Les Universités Numériques Thématiques
: Bilan
Anne Boyer (LORIA, Nancy)
RÉSUMÉ : Cet
article se donne pour objectif de dresser un bilan des universités
numériques thématiques (UNT) en terme d’existant,
d’usages et de besoins exprimés par les établissements, les
enseignants et les étudiants. En effet, les UNT se sont vu confier
à leur création la mission de construire le patrimoine
pédagogique numérique au niveau national par grand champ
disciplinaire. En décembre 2011, plus de 20 000 ressources sont
librement accessibles via les portails des UNT. Toutefois, le paysage
numérique et universitaire a considérablement évolué
depuis la création des UNT. Il devenait donc nécessaire de
réaliser un bilan d’étape et de définir ainsi les
nouveaux enjeux stratégiques des UNT. Cet article résume les
principaux résultats obtenus lors de l’étude menée au
cours de l’année universitaire 2010-2011 afin de déterminer
les nouveaux enjeux des UNT.
MOTS CLÉS : Université Numérique
Thématique (UNT), ressources pédagogiques numériques,
appropriation, usage, besoins
ABSTRACT : This
article wants to understand the impact of the seven digital thematic
universities (DTU) that have been created since 2004. The DTU aim at building
the French national repository of pedagogical resources. At the end of 2011,
about 20 000 resources are freely available via the websites of the DTU. As the
digital framework has evolved these last years, it is now necessary to conduct a
study within the French universities in order to determine what the impact of
DTU is and which services or products teachers and learners expect from the DTU.
This paper summarizes the main conclusions of this study.
KEYWORDS : Digital
Thematic Universities, pedagogical e-contents, appropriation, uses
1. Introduction
1.1. Contexte
Afin de faciliter l’intégration et
l’usage des TICE (Technologies de l’Information et de la
Communication au service de l’Enseignement) dans les pratiques
pédagogiques universitaires, le ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche (MESR) a en particulier impulsé et
soutenu depuis plusieurs années une politique de mutualisation au niveau
national des contenus numériques pédagogiques par grands domaines
disciplinaires.
Le MESR a ainsi créé à partir de 2004 pour les plus
anciennes et jusqu’à 2007 pour les plus récentes, sept
Universités Numériques Thématiques (UNT). Chaque UNT
s’est vu confier à sa création la mission de favoriser la
conception, la valorisation, la production et la mise à disposition de
tous les étudiants et enseignants, d’un ensemble cohérent
d’outils et de ressources numériques utiles dans les formations.
Elle doit œuvrer à la constitution d’un patrimoine
pédagogique numérique national de qualité,
référencé et visible, au service de toute la
communauté universitaire (enseignants et étudiants). Les UNT
assurent ainsi le recensement, la production, l’archivage,
l’indexation et la diffusion de ressources pédagogiques
numériques labellisées s’inscrivant dans les parcours de
formation proposés par les établissements d’enseignement
supérieur français.
Les missions des UNT répondent à un triple objectif :
- favoriser la réussite des étudiants en leur offrant
un ensemble cohérent de ressources numériques labellisées
et produites par des enseignants des établissements partenaires ;
- faciliter la production numérique des enseignants
universitaires en leur permettant d’accéder à des
éléments réutilisables et à une panoplie
d’outils ;
- offrir une large visibilité nationale et internationale de
l’enseignement supérieur français et de son patrimoine
pédagogique.
Les UNT n'ont pas vocation à se substituer aux établissements
d'enseignement supérieur, mais à offrir aux étudiants et
enseignants un catalogue de ressources adaptées aux projets
pédagogiques des établissements. C’est pourquoi les supports
qu'elles produisent doivent répondre à un usage dans le cadre de
projets pédagogiques des établissements partenaires.
Les sept UNT couvrent chacune un grand champ thématique. Six
d’entres elles ciblent une discipline (au sens large du thème)
alors que la septième et dernière créée,
l’Université Virtuelle en Environnement et Développement
Durable (UVED) est transversale.
L’Université Numérique Francophone des Sciences de la
Santé et du Sport (UNF3S) est
l’UNT en charge du domaine des sciences de la santé et du sport.
L’Université Numérique Ingénierie et Technologie (UNIT) s’occupe des sciences de
l'ingénieur. Le droit et les sciences politiques sont pris en charge par
l’Université Numérique Juridique Francophone (UNJF). L’Université Ouverte des
Humanités (UOH) traite des sciences
humaines et sociales, de la littérature, des langues et cultures ainsi
que des arts. L’économie et gestion sont assurées par
l’Association Universitaire Numérique en Economie et GEstion (AUNEGE). Enfin, l’UNIversité des
SCIences En Ligne (UNISCIEL) a comme champ
disciplinaire les sciences.
La description des UNT, la présentation de leurs ressources et de
leurs actions, la liste de leurs partenaires sont disponibles sur le site de
chaque UNT, ainsi que sur le portail fédérateur
des UNT (en cours d’évolution, nouvelle version disponible
mi-2012).
1.2. Fonctionnement des UNT
Chaque UNT a son mode spécifique de fonctionnement, qui tient compte
à la fois de son histoire (certaines étaient les
héritières de campus numériques, d’autres se sont
créées sans existant préalable) et de
spécificité de la thématique abordée. Toutefois, il
est possible de dégager quelques grandes lignes qui sont communes
à l’ensemble des UNT.
Des appels à projet ouverts à leurs partenaires sont
lancés annuellement par chaque UNT, afin de susciter la production
collaborative des ressources nécessaires, complétant ainsi
l’offre disciplinaire. En particulier, afin de lutter contre
l’échec en licence, les UNT incitent à la conception et
à la mise à disposition de ressources de niveau Licence. En
encourageant, coordonnant et soutenant une production collaborative de
ressources mutualisées et réutilisables, elles permettent de
mettre les établissements en synergie et de réaliser ainsi une
économie de moyens aussi bien humains que financiers. De plus, les
ressources ainsi crées ne sont pas centrées sur un cours
spécifique d’un enseignant mais d’une plus large
portée car produites par une équipe pédagogique, le plus
souvent inter-établissement.
Les ressources mutualisées par les établissements
adhérents peuvent être gratuites et ouvertes à tous,
gratuites et réservées aux établissements adhérents
(formation initiale),... Six UNT sur les sept offrent un usage libre des
ressources, en adoptant une licence Creative Commons. La 7e UNT
réserve l’accès à ses ressources aux membres
adhérents. Toutefois, la politique dans ce domaine n’est pas
commune en ce qui concerne le droit d’auteur. Deux solutions
différentes ont été adoptées par les UNT. Certaines
sont titulaires des droits sur les ressources mises en ligne, soit en
contractant directement avec l’auteur de la ressource et en se faisant
céder ses droits d’exploitation, à titre exclusif, pour tous
les pays et pour toute leur durée ; soit en se faisant
rétrocéder les droits par les universités. Les ressources
sont en effet produites par des universités, qui se font céder les
droits d’auteur. La cession intervient alors pour le monde entier, pour
toute la durée des droits et à titre non exclusif.
D’autres UNT enfin ne disposent d’aucun droit sur les ressources
produites. Les droits sur les ressources appartiennent aux établissements
« porteurs » qui s’engagent à permettre leur
utilisation.
Les UNT contribuent via leur portail, à la valorisation et à la
diffusion à l’échelle nationale et internationale de
ressources pédagogiques numériques libres d’accès,
validées techniquement et pédagogiquement, labellisées
scientifiquement par la communauté scientifique du domaine. En effet, les
UNT ont chacune un conseil scientifique composé d’experts du
domaine qui évaluent la qualité des ressources produites
(actualité des données, respect des différents points de
vue, clarté, ...). Il s’agit là d’un facteur essentiel
de différentiation par rapport aux autres initiatives qui peuvent exister
à travers le monde : les ressources diffusées par les UNT ont
un contenu scientifiquement garanti.
Les UNT encouragent la mutualisation entre les établissements
d’enseignement supérieur des acquis, des expériences et des
outils existants. L’action des UNT ne se limite pas à la mise
à disposition de ressources : elles permettent également la
mise en œuvre coopérative au niveau national d’une
démarche éditoriale reposant sur des processus garantissant la
qualité des productions, leur pérennité et un accès
facilité par une indexation appropriée et pertinente. Elles ont
ainsi participé à la diffusion de normes comme le LOMFr,
d’outils comme les chaînes éditoriales (notamment SCENARI),
au déploiement d’ORI OAI. C’est ainsi une démarche
globale autour de la conception, de la production professionnelle et de la
valorisation des ressources qui est proposée.
Canal-U est la vidéothèque
numérique de l’enseignement supérieur comprenant plus de
6 000 vidéos classées par discipline universitaire. Canal-U
donne ainsi accès aux enseignants et aux étudiants à un
fonds audiovisuel conséquent. Les vidéos, produites par les
établissements d’enseignement supérieur et de recherche,
sont sélectionnées et validées aux plans scientifique et
pédagogique par les UNT qui définissent la ligne éditoriale
de Canal-U. Le projet Canal-U est géré par le CERIMES (Centre de
ressources et d’information sur le multimédia pour
l’enseignement supérieur) et son pilotage est assuré par le
ministère de l’Enseignement supérieur et de la
Recherche.
Toutes les UNT sont financièrement soutenues par le MESR, qui chaque
année leur attribue une dotation. Une autre source de financement des UNT
vient des établissements adhérents qui acquittent chaque
année une cotisation dont le montant est fixé par chaque UNT.
Rappelons enfin que les UNT ont des structures juridiques différentes
(fondation partenariale pour UNIT et UVED, GIP pour l‘UNF3S et
l’UNJF, GIS pour UNISCIEL, association pour AUNEGE, service
interuniversitaire pour l’UOH). Toutefois, elles sont structurées
d'une manière similaire : un noyau de membres partenaires,
piloté par une instance collégiale décisionnaire, autour
duquel peuvent se greffer des structures associées : 110
universités, écoles ou organismes de recherche sont
impliqués dans une ou plusieurs UNT.
1.3. Constat
Actuellement, plus de 20 000 ressources pédagogiques
numériques, multimédia et audiovisuelles, sont librement
accessibles par tous (étudiants et enseignants) via les UNT. Toutefois
force est de constater que leur usage est encore trop limité, même
s’il est réel. La question se pose légitimement de savoir si
cet état de fait est dû à l’inadéquation de
l’offre aux besoins des étudiants et des enseignants ou si ce
déficit d’usage est dû à la méconnaissance des
actions et des productions des UNT. Connaître la réalité des
besoins et des attentes est donc un élément essentiel, pour
définir la stratégie du MESR relativement aux UNT.
Par ailleurs, depuis que les UNT ont été créées,
le paysage numérique s’est transformé : arrivée
à l’université d’étudiants utilisateurs du
numérique, apparition de nouvelles technologies et/ou outils comme les
réseaux sociaux, les jeux sérieux par exemple. Chacun devient
simple consommateur mais aussi producteur de contenus numériques
diffusables sur Internet.
Enfin, le contexte universitaire a évolué : autonomie des
universités, réorganisation territoriale, étudiants
élevés au numérique...
Il est donc devenu nécessaire de faire un bilan d’étape
sur l’impact des UNT et sur leur nécessaire évolution :
c’est pourquoi a été lancée en 2010-2011 une
étude relative à l'apport des universités numériques
thématiques au développement des usages des ressources
numériques pédagogiques dans les établissements
d'enseignement supérieur. Elle a été confiée
à la société OCCURRENCE afin de réaliser un bilan
et de formuler des recommandations sur l’évolution des UNT. Les
conclusions de cette étude ont été présentées
aux UNT lors d’un comité stratégique, début octobre
2011.
2. Étude de l’apport des UNT au développement des usages
des ressources numériques
2.1. Démarche générale
L’étude sur l'apport des UNT au
développement des usages des ressources numériques
pédagogiques dans les établissements d'enseignement
supérieur porte sur l’évaluation des usages des
différentes ressources produites ou diffusées sur les UNT, en
plaçant cette évaluation dans le contexte plus large de
l’usage des ressources numériques pédagogiques et en
analysant l’impact des UNT sur l’activité de production et de
diffusion des ressources dans les établissements. Elle doit permettre de
mesurer la valeur ajoutée des ressources « UNT » au
regard des autres ressources produites dans les établissements ; la
manière dont les UNT répondent aux besoins des étudiants et
des enseignants en termes de ressources ; la relation entre les résultats
des UNT et les missions qui leur étaient confiées.
L’adéquation entre la politique de production et de diffusion des
UNT et les stratégies pédagogiques des établissements dans
un contexte d’évolution des usages, la valeur ajoutée des
ressources produites dans ce cadre mutualisé, et en particulier leur
complémentarité aux ressources numériques
pédagogiques produites dans les établissements, enfin
l’accès aux ressources par les étudiants et les enseignants
dans un contexte d'évolution de pratiques pédagogiques sont les
trois aspects essentiels que l’étude devait analyser.
L’étude a donc été menée essentiellement
autour de deux axes : production et usage des ressources pédagogiques
numériques (RPN) d’une manière générale afin
de dresser un panorama numérique des établissements
d’enseignement supérieur dans ce domaine, production et usage des
RPN des UNT spécifiquement pour étudier leur impact et leur
contribution.
2.2. Méthodologie
Quatre étapes principales ont jalonné l’étude au
cours du temps :
- Réalisation d’un état des lieux des UNT et
d’une analyse de leur public : des entretiens avec les responsables
ou représentants de chaque UNT ont été organisés
puis un travail en groupe avec toutes les UNT pour échanger sur les
éléments de convergence issus des entretiens. Chaque porteur
d’UNT a notamment retracé l’histoire de son UNT, sa
stratégie et a fourni des documents et statistiques liés aux
usages des contenus numériques en sa possession. L’objectif
était de recueillir la vision de chaque UNT sur sa contribution au
numérique pédagogique, sur les freins et leviers à son
développement, les attentes de ses publics cibles.
- Réalisation d’enquêtes relatives à la
perception des UNT par les établissements d’enseignement
supérieur : l’objectif était d’interroger lors
d’une quinzaine d’entretiens des représentants de la
gouvernance numérique d’établissements universitaires afin
de recueillir leur perception de l’impact des UNT au développement
du numérique dans leur établissement, ainsi que leur contribution
à la stratégie numérique de l’établissement.
Les établissements ont été sélectionnés de
manière à assurer une bonne représentativité en
terme de taille des établissements, implantation géographique,
disciplines enseignées, participation ou non aux UNT, ... Un
questionnaire a ensuite été réalisé et
diffusé auprès des populations suivantes : responsables de
service TICE, vice-présidents ou chargés de mission TICE,
vice-présidents CEVU, responsables de services de formation continue, de
services de formations à distance, responsables de services communs de
documentation, vice-présidents étudiants.
- Réalisation d’enquêtes relatives à la
perception des UNT par les enseignants et les étudiants (approche
qualitative) : l’objectif était de recueillir au cours de
focus groupes les avis des étudiants ou des enseignants. Une
sélection d’un panel varié d’enseignants par les
universités ou UNT a été effectuée, en se fondant
sur des critères comme la diversité des disciplines,
l’implication ou non dans la production ou l’utilisation des
contenus numériques et des contenus des autres,... De même, un
panel d’étudiants a été recruté avec des
critères comme le niveau d’études, la discipline
étudiée, une activité salariée ou non,...
- Réalisation d’enquêtes relatives à
l’utilisation des RPN et à l’usage des UNT par les
enseignants et les étudiants (approche quantitative) : deux
questionnaires online ont été mis en ligne et adressés
à tous les étudiants ou tous les enseignants, notamment via
l’ENT de leur établissement, mais aussi via tous les réseaux
disponibles (associations professionnelles, Universités Numériques
en Région (UNR), ...).
Les différents éléments recueillis au cours de ces
quatre étapes ont ensuite été mis en perspectives pour
déterminer les points de convergence ou divergence des différents
acteurs.
Les différents questionnaires ont été établis de
manière à connaître le profil des répondants, mais
aussi de leur établissement d’appartenance. Par exemple, le niveau
d’étude pour les étudiants, la section CNU pour les
enseignants ou la taille de l’établissement ont été
recueillis.
2.3. Population
L’étude a interrogé soit au cours d’entretiens
qualitatifs individuels ou en groupe, soit par des enquêtes en ligne, les
populations suivantes : gouvernance des UNT (1 entretien avec les
représentants de chaque UNT), gouvernance numérique des
établissements (15 entretiens et 154 répondants en ligne) en
respectant la diversité des profils des établissements
(pluridisciplinaires ou non, de petite ou de grande taille, adhérents aux
UNT ou non, ...), enseignants (4 focus groupes et 4 entretiens, 597
répondants en ligne), étudiants (4 focus groupes et 4447
répondants en ligne). Il est clair que les personnes qui ont
répondu aux questionnaires en ligne sont sensibilisées au
numérique de par le mode de diffusion choisi (ce qui constitue
d’une certaine manière un biais de l’étude). Le profil
numérique et disciplinaire de chaque répondant était
demandé, afin d’intégrer ces informations dans
l’exploitation des données. Il n’en est pas de même
pour les focus groupes, qui ont été mis en place avec la
volonté de ne pas privilégier les « addicts » et de
prendre en compte la diversité des profils.
3. Principaux Résultats
L’étude a permis de recueillir de
nombreuses données dont l’exploitation a été
précieuse. Les éléments fournis ci-dessous constituent un
résumé des résultats rendus par l’enquête.
3.1. Les ressources numériques pédagogiques
(établissements, UNT et autres)
Le premier aspect de l’étude concerne le développement du
numérique pédagogique en général dans les
établissements.
La perception des bénéfices des ressources pédagogiques
numériques (RPN) est très homogène quel que soit le public
(établissement, enseignants ou étudiants). Les 4 principaux
bénéfices indiqués par les répondants (cf. tableau
1) concernent l’apport des RPN aux cours en présentiel, le
développement de la FOAD et leur intérêt pour les
étudiants handicapés. En revanche, la lutte contre
l’échec universitaire n’arrive qu’en cinquième
position. Aucune différence notable en fonction du niveau
d’études des étudiants, du statut des enseignants ou de la
taille de l’établissement n’a été
constatée.
Les RPN ...
|
Établissement
|
Enseignants
|
Étudiants
|
... sont complémentaires au cours en présentiel
|
93
|
90
|
89
|
... favorisent le développement de la formation à distance
|
91
|
87
|
77
|
... favorisent l’accès à la formation pour les
étudiants handicapés
|
89
|
86
|
73
|
... permettent de mieux comprendre les cours lorsque utilisées en
présentiel
|
78
|
70
|
73
|
Tableau 1 • Bénéfices
perçus à l’utilisation des RPN (en % sur la population
totale des répondants d’accord avec l’assertion
proposée)
Le développement de la pédagogie numérique dans
l’enseignement supérieur nécessite la pleine collaboration
des établissements. Or, selon les données recueillies lors de
l’étude, il apparaît que le développement de la
pédagogie numérique au sein de leur établissement fait
l’objet d’une volonté politique forte pour 59% des
enseignants et 63% des établissements. Mais, derrière cette
affirmation se cache une réalité plus contrastée. Selon les
réponses reçues, en dehors du soutien des cellules TICE (effectif
dans 60% des établissements), les établissements mettent peu de
moyens en place pour inciter les enseignants à produire des ressources
numériques.
Il est également mis en avant une multiplication des types de contenus
numériques pédagogiques différents et plus ou moins
« contrôlés ». Selon les établissements
interrogés, cette diversité constatée des types de contenus
numériques est jugée dommageable : production
contrôlée de l’établissement, production
contrôlée ou non contrôlée des enseignants, production
non contrôlée d’étudiants, voire productions
d’étudiants reprises par les enseignants.... Il devient difficile
pour chacun de se repérer dans ce foisonnement de ressources disponibles
et la qualité des contenus accessibles est un véritable
problème pour l’étudiant. L’étude confirme que
la production totale des établissements n’est pas connue, tant elle
peut être variée et éventuellement le fait d’acteurs
isolés.
En effet, des productions locales technologiquement déjà
évoluées sont disponibles. Certaines productions locales sont
également capables de mobiliser une technologie pointue et revendiquent
une démarche qualité exigeante. Ce bénéfice
qualitatif fait d’autant plus débat que la sophistication des
ressources n’est pas nécessairement perçu comme pertinent en
toutes situations. Il ressort de toute manière que les étudiants
ne sont pas forcément demandeurs d’un niveau de technicité
élevé. Interrogés sur les types de ressources
pédagogiques numériques qu’ils préfèrent
utiliser, les étudiants citent avant tout les PDF en ligne et les
PowerPoint des cours.
Toutefois, les étudiants expriment un besoin de labellisation de ces
ressources : 75% des étudiants interrogés disent ne pas
savoir évaluer la qualité d’une RPN et 41% des
étudiants de premier cycle sondés considèrent le manuel
papier comme plus fiable. D’où l’importance d’un label
institutionnel crédible permettant de rassurer les étudiants sur
les RPN disponibles.
L’enseignant reste le référent principal pour le choix de
RPN (62% des étudiants répondants), les pairs sont
également écoutés (41%). La réputation d’un
site apparaît aussi comme un critère de choix (43%), avant le
référencement sur les moteurs de recherche (35%).
L’étude montre enfin l’existence de freins importants
à l’usage et, surtout, à la production de ressources
numériques pédagogiques en général. Les freins
à la production par les enseignants peuvent être de plusieurs
ordres : en premier lieu le temps et la non valorisation mais ils sont aussi
pédagogiques (difficulté à travailler en partenariat, peur
du regard des pairs...), ou stratégiques (propriété
intellectuelle, thésaurisation des cours dans un contexte
d’autonomie des établissements...).
3.2. Les contenus numériques des UNT
Le premier constat qui émerge est que les UNT sont méconnues
par les enseignants et par les étudiants, mais elles sont
identifiées par la gouvernance des établissements. Ainsi le taux
de notoriété des UNT décroît à mesure que
l’on pénètre dans les établissements. En effet, 89%
des répondants « établissements »
(c’est-à-dire appartenant à la gouvernance des
établissements) connaissent les UNT, alors que seulement 57% des
enseignants interrogés et 35% des répondants étudiants
déclarent les connaître. Il apparaît que les
établissements puis les enseignants ne jouent pas suffisamment leur
rôle de relais d’information sur les UNT dont ils sont
adhérents.
Mais connaître n’est pas utiliser. La moitié des
enseignants et les deux tiers des étudiants qui disent connaître
les UNT les utilisent. Ainsi, un enseignant sur trois sondés et un
étudiant sur quatre sondés déclarent avoir
déjà utilisé une ressource d’une UNT. Un enseignant
sur six sondés a déjà participé à la
production d’une ressource d’une UNT. Nous pouvons ainsi constater
que les enseignants qui utilisent les RPN ne sont pas seulement les auteurs.
Pour compléter l’étude sur la notoriété des
UNT, des questions ont porté sur le mode d’incitation des
enseignants à utiliser les UNT. Pour 41% des
« établissements », c’est par
l’information institutionnelle, pour 39% par de l’accompagnement ou
des formations techniques. La perception des enseignants est autre : seuls 34%
des répondants se disent institutionnellement informés, et 19 %
par l’accompagnement ou la formation. Enfin, plus de la moitié des
enseignants n’identifient pas de moyens particuliers pour les inciter
à utiliser les UNT. Enfin, selon 45% des étudiants, rien de
particulier n’est mis en place pour les informer sur les UNT et promouvoir
les usages.
Force est de constater que lorsque les UNT sont connues, chacun
s’accorde à leur trouver des atouts. Ainsi, 88% des
« établissements », 71% des enseignants qui
connaissent les UNT et 70% des étudiants connaisseurs des UNT
considèrent qu’elles contribuent au développement du
numérique dans l’enseignement supérieur. Les RPN des UNT
apportent un « plus » par rapport aux autres ressources
existantes (pour 88% des « établissements », 67% des
enseignants connaisseurs des UNT et 69 % des étudiants connaisseurs des
UNT). Les UNT proposent des contenus pédagogiques de qualité (pour
73% des « établissements », 60% des enseignants connaisseurs
des UNT et 66 % des étudiants connaisseurs des UNT). En revanche, les RPN
des UNT peinent à convaincre sur leur niveau d’adaptation aux
besoins des enseignants (adaptation reconnue pour 46% des enseignants) et sur
leur valeur-ajoutée par rapport aux productions des établissements
(valeur-ajoutée reconnue par 48 % des « établissements
»).
Enseignants (68%), étudiants (57%) et
« établissements » (62%) sont d’accord pour
considérer que l’offre des UNT doit cibler les deux publics,
enseignants et étudiants.
Si comme il a déjà pu être dit
précédemment, les étudiants sont demandeurs de RPN de
format basique (pdf par exemple), 76% demandent des quizz, des études de
cas, des simulateurs, des annales. L’étude montre une demande pour
tous les outils qui permettent l’entraînement, le positionnement et
l’auto-évaluation. Le besoin exprimé par les enseignants et
les étudiants (95%) concerne le niveau Licence. Mais il est à
remarquer que l’absence de connexion claire des RPN des UNT avec des
parcours de formation constitue un point bloquant au développement de
leurs usages.
Les enseignants (52% des répondants « connaisseurs des UNT
») souhaitent que soit développée la promotion des usages
pédagogiques possibles des RPN des UNT. Ils sont demandeurs d’une
diffusion de scénarios pédagogiques, d’exemples
d’utilisation et de préconisations d’usage.
Les établissements sont plus critiques d’une manière
générale que les enseignants sur les difficultés
organisationnelles à travailler avec les UNT. Ils jugent les processus
complexes et en tant que responsables des développements dans le cadre
des appels à projets, ils sont directement confrontés au manque
d’harmonisation entre les sept UNT.
3.3. Conclusion
En conclusion, quelques constats émergent :
- Les UNT restent assez peu connues des étudiants (seulement
35% des étudiants interrogés connaissent les UNT, 23% ont
déjà utilisé une ressource). Toutefois,
l’intérêt des étudiants pour des RPN labellisés
est indéniable.
- La qualité des ressources produites ou recensées est
reconnue. Mais la valeur ajoutée du dispositif suscite des
interrogations.
- L’ensemble constitue un ensemble libre de droits unique au
plan international mais il est insuffisamment valorisé de ce point de
vue.
- Les ressources des UNT ont du mal à émerger du
foisonnement de contenus numériques disponibles en ligne. Les ressources
des UNT sont considérées « parmi d’autres », dans
le paysage global des RPN. En outre, elles ne sont pas perçues comme plus
ambitieuses que les productions locales, que ce soit sur le plan technique ou
pédagogique.
- La production de ressources pour les UNT représente un
investissement important pour les établissements comme pour les
enseignants. L’investissement est perçu comme moins rentable que la
recherche par les enseignants et nécessitant un soutien technique des
établissements.
- Une culture enseignante traditionnellement réticente
à la réutilisation de cours faits par d’autres, une culture
étudiante valorisant les ressources fournies par l’enseignant,
constituent des freins au modèle des UNT.
- Les ressources proposées sont parfois
considérées par les enseignants comme ne permettant pas assez la
réappropriation et par les enseignants et les étudiants comme
insuffisamment connectées à une formation diplômante
précise.
- Parmi les répondants qui connaissent les UNT, 76% des
enseignants et 47% des étudiants sondés souhaitent des quizz,
simulateurs, études de cas, banques d’exercices, exercices
d’auto-évaluation. 95% des enseignants indiquent dans leurs deux
premiers choix les modules de licence.
L’étude montre que pour avoir un impact sur les
étudiants, les UNT doivent leur offrir des ressources utiles
(c’est-à-dire préconisées par leurs enseignants ou
à défaut clairement labellisées, avec un lien le plus
explicite possible avec leur cursus, d’un format qui n’est pas
nécessairement sophistiqué, et qui soient des exercices
d’auto-évaluation ou de mise en pratique, des simulations, des
études de cas), faciles à trouver et prioritairement de niveau
Licence.
Pour avoir un impact sur les enseignants, les UNT doivent proposer des RPN
facilement utilisables d’un point de vue technique, pédagogique et
juridique (notamment des grains fins ou des banques d’exercices, des
simulateurs), faciles à trouver, plutôt du niveau Licence. Les
enseignants expriment aussi leur intérêt pour une valorisation des
productions, y compris au niveau international.
Pour avoir un impact sur les établissements, les UNT doivent offrir
des RPN utilisées (à la fois par les étudiants et les
enseignants), démontrer une valeur-ajoutée et œuvrer pour la
simplicité et la cohérence du dispositif global.
Sur cette base, les UNT entendent ainsi relever trois défis principaux
: renforcer l’adaptation des UNT aux pratiques et aux besoins des usagers
(augmentation de l’accessibilité des RPN notamment via un portail
fédérateur et une indexation explicite des destinataires
visés, notamment avec un lien vers les cursus de formation),
réaffirmer le statut de référence universitaire des UNT par
une valorisation du label UNT, renforcer l’harmonisation entre les
différentes UNT pour faciliter le lien avec le établissements.
Remerciements : Ce travail n’aurait pu se faire sans le soutien
d’Alain Coulon, Professeur en sciences de l’éducation et
responsable du service de la stratégie de l’enseignement
supérieur et de l’insertion professionnelle au MESR qui a notamment
financé cette étude. L’auteur tient à remercier Clara
Danon, responsable de la MINES, pour sa collaboration efficace et ses conseils
précieux. La société Occurrence a mené cette
étude en réalisant les interviews et les sondages et cette
étude n’aurait pu se faire sans les répondants qui ont
donné de leur temps, ni les établissements qui ont permis
l’organisation des focus groupes et la diffusion des enquêtes.
3.4. Sitographie
Canal-U www.canal-u.tv
OCCURENCE http://www.occurrence.fr
Université Virtuelle en
Environnement et Développement Durable (UVED),
http://www.uved.fr
Université Numérique
Francophone des Sciences de la Santé et du Sport (UNF3S)
http://www.unf3s.org
Université Numérique
Ingénierie et Technologie (UNIT) : http://www.unit.eu
Université Numérique
Juridique Francophone (UNJF) : http://www.unjf.org
Université Ouverte des
Humanités (UOH) : http://www.uoh.fr
Association Universitaire
Numérique en Économie et GEstion (AUNEGE,
http://www.aunege.org
UNIversité des SCIences En
Ligne (UNISCIEL) : http://www.unisciel.fr
Portail fédérateur
des UNT : http://www.universites-numeriques.fr
A
propos de l'auteur
Anne BOYER est professeur en informatique à
l’Université de Lorraine. Elle est responsable scientifique de
l’équipe de recherche KIWI du laboratoire en informatique LORIA
(http://kiwi.loria.fr). Elle est également depuis décembre 2009
chargée de mission au ministère de l’Enseignement
supérieur et de la Recherche (MESR), à la mission numérique
pour l’enseignement supérieur (MINES) au sein de la DGESIP. Elle a
en charge notamment les questions liées aux ressources
pédagogiques numériques. Dans ce contexte, elle assure le pilotage
des UNT.
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