![]() de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation |
Volume 24, 2017 |
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L’utilisation du manuel numérique en contexte postsecondaire : avantages et inconvénients
1. Introduction et problématique à l’étude1Depuis un certain nombre d’années, à une époque marquée par l’exigence de préparer les apprenants à évoluer au sein d’une société du savoir, les médias numériques pénètrent massivement les lieux d’enseignement, du primaire à l’université. C’est dans ce contexte qu’enseignants et apprenants recourent sur une base régulière à des tablettes, des tableaux numériques interactifs, des ordinateurs et, de façon croissante, des manuels numériques dans le cadre de formations. Les travaux réalisés dans le cadre de cette synthèse de connaissances se concentrent sur le manuel numérique. Ils mettent en évidence plusieurs divergences relatives au concept et à sa définition. En effet, ce dernier évoque diverses appellations dans la littérature : electronic book, e-book, digital book(s), etext(s) (e-text), electronic textbook, electronic text book, etextbook (e-textbook, eTextbook), digital book(s), digital e-books, digital textbook. Alors que certains termes font référence au livre (book) ou au manuel (textbook), d’autres font plutôt état du type de format utilisé (numérique : e/electronic/digital) ou renvoient à sa disponibilité sur le Web (online). L’analyse des écrits recensés ne permet pas d’effectuer une distinction claire entre le concept de livre et celui de manuel numérique, considéré en tant qu’ouvrage utilisé à des fins d’enseignement et d’apprentissage. Les manuels numériques sont fréquemment considérés comme de simples reproductions numériques des manuels imprimés (Shin, 2014). Relativement peu d’auteurs abordent le livre ou le manuel numérique en le reliant au monde scolaire, c’est-à-dire aux apprentissages qu’il serait susceptible de soutenir (Dobler, 2015), (Shepperd et al., 2008), (Sun et al., 2012). (Martin et Quan-Haase, 2013) rendent bien compte de la confusion qui existe autour de la définition de manuel numérique. Pour ces auteurs, cette ambiguïté proviendrait surtout du besoin de considérer séparément le texte numérique de l'appareil employé pour le visualiser. Considérant diverses appellations et caractéristiques attribuées à ce type d’outil, les auteurs du présent article comprennent le manuel numérique comme suit : le manuel numérique désigne un « ouvrage didactique, c’est-à-dire comprenant le contenu à acquérir/enseigner, les objectifs, les méthodes et les moyens pédagogiques, ainsi que des évaluations possibles. Il est édité et diffusé sous forme numérique, et destiné à être lu à l’écran » (Université du Québec, 2013). Cette définition met l’accent sur des caractéristiques et des contenus consacrés à l’enseignement et à l’apprentissage d’un sujet donné, tout en considérant sa caractéristique immatérielle, c’est-à-dire sa forme numérique. En milieu postsecondaire, l’introduction du manuel numérique est relativement récente et suscite de nombreuses questions quant à son utilisation concrète en mode présentiel ou en formation à distance. Ce phénomène exige donc la compréhension des bénéfices et des obstacles relatifs à son usage lors de formations, en particulier concernant les stratégies pédagogiques et les méthodes d’apprentissage à privilégier dans une société dite « du savoir ». Les travaux menés depuis trois ans par notre équipe de recherche ont mis en exergue de nombreuses problématiques et perspectives à considérer au sujet des applications pédagogiques du manuel numérique (Université du Québec, 2013). Les résultats de la synthèse des connaissances présentés dans cet article sont circonscrits à un contexte de formation postsecondaire et permettent à la fois de documenter, d’analyser et de contextualiser les enjeux de l’intégration du manuel numérique dans des pratiques enseignantes. Une recension d’écrits sommaire (Samson et Fournier, 2014) a servi de base à nos travaux communs. Celle-ci a mis au jour des intérêts de recherche multiples ou récurrents dans la littérature. Entre autres, elle rapporte des enjeux liés à la conception du manuel numérique, aux stratégies pédagogiques à employer, aux compétences exigées des enseignants et des étudiants, ainsi qu’à l’efficacité de cet outil en contexte postsecondaire. À titre d’exemple, plusieurs auteurs examinent les différences entre les usages d’un manuel papier lorsque comparés à ceux préconisant le manuel numérique (Chulkov et Van Alstine, 2013), (Dennis, 2011), (Rockinson-Szapkiw et al., 2013), (Shepperd et al., 2008), (Weisberg, 2011), (Woody et al., 2010). Les résultats obtenus montrent qu’il n’existe généralement pas de différence significative en ce qui a trait à l’utilisation de l’un ou de l’autre par rapport à la qualité des apprentissages réalisés. D’autres chercheurs (Asunka, 2013), (deNoyelles et Seilhamer, 2013), (Elias et al., 2012), (Ji et al., 2014), (Kissinger, 2013), (Kouis et Konstantinou, 2014), (Marques de Oliveira, 2012), (Mizrachi, 2015), (Petrides et al., 2011), (Rambe et Nel, 2013) ont examiné les préférences d’étudiants relatives au format imprimé ou numérique des manuels qu’ils utilisent. Dans une forte mesure, les usagers affirment apprécier davantage le manuel papier. Lorsque les manuels numériques sont privilégiés, les motifs évoqués demeurent souvent paradoxaux et plus généralement liés à des aspects de commodité (prix d’achat, faible masse, possibilité de conservation ou de revente, fonctionnalité de prise de notes, économie de déplacement à la bibliothèque). Quant à la valeur pédagogique et au potentiel d’interactivité qu’offre l’outil, ces critères de préférence demeurent marginaux. En regard de travaux discutant de la satisfaction et de l’utilité perçues du manuel numérique, (Stone et Baker-Eveleth, 2013a) expliquent qu’une première utilisation en influence de manière significative l’usage futur. (Woody et al., 2010) ajoutent que le niveau de satisfaction éprouvé lors de l’usage initial s’accroit avec des expériences ultérieures et que le degré d’aisance augmente (Dennis, 2011). Dans d’autres études, des chercheurs estiment que le premier usage d’un manuel numérique est synonyme de difficultés pour la majorité des étudiants (Cornell University et al., 2012). Devant de tels constats, des facteurs concernant la décision d’opter pour le manuel numérique, le niveau de satisfaction éprouvé en l’employant, de même que l’aisance toujours grandissante à l’utiliser constituent des éléments qu’il convient de mieux comprendre et de considérer dans des contextes de formation. Quelques études se sont également penchées sur l’emploi des fonctionnalités du manuel numérique à des fins d’apprentissage, mais offrent des points de vue composites. Elles avancent que l’annotation et la prise de notes dans le manuel numérique ne seraient pas couramment utilisées par les étudiants (deNoyelles et Seilhamer, 2013), (Laosethakul et Yajiong, 2011), (McFall, 2005), (Woody et al., 2010), alors que la fonction de recherche et la table des matières « cliquable », seraient employées plus couramment, voire fréquemment (Cornell University et al., 2012). D’autres études montrent que les étudiants font une utilisation dite traditionnelle du manuel numérique (Cuillier et Dewland, 2014), c’est-à-dire similaire à l’emploi d’un manuel imprimé en ce qui a trait au surlignage dans le manuel et à la prise de notes. Les constats observés lors de cette recension d’écrits sommaire ont conduit l’équipe de chercheurs à une analyse critique beaucoup plus approfondie de la littérature. Celle-ci a été menée dans le cadre d’une étude (Samson et al., 2015) subventionnée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et se structure autour de cinq éléments jugés essentiels à la compréhension des contributions et des impacts de l’usage du manuel numérique en milieu postsecondaire. Il s’agit : - 1) des enjeux inhérents à la conception du manuel numérique avec la prise en compte de dimensions pédagogiques (approches et stratégies retenues), les formats et les fonctionnalités du manuel ; - 2) des compétences techno-pédagogiques des enseignants, de leurs impacts sur les méthodes d’apprentissage privilégiées et des stratégies pédagogiques mobilisées ; - 3) des méthodes d’apprentissage et des stratégies pédagogiques à proprement parler ; - 4) des compétences des usagers à utiliser le manuel numérique ; - 5) de l’appréciation des méthodes d’apprentissage et des stratégies pédagogiques reposant sur l’emploi du manuel numérique en contexte postsecondaire. Les résultats des différentes études recensées mettent en évidence certains avantages et inconvénients perçus ou empiriquement vérifiés de l’usage du manuel numérique à des fins d’apprentissage. Ils sont entre autres issus des préférences manifestées ou du niveau de satisfaction éprouvé lors de l’usage du manuel numérique par rapport à l’utilisation du manuel papier. Sur la base de cette recension, le présent article distingue ces deux points en se consacrant à l’intégration du manuel numérique au sein de l’éducation postsecondaire (Samson et al., 2015). Il montre d’abord, dans une moindre mesure, les avantages et les inconvénients de l’utilisation du manuel numérique en examinant le point de vue des enseignants. Ensuite, ce texte met l’accent sur l’appréciation et les perceptions des étudiants à l’égard du manuel numérique, les recherches ayant davantage interrogé ce public. En outre, ces perceptions se précisent à travers des dimensions d’interactivité, d’accessibilité, de design, ainsi que de caractéristiques matérielles du manuel numérique. L’article se termine en exposant des perspectives de formation, des possibilités d’utilisation pédagogique du manuel numérique et des moyens de contrer certains écueils relatifs à ses usages. 2. Choix méthodologiquesLa synthèse de la documentation scientifique menant à ces résultats a été réalisée entre les mois de mai et d’août 2015. Lors de cette recension, un repérage de plus de 600 documents scientifiques a été effectué. Ces textes ont successivement été classés, triés, analysés et rejetés en fonction de critères détaillés dans la partie qui suit. Les étapes proposées par (Fink, 2010) ont balisé la démarche retenue. Ces étapes ont été reprises et modulées en fonction des résultats obtenus et de l’état d’avancement des travaux. Il s’agissait : - 1) d’effectuer la sélection des bases de données à fouiller ; - 2) de dresser l’inventaire des mots-clés et des descripteurs à utiliser en adéquation avec les dimensions pédagogiques à explorer ; - 3) d’utiliser des stratégies pour raffiner sa recherche ; - 4) d’appliquer les critères de sélection de la littérature pertinente et d’en considérer de nouveaux, le cas échéant ; - 5) de prendre connaissance du contenu des textes (pour l’étape suivante) ; - 6) d’analyser, classer et rédiger une synthèse des écrits recensés. Le codage des articles a été réalisé à l’aide du logiciel de traitement de données qualitatives NVivo. 2.1 Sélection des bases de donnéesCette première étape consistait à explorer, puis à sélectionner les bases de données spécialisées et multidisciplinaires suivantes : Scopus (Elsevier), Francis (EBSCO), Web of Science, Sudoc, Proquest Dissertation and Theses, Emerald Journals, Education Research Abstracts Online, CAIRN, Érudit, Computers & Applied Sciences Complete, PsychINFO, Computer Database (Gale), Applied Science & Technology Source, Springer Link, Education Source, Education Research Complete, Eric (EBSCO) et Persée. 2.2 Inventaire des mots-clés et des descripteurs à utiliserLes mots-clés initiaux manuel numérique, e-textbook, e-manuel, digital textbook et electronic textbook ont été saisis dans différentes bases de données afin d’observer la valeur et l’ampleur des résultats obtenus. Certains mots-clés ont été supprimés (notamment e-manuel) parce qu’ils généraient des résultats inappropriés aux objectifs poursuivis. La démarche a permis de faire émerger d’autres mots-clés importants (e-textbook, e-book). Les résultats obtenus ont également enjoint les chercheurs à concentrer les activités de recherche au sein de bases de données spécialisées, celles-ci regroupant la vaste majorité des résultats émergeant des requêtes effectuées. 2.3 Utilisation de stratégies de raffinement de la rechercheLa recherche et la sélection des écrits a débuté par l’emploi des descripteurs suivants : digital textbook, e-textbook, etextbook, electronic textbook. La procédure s'est raffinée par l’inclusion de mots-clés secondaires en référant au contexte « universitaire », par exemple, ou au terme « education ». À l’issue de la recension, 652 références ont été générées et conservées dans la bibliothèque Endnote pour un traitement ultérieur. 2.4 Application des critères de sélection pertinentsUn premier tri des documents présents dans Endnote a été effectué afin d’éliminer les textes ne répondant pas au critère « article scientifique », celui-ci se définissant comme une publication universitaire de nature scientifique révisée par des pairs. Le titre et le résumé de chaque texte ont été parcourus afin de classer les articles retenus au sein de leurs catégories d’appartenance. Les sections méthodologiques de chaque article ont été lues afin de valider la nature scientifique de la revue. Puisque ces documents n’appartiennent pas à la catégorie « articles scientifiques », les thèses, les chapitres de livres, les livres et les communications ont ainsi été retirés de la liste. Au total, 158 entrées ont été éliminées, portant à 494 le nombre de documents répertoriés. Ces documents, classés par auteurs, ont fait l’objet d’un nouveau tri utilisant les critères d’exclusion suivants, à savoir le traitement du manuel numérique dans : - a) un contexte autre que postsecondaire ; - b) des aspects et dimensions ne correspondant pas aux catégories d’investigation retenues (par ex. : utilisation du critère plus spécifique contexte d’enseignement) ; - c) une publication au sein d’une revue non arbitrée par des pairs ayant échappé au premier tri. À la suite de ces éliminations, la bibliothèque Endnote comptait 288 articles. Une nouvelle bibliothèque contenant les articles rejetés a été créée ainsi qu'un fichier précisant le degré de pertinence et les motifs du rejet pour chacun des articles. Au 3e tri, une lecture plus approfondie du résumé et de la méthodologie a permis de resserrer le bassin d’articles considérés. En effet, certains articles ne correspondaient pas aux caractéristiques d’un article scientifique car ils ne présentaient aucun détail méthodologique, mais s’inscrivaient davantage dans un récit d’expérience. D’autres encore n’ont pas bénéficié d’une évaluation par les pairs. Ce troisième tri a permis d’éliminer les articles pour lesquels les données pertinentes présentées en introduction ou dans la problématique étaient issues du travail de recension de la littérature par les auteurs. Cette élimination avait pour objectif d’éviter l’effet de dédoublement des données, une mauvaise interprétation ou une citation erronée des propos originaux. Au terme de ce nouveau tri, la bibliothèque conservait 189 textes. Une lecture minutieuse des articles retenus a été effectuée préalablement à leur traitement dans le logiciel NVivo. Il s’en est suivi un nouveau tri de raffinement. Un nombre important de textes a alors été rejeté en raison de l'application de critères plus fins résultant d’un examen approfondi des textes. Entre autres, les articles ne traitant pas spécifiquement du manuel numérique dans un contexte d’enseignement postsecondaire ont été retirés (par ex. en recherche documentaire), de même que ceux qui abordaient les enjeux associés à la lecture sur support numérique sans se consacrer explicitement au manuel numérique. Les articles portant sur les usages du livre (et non du manuel) numérique en milieu postsecondaire ont également été éliminés. Au terme de cette dernière sélection, 78 textes ont finalement été retenus et encodés. La figure suivante reprend, en synthèse, les étapes du processus de tri. Figure 1 • Critères utilisés et nombre d’articles découlant de chaque étape du processus de tri 2.5 Lecture du contenu des textes et codageLe traitement réservé aux articles retenus a été organisé autour de l’analyse des cinq catégories d’investigation (Samson et al., 2015) suivantes : - les enjeux de conception du manuel numérique ; - les stratégies pédagogiques et les méthodes d’apprentissage qui lui sont propres ; - l’impact des compétences techno-pédagogiques des enseignants ; - l’impact des compétences des étudiants, l’efficacité des stratégies pédagogiques et des méthodes d’apprentissage reposant sur son utilisation ; - l’efficience du manuel numérique en éducation postsecondaire. Dans la section suivante, nous reprenons des résultats touchant les avantages et les inconvénients relevés dans les écrits. À la suite de ces résultats, nous présentons des pistes de réflexion et d’action. 3. RésultatsLa littérature offre un grand nombre d’articles abordant, parfois directement (Bossaller et Kammer, 2014), (Buzzetto-More et al., 2007), mais souvent implicitement (Baker-Eveleth et Stone, 2015), les bénéfices et les obstacles liés à l’usage du manuel numérique en contexte d’enseignement postsecondaire. Ces attributs se décèlent simultanément dans l’exposé des pour et des contre de l’adoption du manuel numérique ; à travers des descriptions d’attitudes, de perceptions et d’expériences des utilisateurs ; parmi des facteurs d’adoption ; dans l’estimation du niveau de performance des usagers ; concernant des dimensions financières investiguées ; ainsi que de la satisfaction manifestée lors de l’usage (deNoyelles et Seilhamer, 2013), (Rockinson-Szapkiw et al., 2013). Parmi les recherches répertoriées, il faut noter que les contextes de ces études varient considérablement en termes de population (taille), de méthodologies (en majorité quantitatives, qualitatives ou mixtes) et d’objets d’investigation (Samson et al., 2015). Les travaux d’analyse se sont concentrés sur les points de consensus en recherche quant aux avantages et inconvénients de l’emploi pédagogique du manuel numérique, et sur les usages en émergence. 3.1 Avantages et inconvénients du point de vue des enseignantsLes avantages soulevés par les enseignants concernent la facilité d’utilisation perçue (perceived ease of use) qui ressort comme critère déterminant de l’adoption du manuel numérique utilisé en tant qu’outil pédagogique (Kim et al., 2012), (Petrides et al., 2011). Ils mettent également en exergue les possibilités pédagogiques liées aux fonctionnalités du manuel numérique et l’interactivité accrue qu’il peut offrir (Elias et al., 2012), (Kruger et Bester, 2014), (McFall, 2005), (Petrides et al., 2011), (Precel et al., 2009), (Reid et Morrison, 2014). Souvent amalgamés aux défis technologiques, certains écrits scientifiques rapportent que les aspects pédagogiques représentent un souci particulier pour les enseignants. En effet, ces derniers affirment devoir adapter leur enseignement pour que le manuel numérique soit utilisé à son plein potentiel (Bode et al., 2013), (Hao et Jackson, 2014), (Knight, 2015), (Kruger et Bester, 2014), (Parsons, 2014), (Precel et al., 2009), (Schugar et al., 2011), (Sellnow et al., 2005). Une ressource favorisant cette adaptation a trait aux fonctions statistiques générées dans certains environnements d’apprentissage hébergeant le manuel numérique. En effet, elles fourniraient des données permettant de mieux cerner les besoins des usagers, entre autres, en suivant l’évolution de l’étudiant à travers les tâches proposées dans le manuel (Bossaller et Kammer, 2014) et en examinant les difficultés qui se présentent durant son parcours. De plus, ces statistiques constitueraient des indices de l’intérêt manifesté et de l’utilité « vécue » par l’étudiant. Pour le formateur, des analyses tirées de ces usages peuvent être mises à profit pour modifier, voire améliorer l’enseignement offert. Un frein à l’achat fréquemment relevé dans la littérature concerne le coût associé au manuel numérique (Bossaller et Kammer, 2014), (Chulkov et Van Alstine, 2013), (Selby et al., 2012), (Terpend et al., 2014). En fait, ce choix peut entraîner une charge économique importante, notamment lorsqu’il est question de se procurer les dispositifs informatiques donnant accès au manuel (ordinateur, tablette électronique, etc.). D’autres inconvénients réfèrent à des conditions imposées par les plateformes commerciales distribuant le manuel numérique, entre autres les délais et les coûts de mise à jour, ou des restrictions qui limitent les usages et le partage (Cuillier et Dewland, 2014), (Laosethakul et Yajiong, 2011), (Vernon, 2006). Face aux limites et aux restrictions imposées, certains enseignants préfèrent produire leur propre manuel de cours numérique non édité (Bossaller et Kammer, 2014), (Knight, 2015). De cette façon, ils s’épargnent, ainsi qu’à leurs étudiants, des obstacles économiques et d’accessibilité. 3.2 Avantages et inconvénients du point de vue des étudiantsLes avantages et les inconvénients vécus ou observés par les étudiants se retrouvent en plus grand nombre dans la documentation et couvrent une grande diversité de situations et d’objets. Afin de mieux rendre compte des résultats répertoriés, ils sont classés sous différentes rubriques incluses aux tableaux 1 (avantages) et 2 (inconvénients). En comparant ces deux tableaux, il ressort que la liste des avantages est plus étendue et détaillée lorsque comparée à celle des inconvénients. Une majorité des avantages répertoriés se trouve dans la catégorie Interactivité, celle-ci étant composée de trois sous-ensembles inférés des données collectées, dont la fonctionnalité, les composantes intégrées et l’interaction sociale. Les autres se déclinent à l’intérieur de trois autres rubriques principales, soit l’Accessibilité, le Design et les Caractéristiques matérielles. Du côté des inconvénients, les grandes catégories présentées restent relativement similaires aux précédentes (touchant les avantages), exception faite de la dernière. Celles-ci offrent cependant des sous-catégories différentes : l’Interactivité (usage de l’outil), l’Accessibilité (connexion), le Design (adaptation au contenu) et les Caractéristiques matérielles (configuration de l’interface). Enfin, une nouvelle catégorie se distingue des précédentes, soit celle de la Littératie médiatique (niveau de connaissance) de l’utilisateur. Par ailleurs, dans le premier tableau apparaissent les rubriques Fonctionnalités, Possibilités/utilité/appréciation et Auteurs. Dans le second tableau sont présentés respectivement : Usage de l’outil, Conséquences potentielles et Auteurs. Précisons que la colonne Auteurs détermine, en quelque sorte, l’ampleur du résultat obtenu. Le lecteur peut ainsi, en visualisant ce nombre, apprécier son importance lorsque comparée à l’ensemble des éléments présentés. Tableau 1 • Avantages liés à l’utilisation du manuel numérique
Tableau 2 • Inconvénients liés à l’utilisation du manuel numérique
La discussion placée immédiatement à la suite des avantages et des inconvénients concernant l’utilisation du MN mise sur différents moyens d’exploitation pédagogique du manuel numérique en milieu postsecondaire 4. DiscussionLa documentation souligne que le manuel numérique, souvent jugé en tant qu’outil pédagogique prometteur (Samson et Fournier, 2014), demeure l’objet de critiques de la part d’enseignants et d’étudiants. L’usage du manuel numérique en milieu postsecondaire présente plusieurs défis, et ce, tant sur les plans techniques que pédagogiques. Selon (Poellhuber et St-Laurent, 2014), « la question n’est pas tant de savoir si les technologies sont incontournables pour l’éducation, mais de savoir comment mettre à profit leur potentiel didactique et pédagogique » (p. 160). La discussion présentée ici aborde ces éléments en tablant sur les connaissances fournies par la littérature pour favoriser une utilisation pédagogique réelle du manuel numérique. Qu’est-il alors possible d’inférer des avantages et des inconvénients répertoriés, afin de proposer des applications pédagogiques profitables lors de l’usage du manuel numérique et d’accroitre le niveau de motivation de l’étudiant et de l’enseignant lors de son usage ? Le passage du manuel imprimé au manuel numérique exige des efforts multiples et diversifiés, tant de la part des enseignants que des étudiants. En examinant les résultats des recherches répertoriées, la formation à l’utilisation du manuel numérique (Bode et al., 2013), (Schugar et al., 2011) demeure un enjeu fondamental pour des usagers potentiels. À ce chapitre, l’enseignant se voit principalement interpelé. Les formations offertes doivent se construire autour des dimensions structurantes d’une utilisation pédagogique du manuel numérique : choix et conception ; stratégies à préconiser ; compétences des usagers et moyens de contrer les écueils. 4.1 La nécessité de formation des enseignantsAu moment où l’enseignant opte pour le manuel numérique, il doit pouvoir en évaluer les conditions d’acquisition et d’accès, puisqu’elles influencent le coût de l’outil, ainsi que les bénéfices escomptés. Lors de la sélection d’un manuel numérique, l’enseignant doit tenir compte des caractéristiques matérielles et du design de l’outil. Ces deux facteurs auront un impact sur le plaisir d’utilisation et seront susceptibles de favoriser un usage ultérieur par les étudiants. En lien avec ces éléments, (Muir et Hawes, 2013) insistent sur différents points relevés par les étudiants concernant l’efficacité de l’outil. Ces derniers notent, à titre d’exemple, l’amélioration de la fonction « recherche », une plus grande aisance de lecture en mode « vue de page », une meilleure navigation dans l’ouvrage, de même que l’élimination des problèmes d’accès. Par ailleurs, l’enseignant sélectionne les contenus intégrés au manuel numérique sur la base de leur pertinence en termes d’apprentissages, tout en analysant la façon dont ils sont organisés seuls et entre eux à l’intérieur de l’outil. Il doit également être en mesure d’estimer les fonctionnalités adaptées aux contenus et aux types d’apprentissages visés. À ce titre, les formations offertes aux enseignants doivent comporter des dimensions technologiques et pédagogiques permettant d’effectuer un maillage adéquat entre le type de contenu, les apprentissages ciblés, ainsi que les modalités technologiques permettant d’atteindre les objectifs prévus. 4.2 Des usages pédagogiques à préconiserLa littérature met en évidence les besoins de formation des enseignants en lien avec les aspects pédagogiques à considérer lors de l’utilisation du manuel numérique. Il est précisé dans (deNoyelles et Seilhamer, 2013) que les formateurs doivent connaître les fonctions contribuant à l’accroissement des performances, afin de capitaliser sur elles. De plus, les enseignants devraient s’assurer de la disponibilité de ces fonctionnalités afin qu’elles conviennent aux besoins d’apprentissage des étudiants (Hao et Jackson, 2014). Les recherches demeurent cependant peu loquaces quant aux initiatives mises de l’avant pour ce faire. Ces conclusions impliquent que l’enseignant, en plus de connaître les possibilités technologiques des fonctionnalités du manuel numérique, imagine et aménage diverses activités et tâches nécessitant leur utilisation, tout en offrant, implicitement ou explicitement, de la formation aux apprenants. Par exemple, sachant que la fonction de surlignement employée seule est peu efficace pour améliorer la performance de l’apprenant (Dunlosky et al., 2013), l’enseignant ferait en sorte de combiner celle-ci à une autre lors d’une tâche précise. Il pourrait proposer à l’étudiant de compléter un canevas schématique en repérant, à l’aide de la fonction surlignement, des concepts et des savoirs fondamentaux d’un chapitre ou d’une section du manuel. Cette schématisation permettrait, entre autres, d’organiser les concepts entre eux et de les structurer logiquement afin de créer du sens aux yeux des étudiants. Une fois complété, ce schéma serait employé ultérieurement pour soutenir l’étude en vue d’une épreuve d’évaluation. En définitive, lorsque l’enseignant soumet différentes tâches à l’étudiant (des exercices et des activités), il « sensibilise » et « entraine » à l’usage approprié des fonctionnalités du manuel numérique. Un deuxième exemple concerne la fonction d’annotation qui semble assez peu utilisée par les étudiants. Afin de démontrer sa pertinence et d’inciter les utilisateurs à y recourir, l’enseignant pourrait sélectionner les concepts les plus complexes et les plus difficiles à comprendre (sur lesquels les étudiants butent) et leur demander d’employer la stratégie d’autoexplication des contenus (Université du Québec, 2013) en annotant, dans le manuel, l’explication qu’ils se font à eux-mêmes du concept étudié. Dans ce cas particulier, la tâche d’apprentissage vise à influencer les comportements de l’étudiant à différents niveaux : - elle imprime une utilité à la fonctionnalité « annotation » durant son usage ; - elle permet la mise en œuvre d’une stratégie d’ancrage des apprentissages en mémoire (autoexplication), tout en rendant l’étudiant actif ; - elle entraine l’apprenant à l’utilisation de différentes stratégies cognitives et métacognitives pouvant être réutilisées ultérieurement pour apprendre ; - elle « force » la réflexion (auto) sur certains concepts en cours d’apprentissage. Dans ce contexte, l’enseignant souhaite rendre l’usager plus compétent, car il mise sur l’appropriation des fonctionnalités technologiques à des fins précises d’apprentissage. Comme le suggèrent Hao et Jackson (2014), le fait d’enseigner les fonctionnalités du manuel numérique représente un facteur de rehaussement du degré de satisfaction de l’étudiant-usager qui l’utilise. Ces façons de faire de l’enseignant encouragent une utilisation active et plus autonome du manuel numérique, deux buts fréquemment relevés dans les propos d’auteurs (Baeck et Monaghan, 2013), (Bode et al., 2013), (Dwyer et Davidson, 2013), (Falc, 2013), (Hao et Jackson, 2014), (Laosethakul et Yajiong, 2011), (McFall, 2005), (McGowan-Koyzis et Koyzis, 2012), (Millar et Schrier, 2015), (Ngafeeson et Sun, 2015), (Sellnow et al., 2005), (Stone et Baker-Eveleth, 2013b), (Sun et al., 2012). En guidant les étudiants lors de la navigation dans le manuel, les enseignants peuvent les aider à comprendre les diverses possibilités offertes (Dobler, 2015). 4.3 Des moyens de contrer différents écueilsNombre d’auteurs indiquent que l’interactivité représente un attrait particulier de l’utilisation du manuel numérique. Toutefois, les multiples possibilités qu’elle permet comportent des risques pour les usagers, car le travail multitâche, l’errance, le butinage, sont des écueils fréquemment répertoriés dans les écrits scientifiques. Concernant ces dérives potentielles, une utilisation réfléchie du manuel numérique repose sur l’appropriation de stratégies autorégulatrices et métacognitives par les apprenants (Reid et Morrison, 2014). En effet, il convient de les amener à prendre conscience des actions posées en cours de navigation dans le manuel, afin de les autocontrôler. Ce faisant, les apprenants deviennent capables de se détourner seuls de leurs comportements erratiques et de les réaligner aux finalités de l’apprentissage. Dobler (Dobler, 2015) défend bien cette position lorsqu’elle dit que l’autorégulation peut aider l’apprenant pour toute situation de lecture, mais particulièrement lorsque ce dernier se retrouve en mode interactivité, alors qu’il alterne entre médias, liens Web et le texte du manuel. L’auteure illustre d’ailleurs cette prise de conscience des stratégies autorégulatrices à l’aide des propos d’une étudiante sondée lors de sa recherche : « I tended to open up links so I was easily distracted. As a reader, next time I should be stricter on myself and not allow myself to browse on other sites while reading » (p. 489). 4.4 Et le sentiment d’autoefficacité ?Plus l’enseignant et l’étudiant explorent les fonctionnalités et les possibilités liées à l’utilisation du manuel numérique, plus grandes seront les chances que le sentiment d’efficacité de l’usager augmente. À travers l’emploi du manuel numérique, l’enseignant découvre les stratégies et les usages préférés des étudiants de même que ceux qui exigent le plus d’investissement et d’effort de leur part sur le plan cognitif. Selon (McFall, 2005), le changement d’habitude qu’exige l’utilisation du manuel numérique peut prendre du temps. En réalité, même si les étudiants sont souvent considérés comme des « utilisateurs numériques » (digital users), ils ne sont pas nécessairement des « apprenants numériques » (digital learners). En effet lors de l’utilisation du manuel numérique, ils auraient tendance à reproduire des usages qui s’apparentent à leurs pratiques communicationnelles (Dobler, 2015). 5. ConclusionLes résultats publiés dans cet article apportent des éclairages nouveaux au sujet des usages, des avantages et des inconvénients associés au manuel numérique. La documentation scientifique consultée présente néanmoins une lacune importante, se cantonnant principalement dans l’analyse des perceptions d’enseignants et d’étudiants. Ces dernières relèvent d’aspects positifs et négatifs ayant trait, notamment, aux facteurs d’adoption, au niveau de performance des usagers et à la satisfaction manifestée lors de l’usage du manuel numérique. En matière d’efficience du manuel numérique pour l’apprentissage, les études recensées expriment des positions contradictoires. Certaines montrent une corrélation significative entre l’utilisation d’un manuel numérique dans le cadre d’un enseignement et les performances des étudiants (Chaudhri et al., 2013), (Rockinson-Szapkiw et al., 2012), (Rowhani et Sedig, 2005), alors que d’autres ne constatent aucune corrélation (Chulkov et Van Alstine, 2013), (Daniel et Woody, 2013), (Fouh et al., 2014). Les études empiriques et démonstratives demeurent rares. Le plus souvent, elles se limitent aux préférences manifestées et au niveau de satisfaction éprouvé lors de l’usage du manuel numérique par rapport à l’utilisation du manuel papier. Il semble donc pertinent, à l’intérieur de méthodologies de recherches ultérieures, de recourir à des séries d’observations (deNoyelles et Seilhamer, 2013) et d’entrevues en profondeur auprès des usagers afin de discerner, concrètement, comment les enseignants travaillent avec le manuel numérique dans l’optique d’exploiter de nouvelles avenues d’utilisation pour enseigner et faire apprendre. Ces méthodes permettraient de décrire les tâches qu’ils accomplissent au moment de leur exécution. Les observations permettraient de valider la portée des résultats publiés dans cet article et offriraient de nouvelles pistes de recherche, parce qu’elles seraient issues de collectes de données contextualisées. RemerciementsNous tenons à remercier les assistants de recherche Sylvie Fortier, Pierre-Olivier Garand, Katia Renaud ainsi Mamadou Siradjo Diallo pour leur contribution à l’analyse des textes. Nos remerciements s’adressent également à madame Odette Larouche pour la révision linguistique de cet article. Enfin, nous remercions le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour la subvention accordée à l’équipe Samson, Roussel et Landry (2015-2016) dans le cadre du programme de synthèse de connaissances et portant le numéro 421-2014-2057.
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Référence de l´article :
Chantal ROUSSEL, Marie-Michèle LEMIEUX, Normand LANDRY, Ghislain SAMSON , L’utilisation du manuel numérique en contexte postsecondaire : avantages et inconvénients, Revue STICEF, Volume 24, numéro 3, 2017, DOI:10.23709/sticef.24.3.1, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 03/10/2017, http://sticef.org © Revue Sciences et Technologies de l´Information et de la Communication pour l´Éducation et la Formation |