

- prendre conscience de la nécessité de définir un point de départ pour positionner les lutins (idem pour l’orientation si celle-ci est amenée à être modifiée par le programme) ;

- prendre conscience de l’existence de « scripts de scénario » (programmes) associés à chaque personnage et à chaque scène (une page de scripts par lutin, nécessitant de changer de page en sélectionnant les divers lutins au gré des scripts sur lesquels on souhaite travailler).

La connaissance instrumentale A (coordonnées des objets) porte des connaissances mathématiques sur le repérage dans un plan. Bien que les notions d’abscisse et d’ordonnée ne soient pas au programme de CM1 (la définition de coordonnées dans un repère orthogonal est un objectif mathématique du cycle 4), le repérage type bataille navale sur un plan quadrillé est bien présent dans les programmes du cycle 3, dans le volet Espace et géométrie, où l’usage d’un logiciel fortement apparenté à Scratch est mentionné, précisément sous la rubrique « Se repérer et se déplacer dans l’espace ». On y précise les connaissances et compétences : « Programmer les déplacements d'un robot ou ceux d'un personnage sur un écran » et « Vocabulaire permettant de définir des positions et des déplacements ». L’exemple associé indique : « Situations donnant lieu à des repérages dans l'espace ou à la description, au codage ou au décodage de déplacements ». De plus, l’annexe 5.3 du programme « Initiation à la programmation : Scratch–Premières activités » est entièrement axée sur le repérage à l’écran, dans un modèle de type grille, d’un objet sur un arrière-plan quadrillé. Dans Scratch, deux coordonnées x et y, affichées automatiquement lorsque le pointeur est sur l’espace de déplacement, indiquent les positions des lutins. La consigne de René peut donc viser cet objectif d’apprentissage mathématique. Au niveau de l’instrumentation par les élèves, la connaissance de cette fonctionnalité est cependant un minimum pour repérer et contrôler les déplacements des lutins : il faut savoir que le nombre affiché en x indique un déplacement le long d’un axe horizontal, et celui affiché en y un déplacement le long d’un axe vertical. Elle est nécessaire aussi pour donner une position de départ et ainsi contrôler le déplacement des personnages dont la position va évoluer dans le programme.

De même, la connaissance B (nécessité d’un positionnement de départ portant sur la position, voire sur l’orientation si celle-ci est amenée à être modifiée au cours du programme) n’est pas évidente. Après une première exécution d’un programme avec mouvement (tels ici « Aller à » ou « Glisser »), aucun feedback n’indique que le lutin doit être repositionné à son point de départ en vue d’un futur essai. Ce n’est qu’au deuxième essai que l’élève s’en aperçoit, le lutin restant cette fois fixe. Ce problème n’est pas compris par les élèves, aucun de ceux observés n’a réussi à en saisir seul l’origine. Une difficulté analogue d’initialisation se constate avec les commandes d’orientation.

Enfin, la fonctionnalité mentionnée en C (scripts propres aux lutins et passage du script d’un lutin à un autre) n’est pas intuitive non plus, les personnages étant généralement tous deux visibles alors qu’une seule page de scripts, celle du lutin, est affichée (cette sélection étant d’ailleurs peu visible). Ainsi, au cours de l’action, après avoir défini un nouveau lutin, il n’est pas évident de comprendre que des programmes sur une autre page lui seront associés, ni que, pour y accéder, il faudra sélectionner au préalable le lutin en question.

Les déroulements effectifs des séances avec les deux groupes montrent que René n’avait prévu de travailler ni A, ni B, ni C, n’ayant pas lui-même pris conscience de la mise en jeu de ces connaissances, lesquelles ont bien constitué des points de difficultés pour les élèves (cf. 3.3). Cette non-anticipation de la part de René, indice d’une GIpe encore débutante, ne le met pourtant pas en difficulté dans la séance, il utilise au contraire cette caractéristique d’être lui-même en « découverte », pour montrer que les connaissances ne sont pas science infuse mais qu’on apprend en cherchant. C’est ainsi que le déroulement général des deux séances montre à plusieurs reprises l’enseignant exprimant lui-même une connaissance insuffisante des diverses commandes et fonctionnalités de Scratch : « Tu vois moi aussi je découvre » ; « Alors... euh..., ben essayons... moi j’sais pas... ». Avec le second groupe, nous retrouvons cette position assumée de novice, bien que moins souvent, indice que le recours à cette technique de gestion des élèves dans cette situation nouvelle, n’est pas nécessairement voulue mais un moyen pour René de temporiser, le temps d’accroître sa GIpe et, par la suite, sa GIpro pour aider les élèves au niveau des fonctionnalités instrumentales de Scratch : « Peut-être... J’sais pas... moi j’ai mis une heure... » ; « quand je saurai... mais pour le moment... ».

D’autres indices d’une GIpe peu avancée sont aussi visibles lors d’interactions sur des difficultés plus précises que les élèves rencontrent eux-mêmes avec Scratch. Quelques exemples sont détaillés dans la section suivante qui montrent des connaissances manquant à René pour pouvoir comprendre l’origine des problèmes, réagir sur le vif, débloquer et faire avancer les genèses instrumentales des élèves.

3.3. Conséquences sur la GI pro quant à la gestion des GI des élèves avec Scratch

En référence à notre analyse, les extraits suivants montrent que l’enseignant n’avait anticipé ni A, ni B, ni C. Il découvre ces connaissances avec les élèves. Les problèmes associés surgissent en effet plusieurs fois, poussant les élèves à solliciter l’enseignant. Ces problèmes liés à A, B ou C donnent alors lieu à 3 types de conduites de la part de René : ils sont soit résolus par lui-même, soit non résolus et attribués à des fonctions qui « ne marchent pas », soit enfin écartées sans plus d’explications.

Par exemple, une élève qui a essayé le déclenchement par message ne comprend pas ce qui se passe quand elle lance le programme (le second personnage n’a pas de position de départ ; connaissance B). René ne comprend pas non plus. Il observe, puis émet une hypothèse : « Peut-être que ta position de départ n’est pas bonne ? ». Il exécute ensuite à nouveau le programme, regarde les coordonnées, réfléchit... Après 1min30, il dit : « Ah, oui ! » et fait ajouter la position de départ manquante. Plus loin, avec un autre élève : « Tu vois, moi aussi je découvre ». Cette situation assumée de découverte est répétée plusieurs fois : « essaye autre chose, moi aussi hein, j’sais pas, moi aussi je découvre un peu ». D’autres fois, le dysfonctionnement n’est pas compris, et le problème est laissé de côté.

Avec le groupe 2, des phénomènes analogues se produisent. René ne parvient pas à aider une élève dont un seul des deux lutins bouge à la première exécution, et aucun à la seconde. S’il observait les coordonnées finales affichées à l’écran (connaissance A), il verrait pourtant que les commandes se sont bien exécutées. Il se trouve en difficulté car les programmes comportent des mouvements d’orientation et de déplacement mais les positions des lutins sont proches des bords de l’écran ce qui masque ces mouvements. D’autre part, le programme comporte aussi une commande de rebondissement, elle aussi non visible à l’exécution car instantanée. René qui ne détecte donc pas les mouvements et déplacements conclut : « y a un problème (...) Attends, je vais euh... Regarde le ‘Glisser’, il est sympa. ». En effet, « Glisser en 1 seconde à » n’est pas une commande instantanée, elle comporte par défaut un temps d’exécution d’une seconde, et le déplacement est enfin visible !

3.4. Conséquences sur la GIpro quant à la définition des enjeux d’apprentissage avec Scratch

Comme indiqué plus haut, Scratch apparaît dans les nouveaux programmes de mathématiques avec des visées d’apprentissage sur les repérages et déplacements dans un plan. Nous observons que René décale ces visées vers d’autres objectifs : certains s’attachent à une discipline que l’on pourrait qualifier de « substitution » (le Français), d’autres sont des objectifs transversaux, non disciplinaires.

En effet, la GIpe de René, encore au stade de la découverte, fait qu’il en sait lui-même trop peu sur le fonctionnement de Scratch pour en faire un outil didactique d’apprentissage de concepts algorithmiques, mathématiques ou informatiques. René n’identifie pas ces savoirs dans Scratch. Par exemple, le vocabulaire employé est fluctuant : avec le groupe 1, le terme « coordonnées » est remplacé par « codes du personnage » avant de redevenir « coordonnées ». Avec le groupe 2, « coordonnées » est cette fois presque institutionnalisé en début de séance, mais redevient plus loin « codes de déplacement ». De même les termes géométriques « degrés », « angle », « rotation » qui avaient l’occasion d’être discutés ici ne sont jamais repris par René.

Ainsi la GIpro a du mal à se développer dans une direction qui ferait de Scratch un outil d’enseignement des notions visées par les programmes scolaires (algorithmique, programmation mais aussi déplacements dans un plan, repères). N’identifiant pas ces savoirs dans ce nouvel outil, René déplace l’usage effectif de Scratch sur deux autres visées : des apprentissages plus transversaux (chercher, explorer, tester, développer les interactions entre pairs, travailler en groupe), et une discipline moins attendue, se substituant à celles du programme, identifiée par René comme propice au travail avec cet outil : le Français. René vise des compétences en lecture, compréhension de consignes, écriture à travers le projet d’écrire une histoire, à travers aussi l’enchaînement d’actions dans le temps, et l’importance de planifier et d’ordonner des événements pour créer un récit. Ces visées sont déclarées dans les entretiens et à nouveau dans les séances observées où René les répète plusieurs fois au chercheur qui filme. Il nous dit aussi dans l’entretien post séance 2 : « C’est un vrai exercice de lecture ! (...) il y a des mots de déplacement (...) c’est pour ça que je pense qu’il y aura un passage d’écriture en classe ». Plus loin : « j’avais perçu le rapport à l’écriture avant, mais alors là, autant de lecture, j’me rends compte s’ils lisent pas bien leurs briques, ils peuvent pas se..., euh..., programmer ».

Ces choix permettent à René de temporiser, le temps qu’une GIpro de Scratch s’installe (incluant adaptation de schèmes anciens et nouveaux repères comme on le verra dans la suite). Notons que ces choix de temporisation se font par réduction de la distance instrumentale introduite par Scratch.

3.5. Évolution de la GIpro grâce à une prise de repères

René évolue dans sa gestion des séances. Par exemple, le geste professionnel consistant à faire éteindre les écrans lors des temps collectifs (idée apportée précédemment par un enseignant-ressource) est maintenant systématiquement utilisé. René l’emploie à nouveau ici dans les bilans et dans les débuts de séance. Il nous glisse en aparté : « j’y avais jamais pensé, mais c’est..., c’est radical ! ».

D’autres évolutions sont ici observées. Comme dit plus haut, nous avons notamment comparé les deux séances et les processus en jeu autour des connaissances A, B et C.

René répète sa séance sur deux demi-classes. Cette répétition génère un début de GI tant personnelle que professionnelle. Dans la GIpro, les schèmes professionnels d’action instrumentée avec Scratch pourraient comporter les ingrédients présentés dans le tableau 1, qui proviennent d’une réactivation de schèmes antérieurs en même temps que d’apports liés à la situation nouvelle.

Les conduites observées sont encore à un stade très précoce de développement. Elles ne permettent pas d’aller jusqu’aux schèmes tels que décrits par Vergnaud (Vergnaud, 1990). Comme nous l’avons dit, l’enseignant semble n’avoir prévu ni A, ni B, ni C. Les observations montrent en outre que le vocabulaire lié à Scratch est fluctuant (par exemple « page » désigne tantôt le script tantôt le plan de déplacement), nous avons évoqué plus haut un autre exemple avec le vocabulaire lié aux coordonnées. S’il souhaitait institutionnaliser ces objets, les termes manqueraient à René. Ces connaissances ont ainsi manqué d’une part aux élèves, ce qui les a freinés dans leur utilisation de l’outil, d’autre part à l’enseignant, ce qui l’a freiné dans ses aides aux élèves.

Néanmoins, l’observation des séances, notamment des interactions avec les élèves, montre certains repères pris qui traduisent des évolutions au fil de ces 2 séances :

- à la fin de la séance 1, René a clairement pris conscience de la connaissance A ;

- la prise de conscience de la connaissance B arrive elle aussi, en cours de séance 2, mais de façon plus fragile ;

- en revanche pour la connaissance C, nous avons peu d’indices prouvant une prise de conscience.

En effet, pour A, en fin de séance 1, René pointe cette fois directement cette connaissance (sans pour autant chercher à connaître le repère qui génère ces coordonnées) auprès des élèves concernés, puis la mentionne collectivement avec le groupe 2. Dans l’entretien post-séance, il dit lui-même avoir découvert le problème lié à la connaissance A pendant la séance : « les coordonnées du pointeur étaient affichées à l’écran ! ».

Tableau 1 • Ingrédients de schèmes participant à la GIpro de René à ce stade

Les débuts de séance subissent également une évolution et ne sont pas conduits de la même façon. Avec le groupe 1 : aucune des difficultés A, B ou C n’est mentionnée dans la présentation collective du début d’heure. Avec le groupe 2, le moment collectif de début de séance est plus structuré. René y mentionne cette fois d’emblée le point A au niveau des coordonnées, mais sans le repère sous-jacent permettant le contrôle mathématique. La fonctionnalité d’affichage des coordonnées reste alors, à ce stade, mystérieuse, fonctionnant comme une boîte noire.

Les points B et C ne sont pas mentionnés mais en cours de séance 2, René prend conscience de B et, une fois ce repère pris, est capable d’aider les élèves lorsqu’il leur manque une position initiale. Un indice de cette prise de repère est le regret qu’exprime explicitement René au cours de la séance 2 à plusieurs reprises auprès des élèves de n’avoir pas aussi précisé cette difficulté en début de séance, collectivement.

Enfin, comme René n’évoque jamais C et que les difficultés liées à cette connaissance persistent jusqu’à la fin, nous faisons l’hypothèse qu’il n’a pas perçu cette information dans le cours de la situation, celle-ci n’est pour l’instant pas un repère didactique pour l’enseignant.

Le tableau 2 résume l’évolution des GIpe et GIpro de René sur ces trois connaissances le long de ces séances consécutives.

Tableau 2Évolution des GIpe/GIpro de René sur les 3 connaissances en jeu

3.6. Résumé du cas de René

Cette GIpe de Scratch bien peu avancée chez René a eu plusieurs conséquences : elle est à l’origine de sa difficulté à faire avancer les GIpe des élèves, mais aussi des faits suivants (observations qui se dégagent de notre méthodologie sur les plans cognitif et médiatif) :

- déplacement des connaissances visées vers d’autres domaines :

• recours au français,

• recours à des visées transdisciplinaires et socialisantes ;

- orchestrations organisées en binômes et travail en groupe ;

- posture enseignante assumée de novice en situation de recherche ;

- pas d’institutionnalisation en fin de séance ;

- évolution de la GIpro (on observe des modifications entre le groupe 1 et le groupe 2, grâce à des prises de repères avec le groupe 1).

Ces choix cognitifs et médiatifs (faits 1 à 4) s’expliquent par la recherche d’une temporisation (faits 3, 4 et sans doute fait 1) ainsi que par deux autres mécanismes qui jouent dans le développement de schèmes de la GIpro :

- la réduction de la distance permettant de recourir à des schèmes anciens (faits 1, 2) ;

- la prise de repères nouveaux (observée dans l’évolution décrite dans la partie 3.5).

Les points 1 à 4 se retrouvent dans l’expérimentation avec les robots qui montre aussi une évolution des GIpro avec cette fois le recours net à des schèmes anciens.

4. Utiliser les robots aux cycles 2 et 3 (CP, CE1, CM1, CM2)

4.1. Outils, acteurs et données recueillies

Les quatre enseignantes auxquelles nous nous intéressons participaient à un groupe de travail départemental (4 réunions dans l’année) qui réunissait des chercheurs, des inspecteurs et des conseillers pédagogiques, pour traiter les problèmes matériels et suivre l’avancée des expérimentations avec les robots. Les tableaux 3 et 4 précisent les dotations de robots et les données filmées qui recouvrent la période des expérimentations.

Comme mentionné plus haut, nos vidéos relatent, pour une séance donnée, une multiplicité d’épisodes de travail de durées variables, collectifs ou en petits groupes. Même si toutes les séances n’ont pas été filmées, l’analyse des vidéos, les verbatim des réunions du groupe départemental et les entretiens individuels dévoilent des éléments précis des GIpe et GIpro des enseignantes.

Les quatre enseignantes ayant l’habitude de travailler ensemble avaient développé des conceptions, approches et styles d’enseignement très proches (pédagogie par projets, travail en groupe, pari du socioconstructivisme). Cette proximité de pratiques permet de présenter une analyse commune de leurs genèses instrumentales.

Tableau 3 • Fonctionnalités des différents robots expérimentés

Tableau 4 • Répartition des robots et vidéos recueillies.

Dans les paragraphes suivants, nous examinons les GIpro des enseignantes, en nous intéressant à la genèse de leurs schèmes. Nous distinguons, d’une part, les schèmes issus de schèmes anciens, et, d’autre part, ceux nouveaux, construits en situation. À chaque fois, nous décrivons ce que nous avons observé avant d’en livrer quelques analyses.

Nous commençons par quelques éléments sur la connaissance du domaine de l’informatique par les enseignantes et l’avancement de leurs GIpe relatives aux robots, qui éclairent et expliquent les orientations de leurs GIPro.

4.2. GIpe des enseignantes et conséquences sur leurs objectifs d’apprentissage

De par ce groupe de travail, les enseignantes cernent bien la présence d’un domaine nouveau, l’informatique, mais affirment régulièrement ne pas être à l’aise avec. Aussi, elles n’ont pas cherché à identifier ni à expliciter auprès des élèves des concepts informatiques qui auraient pu constituer des objectifs d’apprentissage, comme les notions de programme, d’instruction, d’exécution ou d’algorithme. Elles ont une perception assez floue de l’informatique, comme le montre cette intervention de Leila qui précise : « Je pense qu'en leur donnant [aux élèves] du matériel avec un projet à réaliser, le fait d’avoir à penser un certain nombre d'actions qui vont s'enchaîner pour arriver à leur objectif, ça développe la pensée informatique ». Leur choix est ainsi de travailler « en acte » l’informatique et ses concepts, à travers l’appropriation des robots qui ont accaparé toute leur attention.

Si les connaissances informatiques ne figuraient pas dans leurs objectifs d’apprentissage explicités, les enseignantes, en revanche, ont formulé d’autres savoirs. Ces savoirs ne furent cependant pas institutionnalisés et n’eurent donc pas le caractère solennel que l’on donne à de nouvelles connaissances. Il s’agissait de savoirs anciens, déjà connus des élèves dans d’autres contextes et qui étaient ici seulement réactivés. Tel est le cas, par exemple, de connaissances transversales liées à la résolution de problèmes en général et à la démarche expérimentale qui fut maintes fois réaffirmée auprès des élèves (émission d’hypothèses, expérimentations sous ces hypothèses, analyse des résultats et réitération avec de nouvelles hypothèses). Des connaissances d’autres disciplines furent également verbalisées mais seulement au titre d’une démarche de projet fédérant plusieurs disciplines, et en amont ou en aval des séances avec les robots, jamais pendant les expérimentations observées.

En début d’année, les enseignants ne disposaient que d’une connaissance première du fonctionnement des robots, affinée au fil des mois en observant les travaux des élèves. Leur GIpe était ainsi peu avancée et s’est poursuivie tout au long des séances. Si les connaissances instrumentales nécessaires au pilotage des robots peuvent paraître simples de prime abord (appui sur les touches de direction de Bee-bot et ProBot, modes de fonctionnement aisément repérables de Thymio), elles s’avèrent en réalité plus complexes qu’il n’y paraît, du fait d’exceptions et de multiples finesses inhérentes aux différentes commandes.

Les GIpe des enseignantes sont ainsi restées peu avancées et trop peu assurées pour leur permettre d’affronter les difficultés des élèves et débloquer ces derniers si nécessaire. Le discours des enseignantes à ce propos est très explicite, à l’image de celui de Fanny qui explique : « J’étais dépassée par les évènements car [les élèves] faisaient des choses trop compliquées, je ne voyais pas où était l’erreur ».

Les vidéos donnent de nombreux exemples d’interactions avec les élèves attestant d’une GIpe peu assurée, y compris vers la fin de l’année. Alice attend la mi-année et la présentation d’un élève pour découvrir la possibilité d’intégrer une distance dans l’instruction de déplacement de ProBot. Leila, vers le dernier tiers de l’année, ne sait expliquer à un groupe d’élèves perplexes pourquoi Thymio ne se laissait plus guider par un objet alors qu’il était en mode « suiveur ». La prise en compte prioritaire d’obstacles trop proches, qui provoquaient alors un arrêt ou même un recul du robot, lui avait échappé. D’une façon analogue, Noémie avait sous-estimé l’importance à attribuer à la touche d’effacement d’instructions du robot Bee-Bot. Il arrive que les élèves, après avoir exécuté une suite d’instructions qui ne conviennent pas, testent un autre programme sans effacer préalablement l’ancien. La nouvelle suite d’instructions se rajoute donc à l’existante et amène le robot à reprendre en apparence le comportement erroné déjà observé. Pendant les premières séances, Noémie ne comprend pas d’où provient la reproductibilité des trajets programmés malgré les corrections, elle n’a pas encore attribué à la commande d’effacement d’instructions toute l’importance nécessaire.

4.3. Évolution des GIpro grâce à des schèmes anciens mobilisés

L’effacement, dans les objectifs d’apprentissage, des connaissances informatiques et la verbalisation, par les enseignantes, de connaissances transversales ou issues d’autres disciplines ont ouvert la voie à la mobilisation de schèmes anciens correspondant à des pratiques éprouvées dans d’autres contextes d’apprentissage présentant des proximités avec les éléments en jeu ici : situations exploitant un milieu matériel, situations de travail en groupes d’élèves, situations d’organisation d’une séquence cohérente et progressive sur un temps long. Nous les détaillons ci-après.

Les enseignantes ont l’habitude d’organiser des apprentissages recourant à un milieu matériel sur lequel l’élève agit. Ces situations se trouvent, entre autres, en sciences (croissance des plantes, phénomènes en physique) et en mathématiques (matériel pour la numération de position, pour la notion de volume...). Pour gérer ces situations d’apprentissage avec milieu matériel, les enseignantes ont développé des schèmes tels que ceux évoqués dans le tableau 5.

Tableau 5 • Éléments de schèmes anciens participant à la GIpro : milieu matériel

La manipulation des robots que les élèves doivent programmer active ces schèmes parfaitement opérationnels. Les enseignantes ont maintes fois exprimé ce recours, comme le formule Noémie, en évoquant la règle de travail en groupe : « En groupe, j’étais à l’aise, je maîtrise pas trop mal, j’avais en tête mon rôle en tant qu’enseignante pendant le travail en groupe ».

Les schèmes anciens liés au travail en groupe montrent quant à eux des adaptations. En effet, les travaux en groupes mènent souvent, en fin de séance, à une phase d’institutionnalisation des connaissances. Ici, aucune institutionnalisation n’a eu lieu tout au long de l’année, ni de connaissances informatiques, ni de connaissances instrumentales liées aux robots. Les enseignantes n’ont jamais statué sur ces types de savoirs qu’elles n’ont à aucun moment formulé. Leur méconnaissance du domaine et leur propre GIpe liée aux robots, encore en construction, les ont amenées à se mettre en retrait et ne pas s’exposer.

Pour autant, les enseignantes n’ont pas renoncé à des phases de bilans collectifs à chaque fin de séance. Le schème ancien de travail en groupe comprenait en effet la nécessité d’organiser collectivement la circulation des expériences et des acquis des élèves pour assurer l’apprentissage de chacun. Ces phases de bilans collectifs ne comportaient donc aucune institutionnalisation de connaissances, mais se fondaient uniquement sur la restitution par les élèves de leurs travaux. Les enseignantes posaient des questions, confrontaient des points de vue et organisaient des débats entre élèves sans jamais prendre position. Elles relançaient la dynamique des échanges par des questions relatives à la réussite des actions (« Est-ce que tu y es arrivé ? »), aux démarches suivies (« Le mode vert de Thymio, comment tu le sais ? ») ou aux outils proposés (« Est-ce que la bande programmation t’a aidé ? »). Elles ne tranchaient pas : elles ne validaient ni n’infirmaient les assertions et résultats présentés. Elles ne hiérarchisaient pas non plus les interventions des élèves, les valorisant de façon égale, quel que soit leur intérêt réel par rapport à la résolution des situations. Des propositions hors du champ mathématique ou informatique, telles que « Le robot ralentit quand il est déchargé », se voyaient ainsi autant considérées que des déductions plus fines sur le fonctionnement du robot.

Enfin, les enseignantes ont également utilisé des schèmes anciens liés à l’organisation, sur un temps long, d’une progression de tâches à résoudre (tableau 6).

Ce schème est souvent mobilisé par les enseignantes pour des apprentissages en mathématiques ou en français ; il organise les différentes tâches dans un ordre croissant de difficulté : application immédiate, situations-problèmes, situations de recherche et problèmes ouverts.

Tableau 6 • Éléments de schèmes anciens adaptés aux robots : organiser une séquence cohérente et progressive sur un temps long

4.4. Évolution des GIpro grâce à des schèmes nouveaux qui émergent en situation

Le recours à des schèmes anciens bien maîtrisés n’a pas suffi aux enseignantes pour assurer des apprentissages qui les satisfaisaient. Elles ont également élaboré des composantes de schèmes nouveaux propres à l’utilisation des robots. Nous en donnons deux exemples.

Les enseignantes ont repéré l’importance de la programmation des robots et la nécessité de faciliter cette activité des élèves. Ces repères les ont guidées vers un nouveau schème (tableau 7), celui d’une mise à distance de l’action, schème que la manipulation des robots a rendu nécessaire. Il est en effet possible de les programmer très rapidement (par simples appuis successifs des touches de déplacement) et d’exécuter instantanément le programme courant par une simple touche.

Toutes les enseignantes se sont ainsi retrouvées devant des groupes d’élèves qui entraient, parfois avec frénésie et sans réflexion réelle, une suite approximative de déplacements testés sans attendre puis modifiés tout aussi rapidement, sans réflexion. Ceci se doublait généralement de tensions vives au sein des groupes, chacun voulant manipuler seul le robot du groupe. D’abord désarmées, les enseignantes élaborèrent alors progressivement des techniques de mise à distance de l’action en imposant aux élèves, avant tout nouvel essai, de mener une réflexion sur les raisons d’un échec. Le caractère nouveau de ce schème est indiqué par les interviews et interventions des enseignantes lors des réunions, ainsi que par le temps de sa mise en place, nécessitant deux à trois séances, contrairement aux schèmes anciens plus immédiatement mobilisés.

Tableau 7 • Ingrédients d’un schème nouveau de mise à distance de l’action

Lors des entretiens individuels et réunions, les enseignantes ont par ailleurs mentionné l’étape décisive que représentait, pour elles, l’acceptation de ne maîtriser ni le fonctionnement des robots ni les concepts informatiques en jeu, induisant un changement de posture par rapport aux élèves, l’enseignant cessant d’être un référent détenant le savoir visé. Habituellement, elles maîtrisaient les connaissances en jeu dans les situations proposées. Ici, l’avancement insuffisant de leurs connaissances informatiques et de leurs GIpe relatives aux robots ne leur permettait ni d’affronter toutes les configurations choisies par les élèves, ni de répondre à leurs interrogations. C’est une configuration nouvelle qui les projetait dans une forme d’insécurité professionnelle. Fanny déclarait par exemple : « J’étais dépassée par les évènements car [les élèves] faisaient des choses trop compliquées, je ne voyais pas où était l’erreur ». L’acceptation consciente de l’insuffisance de leur maîtrise des robots et le changement de posture qui en résultait vis-à-vis des élèves représenta un véritable déclic qui leur permit d’avancer et d’organiser dynamiquement leur classe. Fanny formula explicitement cette décision d’adopter cette nouvelle posture : « J’ai découvert en même temps que les enfants, j’ai assumé que je vais faire en même temps que les élèves ». Alice montra également à quel point fut cruciale la décision d’admettre posséder des connaissances lacunaires sur les robots. Elle sortit ainsi d’un état de stress bloquant et procéda à des avancées décisives qui débouchèrent sur la mobilisation de schèmes anciens, parfaitement maîtrisés : « J’étais morte de trouille, [les élèves] découvraient ces objets, et moi je me rabattais vers ce que je savais faire, j’avais choisi de me rassurer, je suis partie de ce que je savais faire ». Nous identifions ici les prémisses d’un nouveau schème, qui a vocation à être temporaire, mais qui a été décisif dans ces configurations, engendré en situation par les enseignantes, et leur permettant d’avancer dans leurs GIpro. Le tableau 8 en donne les constituants.

Tableau 8 • Un schème temporaire de changement de posture du maître.

5. Discussion et perspectives

5.1. Deux leviers pour des pratiques nouvelles

Un trait commun à ces séances avec les robots ou Scratch est la facilité apparente avec laquelle les enseignants les géraient malgré les conditions difficiles. Non formés aux outils et n’ayant pas même identifié des savoirs mathématiques ou informatiques en jeu, ils ne se retrouvent pourtant à aucun moment en difficulté en classe. Nous avons relevé deux leviers qui sont utilisés pour conduire ainsi l’activité nouvelle, les deux échelles de temps mettant plus particulièrement l’un ou l’autre sur le devant de la scène.

Le premier levier est le recours à des pratiques anciennes, particulièrement montré, à une échelle de temps long, dans l’expérimentation avec les robots, mais utilisé aussi par René : « même si j’connais pas bien le domaine, bon voilà, j’ai des ressorts pédagogiques que j’emploie ».

Les mécanismes d’ajustements et adaptations d’anciens schèmes dont parle Vergnaud, pour des situations différentes mais en continuité avec celles connues, ont donc fonctionné aussi ici pour des situations considérablement nouvelles. Une condition importante semble avoir joué : la possibilité pour les enseignants de réduire la part de nouveau afin de pouvoir faire fonctionner des schèmes anciens. Tout se passe comme si nos 5 enseignants s’appuyaient sur des « ressorts » pédagogiques (pour reprendre les termes de René) provenant d’expériences antérieures, comme nous le constatons dans les invariants opératoires relevés dans le cas des robots, les outillant pour ces séances innovantes, lesquelles donneront à leur tour leur lot de repères d’enseignement. Si les situations nouvelles peuvent se rattacher à d’anciennes, c’est que malgré leur nouveauté, les enseignants ont réussi à y voir des proximités avec (ou à organiser) des situations proches de ce qu’ils pratiquaient déjà. Ils ont créé les conditions favorables pour que la nouvelle situation ne soit pas trop distante. Par exemple, même si les repères acquis ne leur suffisent pas encore à identifier des visées possibles d’apprentissages mathématiques ou informatiques (même si on en voit un début chez René avec l’identification, en fin de séance 1, de l’importance des coordonnées, ou, chez les enseignantes, avec l’importance du programme entré dans les robots), notre analyse des buts et sous-buts des séances, montre que les enseignants se sont tournés vers des visées ou domaines de substitution dont les choix (apprentissages transversaux, français ou sciences) pourraient à nouveau s’expliquer par la recherche d’une distance minimale à leurs pratiques usuelles. Les deux expérimentations montrent ainsi comment les choix des enseignants dans ces situations innovantes leur ont permis d’utiliser des schèmes professionnels anciens qui ont pris le relais le temps que leur GIpro se développe, c’est à dire que des schèmes nouveaux s’installent : ils ont organisé les conditions telles que la distance aux anciennes pratiques ne soit pas hors de portée.

Un second levier est la prise de repères sur des éléments pertinents de la situation, particulièrement montré à une échelle de temps court, se focalisant sur un moment de développement de GIpro dans l’expérimentation avec René, mais visible également chez les enseignantes avec les robots. Pour René, c’étaient les connaissances A, B et C (mêlant connaissances mathématiques et instrumentales), mais aussi leurs conséquences didactiques en termes :

- d’erreurs possibles des élèves ;

- d’aides possibles de l’enseignant à apporter au cas par cas ;

- de conduite possible par l’enseignant du moment collectif de début de séance (par exemple avertir collectivement que le personnage a des « coordonnées », même si le mot n’est pas encore celui-là) ;

- de règles de contrôle ; par exemple pour la connaissance B (nécessité d’initialiser une position), une règle que René a commencé à mettre en place, face à des erreurs d’élèves, a été de regarder systématiquement le début du script pour y contrôler la présence ou non d’une position initiale (à tel point que parfois il a commencé à attribuer cette explication à d’autres erreurs, avant de s’apercevoir que cela ne résolvait pas la difficulté observée).

Ces repères cognitifs et médiatifs sont de bons candidats pour contribuer au développement ultérieur de règles de conduite, d’invariants comme de concepts-en-acte et finalement de schèmes d’une GIpro faisant de Scratch un instrument didactique du travail de René.

Les deux leviers n’agissent pas indépendamment, repères nouveaux et distance aux anciens schèmes, ou encore repères anciens réutilisés dans une situation nouvelle, distante mais pas trop, semblent ainsi jouer l’un avec l’autre. Les deux expérimentations soumettent l’hypothèse que le recours au levier « anciens schèmes » est une façon de temporiser, le temps d’acquérir suffisamment de repères pour générer des schèmes qui ne seraient plus de simples ajustements d’anciens, mais de nouveaux schèmes adaptés à une nouvelle classe de situations.

En effet, les deux expérimentations montrent des stratégies de « temporisation », autre trait commun : les enseignantes avec les robots prennent la décision comme nous l’avons vu de repousser toute institutionnalisation de connaissances instrumentales ou informatiques, se donnant le temps avant de s’exposer. Pour gagner du temps pour en connaître plus, dans l’interview post séances, René, lui, dit : « il me semble prudent que moi... il faut que j’explore (...) parce que j’ai essayé en fait euh, j’m’en suis pas trop bien sorti. Donc j’pense qu’il faut refaire une semaine de plus d’exercices de... euh..., de découvrir un peu (...) ça peut être bien. Avant de les lancer sur un projet. ».

En conclusion, nous saisissons un processus dynamique, en cours, dans lequel l’inédit est ainsi géré par l’enseignant soit par la construction de nouveaux repères didactiques qui vont donner lieu à de nouvelles connaissances au fil des séances et, par la suite, à de nouveaux schèmes, soit par le recours à des stratégies de réduction de la distance permettant de revenir à des situations anciennes, et donc à des schèmes connus.

Dans la suite, nous approfondissons cette dialectique distance-repères qui permet de donner un cadre pour penser des adaptations réactives et rapides des enseignants, comme ceux étudiés ici.

5.2. Distance aux pratiques habituelles et repères

Bien qu’on ne puisse tirer de généralités de quelques cas d’études, il nous semble que les phénomènes relevés ici, de réduction de la distance et de prise de repères, peuvent se formuler comme hypothèses pour expliquer et comprendre les pratiques observées dans les situations d’enseignement lorsqu’il s’agit d’intégrer du « nouveau ». En effet, ces conclusions observées ici dans les deux cas d’étude, sur cinq enseignants, rejoignent d’autres travaux et trouvent une assise théorique grâce à la notion de schème.

Un schème est une organisation de l’activité (avec connaissances, invariants opératoires et buts) qui possède une stabilité au sein d’une classe de situations. Ici, observant des pratiques naissantes, nous n’avons pas encore ce genre de stabilité. L’originalité du travail mené est la mise en évidence d’organisations de l’action à un stade encore naissant, non stabilisé. Les enseignants étant observés à un stade très précoce de leurs GI tant professionnelles que personnelles avec ces outils, nous observons ce que nous avons appelé des « schèmes en germes », tremplins pour construire des schèmes pérennes, avec des invariants opératoires constitués. Notre hypothèse peut alors s’exprimer en termes de schèmes : les phénomènes observés dans ces deux études de cas sont, toujours en se référant aux travaux de Vergnaud, deux processus à l’œuvre pour créer de nouveaux schèmes, l’un passe par la prise de repères nouveaux, constituants de schèmes futurs, l’autre par la réduction de la distance instrumentale que peut introduire l’outil, permettant l’évolution et l’adaptation de schèmes anciens.

Le phénomène de réduction de la distance, provoqué par l’irruption de « nouveau » dans des pratiques anciennes, avait déjà été observé dans nos travaux antérieurs, dans le cas de l’intégration d’un logiciel nouveau pour l’enseignement des mathématiques au collège, c.-à-d. le tableur pour l’algèbre (Haspekian, 2005), comme dans le cas d’un domaine nouveau (l’algorithmique) dans l’enseignement des mathématiques au lycée (Haspekian et Nijimbéré, 2016). Le premier cas avait mené à l’idée de distance instrumentale ; les évolutions d’une même enseignante sur 2 années allaient tous dans le sens d’une réduction de la distance instrumentale liée au tableur. Le second cas est celui de l’introduction de l’algorithmique au lycée, où des phénomènes analogues à ceux liés à la distance instrumentale s’observaient : tensions et résistances des enseignants, pratiques de juxtaposition (devoirs à la maison non intégrés au reste) et, là encore, mise en place de situations minimisant les écarts provoqués par l’intégration de l’algorithmique, domaine à l’époque nouveau dans l’enseignement usuel des mathématiques au lycée. L’écart provoqué cette fois par un domaine nouveau (et non plus un instrument) avait alors été qualifié de « distance » aux pratiques usuelles en étendant l’idée initiale de « distance instrumentale » (écart provoqué par un instrument) (Haspekian, 2017).

Le « nouveau » et la distance afférente, dont il est question ici, sont encore plus considérables que dans ces deux cas : instrument nouveau, domaine nouveau et discipline nouvelle. Comme dans les deux recherches antérieures, on retrouve ici des stratégies de réduction de la distance, pour s’approcher de pratiques anciennes, et retrouver des repères didactiques déjà construits permettant de mener l’activité nouvelle. Cela s’opère par un déplacement de la discipline visée pour René qui effectue un virage vers le Français dont il maitrise bien l’enseignement, ou vers des compétences transversales (travail en groupe, attitude lors de la recherche d’un problème...). Les enseignantes utilisant les robots empruntent, elles, à la démarche expérimentale pratiquée dans l’enseignement des sciences pour viser, comme René, des compétences transversales (travail en binôme, projet de classe, argumentation, socialisation...), dont la gestion peut là aussi aisément se transférer, car sans « concepts » sous-jacents.

Enfin, ces résultats peuvent être mis en perspective également avec ceux de Goigoux lorsqu’il analyse non pas des contextes inédits à une échelle « macro » comme c’est le cas ici, mais des épisodes inédits à une échelle plus micro, comme par exemple l’action à mener face à un élève qui rencontre un obstacle non prévu par le professeur : « des schèmes anciens sont évoqués pour élaborer une conduite professionnelle adaptée. Les tentatives effectuées par les enseignants pour faire face à cet imprévu ne sont pas l’effet du hasard mais résultent de la parenté, soudain perçue, entre certains indices présents dans cette situation et les indices présents dans les situations antérieures analogues (Goigoux, 2002b). Dans les cas les plus favorables, la situation nouvelle est assimilée par l’un des schèmes évoqués. Dans d’autres, une accommodation plus coûteuse sera nécessaire (Vergnaud, 1996) » (Goigoux, 2007, p. 54-55).

Nous sommes ici dans ce dernier cas d’une accommodation plus coûteuse, la distance engendrée par l’inédit étant plus grande. En prolongeant le raisonnement, on peut faire l’hypothèse qu’au-delà d’une certaine distance limite, l’accommodation n’est plus possible. Cette distance décrit donc en quelque sorte celle d’une « zone proximale de développement » côté enseignant, ou « ZPD professionnelle », idée que l’on retrouve chez Courally et Goigoux (Courally et Goigoux, 2007) dans le cas de développement professionnel d’un instrument didactique conçu pour l’apprentissage du français : « le potentiel de développement des enseignants, c’est-à-dire l’intervalle entre ce qu’ils réalisent ordinairement et ce qu’ils pourraient réaliser au cours d’une genèse instrumentale ». La notion est explicitement d’inspiration vygotskienne : cet espace potentiel des activités des enseignants avec l’outil est analysé en « examinant ce qu’ils déclaraient réaliser, ne pas pouvoir réaliser et être prêts à réaliser. Cette zone proximale, par analogie avec la notion théorisée par Vygotsky au sujet du développement de l’enfant, est inférée à partir d’une analyse de leur activité présente et de questions portant sur leur éventuelle activité future » (Courally et Goigoux, 2007, p. 2-3).

5.3. Perspectives

D’autres études seraient à mener pour analyser les pratiques mises en place par les enseignants dans des situations inédites afin d’étudier ces deux stratégies et avancer sur le front tant de la recherche que des besoins en termes de ressources et de formation.

Du côté de la recherche, grâce à la « Double Approche », des éléments sont identifiés pour décrire les idées de repères et distance (d’abord instrumentale, puis plus générale) issues, elles, de « l’Approche Instrumentale ». Nous n’avons pas développé davantage ici ce cas intéressant de « networking », où un des cadres aide à structurer les idées de l’autre, centrant la présentation sur les études de cas. Ces derniers nous amenant à parler de distance suffisamment « raisonnable », ou de « trop grande distance » hors de portée des schèmes anciens, conduisent à l’idée d’une « zone proximale de développement » que certains auteurs ont déjà travaillée du côté du sujet enseignant (Cèbe et Goigoux, 2007). Ceci serait à approfondir également.

L’idée de distance (étendue par rapport à celle de distance instrumentale) paraît ainsi un outil pertinent pour les problématiques d’intégration dans des pratiques installées d’artefacts nouveaux (comme le tableur en algèbre au collège), de domaines nouveaux (comme l’algorithmique en mathématiques au lycée), mais aussi de disciplines nouvelles (comme l’informatique dans la scolarité primaire et secondaire...). Ceci nous semble devoir être pris en compte dans la formation, par exemple dans les ressources, mais aussi dans l’accompagnement du travail en classe. L’introduction d’un nouvel outil, par exemple, bouleverse les pratiques installées en les éloignant du cadre auquel l’enseignant se réfère, entraînant celui-ci à tenter de réduire cette distance par des pratiques peu efficaces ou peu pertinentes. Des formations adéquates pourraient permettre de réduire cette distance en donnant d’emblée des repères adéquats au lieu de les laisser se construire au fil du hasard ou du temps plus ou moins long. Comme le montre le cas de René, certaines des connaissances nécessaires à la mise en place de schèmes et au développement d’une GIpro efficace pour l’utilisation de Scratch par les élèves, se construisent plus ou moins vite (connaissances A pour les coordonnées et B pour l’initialisation du programme) mais de façon incomplète (il manque pour A la notion de repère et pour B l’orientation). D’autres peuvent ne pas s’acquérir ou passer, un temps, inaperçues (dans notre exemple, la connaissance C). Y-a-t-il des régularités dans les genèses instrumentales professionnelles observées ici (connaissances et repères qui s’acquièrent) au fil des séances, pour Scratch comme pour les robots ? L’idée serait alors de dégager des connaissances moins aisées que d’autres, qui seraient donc à mettre en avant en formation. Dans la lignée des travaux et du cadre théorique de Vergnaud, des jalons et repères à donner aux enseignants pour un enseignement de l’informatique serait alors sans doute à penser en termes de champs conceptuels pour l’informatique, soulignant les connexions entre concepts ainsi que les problèmes auxquels ces concepts donnent sens, plutôt qu’en termes de concepts isolés.

Le travail est ainsi à poursuivre pour des élaborations tant du côté de la recherche, sur la question des tensions repère-distance et de leur intervention dans les schèmes, que du côté des besoins en formation.

À propos des auteurs

Mariam HASPEKIAN est maître de conférences en didactique des mathématiques au laboratoire de sciences de l’éducation EDA (Université de Paris). Ses travaux, au sein de divers projets nationaux et internationaux, concernent l’enseignement des mathématiques en environnement informatisé et sont orientés selon deux axes : la mise en relation de divers cadres théoriques en didactique des mathématiques, notamment celle de l’approche instrumentale (Artique, Drijvers, Lagrange, Trouche) et de la double approche didactique et ergonomique (Robert et Rogalski), et l’analyse des pratiques enseignantes instrumentées. A l’aide de ces deux cadres, ses travaux cherchent à développer des outils permettant d’étudier les pratiques en mathématiques mises en place par les enseignants lors de situations nouvelles, dues, par exemple, à l’introduction dans l’enseignement d’un nouvel outil (comme le tableur ou les robots pédagogiques), d’un nouveau domaine (comme l’algorithmique), voire d’une nouvelle discipline (comme l’informatique). Elle analyse ainsi ces situations en termes de distance aux pratiques habituelles, de repères didactiques et de double genèse instrumentale chez l’enseignant.

Adresse : Laboratoire EDA, Université de Paris, 45, rue des saints pères, 75006 PARIS

Courriel : mariam.haspekian@u-paris.fr

Toile : http://eda.recherche.parisdescartes.fr/mariam-haspekian/

Jean-Michel GELIS a été maître de conférences en sciences de l’éducation, au laboratoire EMA, à CY Cergy Paris Université jusqu’en 2016. Il s’intéresse à l’intégration et aux usages des technologies dans l’enseignement (des mathématiques principalement), ainsi qu’à l’étude des innovations qui les portent, à tous niveaux d’enseignement. Il a participé à de nombreuses recherches portées par les laboratoires EMA (CY Cergy Paris Université), LDAR et EDA (Université de Paris). Ses travaux s’appuient sur des cadres théoriques issus de la didactique des mathématiques (Brousseau, Chevallard), de l’approche instrumentale (Rabardel) et des recherches sur les innovations techno-pédagogiques (Depover, Wallet, Moeglin). Ses résultats concernent l’intégration et les usages de technologies dans l’enseignement et dans la formation, qu’il s’agisse d’artefacts (logiciels, tablettes, robots) ou de nouvelles modalités d’enseignement comme l’enseignement à distance mis en place à Cergy-Pontoise. Les questions traitées visent les genèses instrumentales des élèves, enseignants et formateurs, les modèles pédagogiques induits par les technologies ainsi que la dynamique, les évolutions et l’étude systémique d’organisations qui portent les technologies.

Adresse : 16 Villa des Vergers, 91000 EVRY-COURCOURONNES   

Courriel : jm.gelis@laposte.net

Toile : http://www.jmgelis.net/

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