Technologies de l’information et de la communication
et indigènes numériques : quelle situation ?
Georges-Louis BARON*, Éric BRUILLARD
**
*EDA,
Université Paris-Descartes, ** STEF, ENS Cachan et
INRP
RÉSUMÉ : Les
jeunes utilisent beaucoup les technologies de l’information et de la
communication dans leur vie quotidienne. Mais dans quelle mesure et comment
acquièrent-ils les compétences techniques et les savoirs
généraux nécessaires à un usage raisonné de
celles-ci ? Cet article, qui reprend des éléments d’un
rapport effectué pour le CERI-OCDE en 2008 sur les apprenants du nouveau
millénaire (new millenium learners), présente un état de la
question et discute certaines des conséquences pour les EIAH. Ses
principales conclusions sont que si les équipements sont maintenant
devenus banals, on attribue aux enfants et aux adolescents, cibles
privilégiées pour le marketing, beaucoup plus de
compétences que la majorité d’entre eux n’en
possède. Par ailleurs, il est bien attesté par les études
menées à ce jour que les usages de ces technologies en classe et
plus largement en formation, malgré une infrastructure bien
développée, restent faibles et qu’il existe un hiatus
important entre les pratiques scolaires et celles qui se développement
dans la sphère privée. Cet état de fait invite à une
réflexion nouvelle sur le développement d’environnements et
de ressources à usage éducatif.
MOTS CLÉS : enfants,
adolescents, informatique, école
ABSTRACT : Youngsters,
sometimes considered as « digital natives », are heavy and
seemingly talented ICT users. But to what extent and how do they acquire the
technical competencies and general knowledge necessary to use it sensibly and
efficiently? This paper, which draws on a report made for the CERI OECD about
« new millennium learners », aims at presenting a
meta-analysis of this question. Its main conclusions are that if the technical
infrastructure is now commonplace, youngsters, who also are targets for
marketing enterprises, are not so ICT competent as many observers pretend.
Furthermore, if ICT infrastructure is in France rather well developed, classroom
uses remain scarce and there is an important divide between school activities
and what happens in the private sphere. This phenomenon invites to a new
reflection about the design and dissemination of ICT resources and environments
for education.
KEYWORDS : digital
natives, ICT, education
1. Contexte général
1.1. Une situation nouvelle
Par rapport à il y a
une quinzaine d’années, l’univers quotidien des jeunes
s’est empli de dispositifs et d’instruments informatisés
pouvant être utilisés dans l’apprentissage, qu’il soit
formel ou informel. Certains d’entre eux sont déjà plus ou
moins acclimatés à l’école (traitements de textes ou
tableurs par exemple, bien que, quand on y regarde de plus près, la
situation soit problématique). D’autres en revanche ne sont pas
considérés très favorablement en milieu scolaire (jeux
divers, systèmes de communication tels que blogs, forums, messagerie
instantanée...).
Un ensemble de questions liées aux modes d’appropriation de ces
outils par les jeunes, à leurs compétences et aux défis que
le système scolaire doit relever se pose alors. Suffirait-il de laisser
faire des dynamiques d’appropriation spontanée par des individus
supposés dotés de capacités suffisantes
d’auto-apprentissage ? Quelles responsabilités nouvelles
incombent à l’école ? Quels enjeux didactiques peuvent
être identifiés ?
Ces questions, qui ont donné lieu à des recherches depuis le
début des années 2000 (André et al., 2004 ; Pochon
et al., 2006 ; Baron et al., 2009), ont une importance pratique
pour le domaine des EIAH : la conception d’environnements
d’apprentissage doit en effet prendre en compte non seulement les
compétences des usagers, mais aussi les contextes dans lesquels ils se
trouvent.
Nous allons dans ce texte présenter une synthèse sur ces
questions en nous appuyant sur une analyse de que nous avons récemment
menée pour le CERI-OCDE sur les apprenants du nouveau millénaire
(Pedró,
2006).
1.2. Des changements radicaux ?
L’idée que les nouvelles générations ont un
rapport neuf aux technologies se trouve dans la littérature dès le
début des années 2000. Prensky (2001, 2001b) a
probablement été le premier à affirmer qu’il y avait
une discontinuité générationnelle : les
élèves d’aujourd’hui ne seraient pas du tout ceux des
générations précédentes, ils auraient des styles
cognitifs et des modes d’apprentissage différents de ceux
qu’on pouvait observer précédemment. Ceci aurait des
conséquences potentiellement dramatiques pour les systèmes
éducatifs.
L’argument repose sur une idée assez simple. Les anciens
seraient des immigrants dans un monde devenu
« numérique » (digital immigrants). Les jeunes
y sont nés (digital natives). Ils auraient donc toutes les
facilités des indigènes pour évoluer dans leur univers.
À y bien réfléchir, cette analogie pose néanmoins
problème : la culture numérique (à supposer
qu’elle existe) est-elle un pays où des immigrants viendraient
s’installer ? On peut au contraire soutenir que chacun de nous vit
dans un monde en évolution rapide auquel certains parviennent très
bien à s’adapter, pourvu qu’ils aient
bénéficié d’une éducation leur permettant de
comprendre ce qui est en jeu en termes de conceptualisations et
d’interpréter les changements.
Cependant, cette métaphore a connu du succès dans le public,
sans doute parce qu’elle retient facilement l’attention. Le point de
vue, cependant, est loin d’être unanimement partagé. Bennett
et al. (2008)
ont récemment publié dans le British journal of Education
Technology une revue de littérature tendant à montrer le
contraire :
« Nous pouvons vivre dans un monde hautement
technologisé, mais il est concevable qu’il l’est devenu
progressivement, plutôt que par révolution. Les jeunes peuvent
faire les choses différemment, mais il n’y a pas de raison pour les
considérer étrangers à nous. L’éducation peut
être au défi de changer, mais il n’est pas clair
qu’elle est rejetée » (p. 783).
Dans un premier temps, nous allons présenter une analyse rapide des
approches des études et recherches récentes. Puis nous exposerons
leurs principaux résultats sur les usages des TIC dans la famille et avec
les pairs. Ensuite, nous considérerons les questions
d’éducation et de compétences et nous interrogerons sur ce
que l’on sait des pratiques se déroulant en cadre scolaire et leurs
impacts en termes d’apprentissage. Nous terminerons en en tirant les
conséquences pour la recherche dans le domaine de l’EIAH, en
suggérant qu’un ensemble de nouvelles problématisations sont
désormais nécessaires.
2. Sources de données sur les jeunes et les TIC
Précisons tout d’abord que nous
désignons par « jeunes » les enfants et les
adolescents. Cette catégorie est bien entendu loin d’être
homogène, mais tous ses membres ont en commun de ne pas être encore
indépendants de leur famille et sont, dans leur ensemble, encore en phase
d’étude ou d’apprentissage.
2.1. Que recouvre l’acronyme TIC ?
Il en va du sigle TIC comme de tous les acronymes qui ont eu du
succès. À force d’avoir été utilisé, il
a acquis une sorte d’évidence trompeuse. Bien entendu, il
désigne un domaine qui est relativement en rupture par rapport aux zones
ordinaires de l’expérience quotidienne. Mais que contient-il en
fait ? On y repère, en première approximation, deux champs
sémantiques différents.
Le premier est composé d’objets techniques comme des
ordinateurs, lecteurs MP3, téléphones cellulaires, consoles de
jeux et, plus précisément, de services et d’applications (un
très large spectre de logiciels allant du shoot them up à
la plate-forme de formation en passant par le traitement de textes et le
tableur).
Le second champ est relatif au type d’activité dans lequel les
objets précédents sont utilisés et on y relève deux
grands attracteurs :
- Des activités non directement prescrites par un adulte,
qu’elles soient liées au loisir ou au travail, qu’elles aient
un caractère relativement informel ou obéissent à des
normes strictes (par exemple celle d’une communauté de jeu).
- Des activités où l’usage de logiciel a
été prescrit par des enseignants, parfois des parents.
La distinction qui précède, classique, devrait encore
être affinée quand on considère ce qui est utilisé en
classe : l’usage de logiciels instrumentant des activités
disciplinaires (un outil de calcul formel par exemple) n’est pas
régulé de la même manière que celui de
systèmes de révision ou d’entraînement.
Nous allons maintenant brièvement analyser la question des
méthodologies mises en jeu.
2.2. Méthodologies des recherches et études
Les revues scientifiques, comme les journaux destinés au grand public
(qui reprennent parfois les résultats des premières), publient
régulièrement des études sur les usages que les jeunes font
des technologies. On peut y distinguer, en contexte francophone, trois types de
travaux.
- Certains, du genre survey, généralement
fondés sur une campagne unique de recueil d’informations par
questionnaire, étudient un point particulier (l’équipement,
la fréquence des utilisations...) à un moment donné. Ils
produisent des indicateurs statistiques et permettent d’étudier des
attractions entre différents types de modalités. Ces
études peuvent en principe être répliquées, mais
elles butent sur une difficulté : les dispositifs techniques en jeu
évoluent très vite et il est fréquent que les
fonctionnalités des nouveaux dispositifs innovent sensiblement par
rapport à la génération précédente.
- D’autres, menés au carrefour de plusieurs
disciplines, s’intéressent aux usages avec des méthodes de
type ethnographique ou des mélanges de méthodes diverses.
- D’autres, enfin, moins nombreux que dans le contexte
anglo-saxon, reposent sur des paradigmes expérimentaux visant à
comparer plusieurs types d’intervention éducative.
2.2.1. À propos d’études quantitatives
Les premières questions à se poser à propos
d’études quantitatives sont celles du commanditaire, du
maître d’œuvre et de la méthodologie. Les
autorités européennes, qui ont promu l’idée de
benchmarking sont une source utile de données. Typiquement, comme
dans les études Empirica (2006,
2007),
la communauté européenne contracte avec une entreprise de
sondages, qui mène une étude par questionnaire, parfois par
téléphone. D’autres études sont menées par des
autorités nationales ou régionales sur le territoire sur lequel
elles ont une responsabilité, en contrat avec des laboratoires de
recherche ou des sociétés de sondage, afin d’obtenir des
réponses aux questions qu’elles se posent. On trouve
également des études menées par des associations et par des
sociétés privées, en particulier dans le domaine du
marketing, très important dans le champ des technologies pour les jeunes.
Les résultats publiés sont très nombreux, encore
qu’ils ne donnent souvent que des indications extrêmement vagues et
parfois de peu d’intérêt (par exemple, une étude
tentant de mettre en relation une performance scolaire avec une variable unique,
par exemple la présence d’un ordinateur au domicile sans
considérer d’autres variables comme le milieu social).
Dans les cinq dernières années, beaucoup d’études
se sont consacrées aux modes d’intégration des TIC dans les
écoles, les classes, la pratique des enseignants... Ce sont ces derniers
qui ont certainement fait l’objet de plus de recherches, sans doute parce
qu’ils jouent un rôle fondamental pour définir et organiser
les activités des élèves. De manière logique, ce
sont surtout les innovateurs, ou les ICT teachers, les enseignants, ayant
une charge d’enseignement dans le domaine, qui sont
sur-représentés dans ces études. Les résultats
souffrent alors vraisemblablement d’un biais systématique : ce
sont les plus intéressés qui répondent...
De surcroît, il n’est pas exclu, lorsque les enquêtes sont
menées pour le compte d’une institution ayant une position en
surplomb par rapport aux interrogés (et que la dimension
évaluative ne peut être totalement exclue), que les réponses
tendent à se conformer aux attentes des commanditaires.
Une autre remarque s’impose quand on fait le point des études
menées sur les jeunes et les technologies : c’est la part
maintenant considérable prise par celles qui ont des
préoccupations de marketing. En effet, il a bien été
établi qu’on a affaire à des consommateurs potentiels, ayant
une influence sur leurs parents en ce qui concerne les usages d’internet.
Une étude assez récente (EIAA
2008) suggère par exemple que la moitié des parents
d’enfants dans la catégorie 16-18 ans utilisent la messagerie
instantanée. À titre de comparaison, c’est le cas de
37 % des répondants parents d’enfants âgés de 4
ans ou moins.
Le groupe d’études de marché TNS a une division
spécialisée dans la « veille media » (TNS
media intelligence). Cette société a notamment lancé
une « base de données comportementale sur les
juniors » nommée CONSOJUNIOR,
qui vise à « étudier les pratiques et
préférences des jeunes » et s’intéresse
à la classe d’âge de 2 à 19 ans, faisant fonctionner
un questionnaire soumis à un échantillon assez important
(7 000). Le premier des objectifs présentés sur le site est
de connaître « une cible de clientèle, recruter,
fidéliser, lancer un nouveau produit ». Dans ce cadre, une
étude appelée Ado techno sapiens a été
lancée en 2008 auprès de 2000 répondants âgés
de 8 à 19 ans. Ses résultats détaillés,
évidemment, sont payants et seuls quelques indicateurs
généraux ont été donnés : par exemple,
en 2008,
16 % des répondants jouaient à des jeux persistants,
38 % avaient des conversations sur les forums, 38 % entretenaient un
blog et 25 % étaient membre d’une communauté en ligne
ou participaient à un monde virtuel.
L’étude partage les 11-15 ans en cinq groupes : les
branchés (tech-in-touch, 16 %), les faibles utilisateurs
(techno-lite, 16 %), les ados techno sapiens (24 %), les
gros joueurs (hard-core gamers, 15 %), les techno starters
(29 %).
On peut également, au niveau international, citer une étude
commanditée par la société Symantec, éditeur
d’un célèbre antivirus, et réalisée par
l’institut de sondage Harris. L’échantillon
était composé de deux sous-ensembles : des personnes de plus
de 18 ans (n=6 427), dont 1 297 parents ayant des enfants de 8
à 17 ans et des jeunes de 8 à 17 ans passant au moins une heure
par mois en ligne (n=2 614). Douze pays ont été
concernés, dont le Brésil, la Chine et l’Inde. Des
entretiens ont eu lieu en novembre et décembre 2008. Les résultats
confirment le développement des usages de la communication en
réseau, les préoccupations des parents pour la
sécurité (et le fait qu’une majorité d’entre
eux ne prennent pas des précautions élémentaires comme la
sauvegarde des données ou le choix de mots clés
sécurisés) et le décalage entre parents et enfants.
2.2.2. Autres types d’études
La littérature sur les usages des technologies comprend
également des études longitudinales, visant à mieux
comprendre ce qui se développe et se stabilise. On peut citer comme
exemples celles conduites en France et en Pologne par des sociologues. Smoreda
et al (2007), expliquent comment un panel de plus de mille foyers
français (ENTRELACS) a été étudié pendant une
période de 18 mois. Des questionnaires et des entretiens ont
été utilisés pour les personnes de 11 ans et plus. Par
ailleurs, des sondes ont été installées sur les
ordinateurs, afin de suivre le trafic internet ; l’opérateur
téléphonique a également enregistré le trafic avec
les téléphones portables. Beauvisage (2007) explique que cette
méthode, qui est difficile à mettre en œuvre et qui pose des
questions assez particulières liées à la privacy,
permet en revanche de combiner la représentativité et un grain
d’analyse très fin.
Ce type d’approche est en particulier intéressant pour aller
au-delà des déclarations. Martin (2007), utilisant les
données de ce panel, donne par exemple des résultats relativement
aux usages des 12-22 ans, montrant l’existence d’un
fléchissement des usages à partir de 18 ans.
Enfin, les études de type ethnographique ont pour intérêt
d’aller encore plus loin dans l’analyse des pratiques et de rendre
visibles des processus, de révéler des obstacles ou des facteurs
favorisant les usages.
Nous allons relater les principaux résultats issus de ces
différents types d’étude. Nous présenterons
d’abord rapidement les principales variables en jeu dans l’existence
de différentiations entre sous-populations, puis nous approfondirons un
point maintenant très présent, celui des risques des TIC pour la
jeunesse.
3. Les TIC dans les familles et chez les jeunes
De manière logique, il existe des relations
fortes entre les jeunes et leurs familles. Selon l’étude EU Kids
Online, si les moins de 18 ans utilisent davantage internet que les adultes,
les moins de 12 ans l’utilisent moins que les parents en particulier. En
outre, plus les parents l’utilisent, plus les jeunes tendent à
l’utiliser (Hasebrink
et al., 2008 ; p. 116).
3.1. Quelques variables génératrices de contrastes
Il est inutile d’insister sur le fait que maintenant l’ordinateur
s’est banalisé et que l’augmentation notable des taux
d’accès à internet haut débit modifie sensiblement
les types d’usage qui peuvent en être faits. Un rapport
récent de l’OCDE (2008)
note que le recours à l’internet ne semble pas avoir
détourné les utilisateurs d’autres activités avec les
médias traditionnels. En même temps, les taux d’accès
et les types d’usage connaissent des différences
considérables, souvent repérés par l’expression
passe-partout fracture numérique.
Ces différences peuvent être mises en relation avec un ensemble
de variables : l’âge, l’éducation, le milieu
social, le sexe. Ne considérant ici que des personnes souvent en cours
de scolarisation, nous allons aborder les deux dernières.
Concernant le milieu social, le rapport
OCDE précédemment cité remarque :
« Les différences de pénétration du PC et
de l’Internet selon le niveau de revenus sont en train de s’aplanir
dans tous les pays de l’OCDE pour lesquels des données sont
disponibles, et ce phénomène s’accélère,
notamment en Suède (Figure 30). Par ailleurs, (...) on constate non
seulement un écart important entre les catégories
inférieure et supérieure (exprimé par le taux de
pénétration, en pourcentage), mais dans la plupart des pays
– sauf la Suède et la Finlande – ce fossé s’est
accru malgré des coefficients de Gini (mesure de la dispersion) à
la baisse, ce qui laisse entendre que ces mesures partielles doivent être
utilisées prudemment » (p. 35).
Le sexe (ou sans doute plutôt le genre, en tant que rapport
social entre les sexes) est une autre variable intervenant dans
l’accès aux ordinateurs et à internet et, surtout sans
doute, dans les usages qui en sont faits. Beaucoup d’études ont
été menées sur ce sujet. Par exemple, en 2003, Josiane
Jouet a publié une synthèse remarquable sur la question. Pour
elle, les différences dans les usages sont
multi-déterminées et il existe de très grandes
différences entre femmes en fonction de leur milieu social, de leur
niveau d’éducation et de leur âge (p. 68). Elle estime
que de nouvelles possibilités sont ouvertes par les technologies de
communication, qui tendent à mettre en question les marqueurs sociaux
traditionnels de la communication face à face (p. 76). Les
technologies, en somme, pourraient favoriser une évolution des
stéréotypes traditionnels.
Depuis 2003, une série d’autres travaux ont été
publiés. Par exemple, en 2006, Sylvie
Octobre, qui a mené une étude auprès de 3 300
jeunes âgés de 6 à 14 ans, insiste sur l’importance
cruciale des « agents de socialisation » (les parents, les
enseignants, le groupe de pairs). Céline Metton, toujours en 2006,
travaillant sur les activités d’élèves de
collèges dans leur établissement, chez eux et en centres de
vacances, retrouve les stéréotypes classiques (une sphère
technique plutôt masculine et une sphère de communication
plutôt féminine), mais explique que les différences sont
soumises à un processus de fabrication qui trouve son origine dans la
famille. Depuis, l’intérêt pour la question du genre et des
technologies n’a pas faibli et de nombreuses recherches sont en cours au
niveau européen.
3.2. Craintes et risques
Piette et al. (2001)
notaient qu’en 1999 l’utilisation d’internet
s’intégrait dans les activités quotidiennes et que les
parents ne s’inquiétaient pas beaucoup de la fréquence
d’utilisation. Mais, dès l’année 2000, un rapport
important publié par l’Alliance for Childhood (Cordes
et Miller, 2000), suivi d’un autre en 2004, attirait l’attention
sur les risques encourus par les enfants. En France, une conférence sur
la protection de l’enfance et l’utilisation d’internet,
organisée par le ministère des Solidarités, de la
Santé et de la Famille a conclu à la nécessité
d’alerter le public (parents et enfants), de mieux sécuriser la
navigation de l’enfant sur le net et de pérenniser la protection de
l’enfant sur ce média (Thoraval
et al., 2005). Une forme d’inquiétude est donc apparue,
attirant une partie de l’attention des politiques et des associations.
Internet étant désormais devenu incontournable, ce sont moins ses
potentialités que les risques qui lui sont associés qui arrivent
au-devant de la scène.
Une étude financée par la commission européenne,
conduite par OPTEM (2007)
a été effectuée avec des entretiens collectifs
auprès d’enfants âgés de 9-10 ans et 12-14 ans. Elle
montre que les élèves semblent familiarisés à
l’utilisation des ordinateurs et que « tous sont plus ou moins
soumis à des règles explicites ou implicites (autodiscipline) qui
limitent le temps et le moment de connexion, la nature des sites visités
et le comportement en ligne ; ils en admettent généralement
le bien fondé en se déclarant conscient de risque, bien que
certains reconnaissent spontanément transgresser parfois ces
limites » (p. 5). Martin (2007) confirme le rôle
joué par les parents envers les enfants et également
l’importance du milieu social.
Le projet européen EU Kids Online a étudié cette
question et a produit un état de l’art des recherches empiriques
réalisées en Europe sur ce sujet. Le premier rapport (Staksrud
et al., 2007) remarque que les études conclusives se
développent rapidement mais couvrent inégalement le champ. En
particulier, il n’y a pas grand-chose concernant les enfants de moins de
12 ans. Une analyse comparative de 20 pays européens (Hasebrink
et al., 2008) donne une image des utilisations d’internet et dresse un
panorama des principaux risques : donner des informations personnelles (1
adolescent en ligne sur 2) ; être confronté à des
images pornographiques (4 sur 10), à des contenus violents ou haineux (1
sur 3)...
Différentes associations familiales françaises ont
diligenté des séries d’études, confirmant le fait que
les enfants n’utilisent pas une technologie unique, mais un ensemble
d’outils. Par exemple, l’UDAF (2005)
a étudié l’utilisation des différentes technologies
par des enfants avec un questionnaire rempli par 209 foyers (395 adultes et 514
enfants âgés de 10 à 16 ans). Si 3 adolescents sur 10 disent
avoir été confrontés à des images violentes ou
choquantes, seulement 55 % d’entre eux disent l’avoir
raconté à leurs parents. L’importance des jeux est
soulignée et les enfants ne semblent pas bien savoir vraiment combien de
temps ils passent à jouer.
Concernant les enfants jeunes, un rapport du CRIOC (2006) tire en quelque
sorte la sonnette d’alarme, montrant que de nombreuses marques
n’hésitent pas aujourd’hui à proposer des contenus aux
mineurs utilisant des outils de conditionnement à la publicité,
sans que ceux-ci disposent d’un regard critique suffisant pour
réagir :
« Ce n’est donc pas par hasard si la
vulnérabilité des jeunes conduit les marques à proposer des
techniques commerciales ou de marketing qui les manipulent comme le marketing
viral ou tribal, le buzzmarketing. A travers la visite de site, les jeunes
« apprennent » que la marque est son amie. Ensuite, celle-ci
va tenter de leur prouver qu’elle rencontre ses besoins. »
(page 27).
Un autre thème très discuté est celui des risques face
aux jeux, qu’il est impossible d’aborder ici à cause de
l’abondance des contributions. De fait, il est bien avéré
que certains joueurs excessifs deviennent « cyber
dépendants » : ils se concentrent sur les jeux,
vis-à-vis desquels ils développent ce qui est perçu comme
une addiction. Certains (par exemple Nachez et Schmoll, 2003), en se fondant sur
une recherche clinique, ont cependant remarqué que les jeux peuvent avoir
un effet positif quand ils offrent la possibilité de se défouler,
d’exprimer une forme de toute-puissance et, même, de communiquer.
Un rapport récent du sénateur Assouline (2008) a attiré
l’attention à la fois sur les risques impliqués par
l’extension des nouveaux médias et défendu
l’idée d’éduquer les enfants du nouveau
millénaire.
« Alors que les jeunes jouissent d’une réelle
liberté grâce à leur maîtrise des nouvelles
technologies, l’absence frappante de la famille et de l’école
les laisse abandonnés, sans repères, dans un monde
multimédiatique omniprésent. » (page 11)
Une série de mesures sont proposées, notamment
l’interdiction pour les mineurs d’utiliser des webcams dans
leurs activités de chat sans autorisation des parents,
l’encouragement de l’utilisation de logiciels de contrôle
parental et la création d’un module de 10 heures annuelles
d’éducation aux médias en quatrième et en seconde. En
arrière-fond, donc, se pose clairement et de manière
récurrente la question du rôle du système éducatif et
des savoirs et compétences en jeu.
4. Jeunes, TIC et éducation ; questions de
compétences
Les indicateurs généraux que nous
venons d’évoquer donnent une image globale, mais n’indiquent
pas de manière précise les activités en jeu, encore moins
les compétences qu’il est nécessaire d’acquérir
et de mettre en œuvre.
4.1. Questions de compétences
Dans quelle mesure les technologies semblent-elles si
« naturelles » aux jeunes ? La question mérite
d’être posée. Certes, il y a eu banalisation rapide de ces
outils. Mais il est prudent de se méfier des impressions de
familiarité. En 2002, Giannoula et Baron, à partir d’une
étude de type ethnographique menée en classe et au domicile
auprès d’élèves de l’école primaire
avaient suggéré que si les savoir-faire acquis à la maison
étaient réels, en revanche, en l’absence
d’enseignement, la conceptualisation était souvent
limitée.
« La maîtrise qu’ils font valoir est avant tout une
familiarité avec certains logiciels, à côté de
laquelle, il y a une ignorance complète du matériel et des
processus de traitement de l’information. À l’égard
même des logiciels, ce qui retient leur attention ce sont les
procédures de mise en œuvre et d’exécution de
tâches plutôt que les fonctions sollicitées. Ce qui fait,
qu’en cas de problème, la seule issue est la
répétition à l’identique de la procédure ou
l’abandon au profit d’un autre logiciel ».
Ces résultats sont confirmés par l’étude Mediappro
(2006) qui a
porté sur une comparaison de la situation dans neuf pays européens
et au Québec :
« On note partout clairement que les jeunes ne peuvent pas
acquérir les savoir-faire nécessaires dans de bonnes conditions
(...) En outre, il est évident dans tous les pays qu’ils
surestiment leur propre capacité à évaluer. Ce sont des
types de connaissances et de compétences critiques que seule
l’école peut transmettre. Alors que la littérature
académique discute beaucoup du potentiel créatif des nouveaux
médias, on constate ici que le travail créatif est limité,
et qu’une minorité de jeunes développent des sites
personnels ou des blogs. De plus, ces objets peuvent facilement être
laissés en sommeil. À nouveau, il y aurait un rôle
évident à jouer pour les écoles dans le
développement de ces aptitudes plus délicates à
acquérir » (p. 27).
Cédric Fluckiger (2008), à partir d’un travail
ethnographique dans la banlieue parisienne, a étudié
l’appropriation des TIC par les adolescents au niveau du collège.
Il confirme le faible niveau de conceptualisation et la pauvreté du
vocabulaire de nombre d’adolescents. S’ils utilisent beaucoup les
ordinateurs et internet, ils ont un spectre d’utilisations limité
et peu de maîtrise.
Peu d’études internationales ont été menées
afin d’évaluer les compétences en TIC : PISA (Lennon et al., 2003),
Eurostat (Demunter,
2006), ECAR (Kvavik et
al., 2004). Différents indicateurs ont été
identifiés, parmi lesquels la capacité à utiliser des
progiciels. S’il convient de rester prudent, dans la mesure où les
résultats sont fondés sur des déclarations qui ont un
caractère fragile, un certain nombre de faits peuvent cependant
être considérés comme établis. En se fondant sur
l’étude PISA 2003, Eurydice (2005)
a montré que moins de la moitié des élèves disent
être familiers avec des activités comme l’utilisation
d’un tableur pour afficher un graphe. Le tableur, en particulier est un
exemple intéressant d’outil relativement technique, demandant des
représentations claires des données en tableau et des traitements
qu’on peut leur appliquer. Dans une étude menée pour
Educause (Kvavik et
al., 2004), les répondants ont déclaré qu’ils
passaient deux heures par semaine en moyenne à utiliser les tableurs.
Mais ils considéraient avoir un niveau de compétence plus bas en
tableur qu’en traitement de textes. Ce fait est confirmé par une
étude australienne sur des étudiants d’université (Lim, 2004). En
France, le projet DidaTab (2005-2007, voir Bruillard et al., 2008)
confirme le manque de compétence général face au tableur.
De fait, si l’évaluation des compétences est reconnue
partout dans le monde, et si différentes certifications existent (en
particulier l’ECDL et le Brevet informatique et Internet –
B2i en France), il est possible de se demander si ces certifications testent
réellement des compétences ou bien si elles vérifient
simplement que certaines tâches canoniques peuvent être
effectuées.
4.2. Importance des compétences en TIC ou en informatique
L’idée qu’il est indispensable, pour des raisons
économiques, de donner des compétences en informatique aux
nouvelles générations a été souvent exprimée
dans une série de rapports européens sur l’emploi. Frinking
et al. (2005)
ont ainsi distingué trois types de compétences (ou plutôt de
savoir-faire) :
- Les compétences nécessaires pour utiliser
efficacement les outils informatisés présents dans
l’entreprise.
- Les compétences de praticien en TIC (nécessaires
pour installer, maintenir...)
- Les compétences métier, nécessaires pour
exploiter les potentialités des technologies, par exemple pour augmenter
la performance des organisations, innover dans la conduite des affaires...
En France, où une note du ministère de l’industrie (Faure, 2008)
remarque que les entreprises ont du mal à recruter des
spécialistes en TIC, le MEDEF a récemment dénoncé
(2008)
un manque de compétences en TIC et conseillé au gouvernement de
lancer des programmes spécifiques pour former les usagers.
Récemment, la commission Attali (2008)
a évoqué la nécessité d’ajouter au socle
commun de compétences et de savoir que devrait posséder chaque
Français des thèmes comme le travail en groupe, l’anglais,
l’informatique et l’économie, sans augmenter les heures
d’enseignement (p. 26).
4.3. Des écoles bien équipées mais des usages peu
fréquents
En fait, si les écoles sont maintenant relativement bien
dotées(1), les TIC sont globalement sous-utilisées dans
les classes. Un certain nombre d’études confirment cet état
de fait, avec quelques variations selon leur source. Ainsi, un récent
rapport du CREDOC (Bigot
et Croute, 2007) qualifie d’« anecdotique »
l’accès quotidien aux ordinateurs et à internet en classe
pour les 12-17 ans (page 14). Plus généralement, ce
même rapport confirme, qu’au moins en France, Internet n’est
pas beaucoup utilisé pour l’apprentissage et la
formation :
« Au mieux, ce sont 41 % des étudiants et
élèves ayant accès à Internet qui utilisent
l’outil à des fins de formation. (...) La part
d’internautes déclarant un acte de formation décroît
régulièrement de 2 points tous les ans. Et si les chiffres globaux
(au niveau de la population totale) n’évoluent pas, c’est
grâce à la diffusion d’Internet. »
(p. 126)
L’étude européenne Mediappro (2006) va dans
le même sens :
« La conclusion la plus frappante de l’ensemble de cette
étude réside dans le fossé marqué entre les usages
de l’Internet à la maison et à l’école. Dans
tous les pays, Québec inclus, ce fossé s’impose en termes de
fréquence d’utilisation, d’accès, de
régulation, d’apprentissage et de développement
d’aptitudes, et de type d’activités. Les données
montrent que c’est un gouffre qui s’ouvre. Toutes les fonctions
importantes pour les jeunes existent hors de l’école, comme
l’essentiel de leurs apprentissages (surtout de l’auto-apprentissage
et de l’apprentissage entre pairs). » (p. 26).
Ces phénomènes ne sont pas propres à la France, mais se
retrouvent dans la plupart des pays industrialisés. On sait depuis les
travaux pionniers de Larry Cuban dans les années 1980 que les
innovations, flatteuses, se convertissent difficilement en
réalités banales. Dans ce long processus de
« scolarisation » de dispositifs et d’instruments
techniques, un point crucial est celui de la constance des politiques
publiques.
4.4. Considérations de politique éducative
Plusieurs évolutions concernant les questions d’usage des
technologies dans le système d’enseignement se sont produites dans
les 5 dernières années. Un point frappant est
l’accumulation, en France, de rapports considérant les TIC en
éducation. Cependant, l’intérêt du ministère
chargé de l’éducation semble avoir plutôt
diminué.
Les études institutionnelles sur les utilisations des technologies ont
presque cessé et on constate une évolution de
l’intérêt vers des questions comme celles des risques
liés aux technologies. Dans le même temps, ces dernières
sont entrées de manière apparemment durable dans les
préoccupations des collectivités territoriales, qui
s’intéressent désormais non plus seulement aux
établissements scolaires qui relèvent de leur
responsabilité, mais aussi aux acteurs, enseignants et
élèves. En effet, l’informatique en éducation, se
trouve être une zone de jeu possible dans un contexte encore fermement
régulé par le niveau national.
Il est en particulier remarquable qu’un certain nombre de
départements aient lancé des opérations visant à
équiper les collégiens avec des ordinateurs (à ce jour Les landes, précurseur
dès 2001, les Bouches du
Rhône, l’Ille et Vilaine,
l’Oise). Certaines
régions élaborent des politiques, contestant parfois les choix
effectués au niveau national. Ainsi, un rapport de la région
Bretagne (Labit
et Le Guellec, 2007) analyse en particulier les conséquences du
changement de répartition de compétences entre l’état
et les régions dans le domaine éducatif, relevant que le
développement du numérique a brouillé les
frontières. Par exemple, en Bretagne, la région considère
que la loi du 13 août 2004 sur l’entretien
général et technique des établissements dont elle a la
charge ne prend pas en compte l’entretien des réseaux informatiques
des lycées.
La première préconisation de ce rapport est de réduire
la fracture numérique, sous deux aspects : les
inégalités d’accès aux équipements et aux
infrastructures 17 % des 12 – 17 ans n’ont pas accès
à un ordinateur et 34 % n’ont pas accès à
Internet mais également la fracture numérique de
« second niveau », qui se manifeste dans
l’appropriation inégale des techniques. Parmi les problèmes
relevés : l’absence de connaissances de base en informatique,
le manque de recul critique des élèves par rapport aux TIC et
l’impact du genre sur leur appropriation. Il est donc recommandé de
promouvoir l’enseignement d’une culture de base sur les concepts
généraux de l’informatique, une éducation aux
médias, une meilleure information sur les métiers liés aux
TIC, une action d’information ciblée vers les filles, et une action
auprès des personnels pour lutter contre les stéréotypes de
genre.
On peut également noter le souhait d’extension de
l’apprentissage de l’informatique et de l’internet au
delà du B2i, qui repose « sur le postulat que les
compétences relatives aux TICE seront acquises par leur seul
usage » (p. 77), ce qui conduit le rapport à se demander
si « l’école ne doit pas renouveler son approche afin que
les élèves apprennent plus systématiquement à
rechercher de l’information, à la trier, à en identifier la
source, à savoir dans quelle mesure ils peuvent l’exploiter tout en
respectant les droits d’auteur ». (p. 76).
Les risques potentiellement liés à un buissonnement des
initiatives ont d’ailleurs récemment été
explicitement relevés par un rapport d’audit (Lepetit et
al., 2007).
« L’État, qui a la charge de la politique
éducative sur l’ensemble du territoire, devrait la définir,
la mettre en œuvre et en contrôler les résultats. En
matière de TICE, la politique nationale résulte aujourd’hui
de l’agrégat d’impulsions ministérielles successives,
portant sur des « expérimentations » diverses
(...) Ce foisonnement des initiatives caractérise aussi leur mise
en œuvre : une multiplicité d’acteurs impliqués
(autres ministères pour certains aspects relevant de
l’aménagement du territoire ou de l’action sociale,
opérateurs publics, parapublics, privés), chacun avec ses
objectifs, pas toujours convergents ; un pilotage plus ou moins assuré
nationalement ou localement ; des relais académiques pris avec plus ou
moins de force ; des corps d’inspection différemment
impliqués selon les matières, etc. »
(p. 14).
5. Les jeunes : experts innés ou naïfs à
former ?
Finalement, notre revue de question suggère
que les digital natives sont pour une bonne part aussi des novices, des
digital naïves, des proies faciles pour les diverses incitations du
marché. Leurs utilisations des technologies sont fréquentes, mais
dans un spectre très limité et avec un degré
d’autonomie relatif. Pour ne donner qu’un seul exemple, avec un
logiciel comme Google Earth ils peuvent accéder au monde entier.
Mais, s’ils n’y sont pas incités, vont-ils fréquemment
regarder au delà de leur maison ou leur quartier pour découvrir
d’autres horizons ? Vont-ils intégrer le recours à cet
outil dans des apprentissages géographiques ? Les compétences
qu’ils développent trouvent leur source dans le milieu familial, le
groupe de pairs et à l’école.
De ce point de vue, toutes les études suggèrent la modestie de
la prise en compte de l’informatique et d’internet dans les cursus
scolaires actuels. Les TIC n’y ont encore qu’une place et un
rôle limités. De plus, leurs effets sur l’apprentissage sont
loin d’être attestés. Une série de rapports
récents ont bien publié des résultats positifs relativement
au Royaume Uni (BECTA,
2006 ; Balanskat et al.,
2006). Mais de tels résultats ne sont guère retrouvés
ailleurs (Dynarski, 2007).
En France, ce type de question n’a pas été beaucoup
étudié. Quand il l’a été, les chercheurs ont
souvent davantage été intéressés par des
interrogations de nature psychologique (en particulier en psychologie du
développement) que par des problématiques éducatives.
Finalement, bien des questions restent ouvertes, qui ne sont pas toutes des
questions de recherche. Par exemple, celle de la place de l’informatique
dans l’enseignement se pose de manière récurrente. Le choix
français a été de créer une certification
spécifique (le B2i) sans curriculum associé : c’est aux
disciplines existantes à prendre en charge la formation des
élèves. Ne faudrait-il pas aussi créer des enseignements
spécifiques, comme cela est le cas dans d’autres pays
industrialisés ? Une étude fondée, comme PISA, sur la
comparaison des résultats des élèves de différents
pays à une épreuve liée à l’informatique
serait susceptible de donner des éléments permettant de fonder des
décisions. Mais créer un enseignement spécifique
relève à ce jour uniquement de la responsabilité du niveau
politique national, de qui dépend également le choix de
s’appuyer ou non sur des résultats de recherche.
Un autre ensemble de questions insistantes, qui intéressent
directement la communauté de recherche sur les environnements
informatisés pour l’apprentissage humain (EIAH) sont liées
aux manières de rendre ces derniers plus efficaces dans des contextes
éducatifs.
Cette problématique est traditionnelle en EIAH. Elle est
renouvelée par la situation actuelle où se conjuguent deux
phénomènes : d’une part, les élèves ont
un rapport personnel aux ordinateurs et une expérience pratique de
nombreux logiciels. D’autre part, des communautés
d’enseignants, s’appuyant sur la philosophie du logiciel libre (dont
il est important de comprendre en quoi elle diffère des modèles
traditionnels et ce qu’elle est susceptible d’apporter dans le
domaine éducatif) produisent nombre de ressources et
d’environnements fondés sur une bonne connaissance des questions
didactiques.
Certains de ces artefacts sont créés localement (au prix de
formes « faibles » de programmation), par exemple en mettant
en œuvre des outils généraux disposant d’un langage de
manipulation de données. On aboutit alors souvent à des
environnements à usage personnel, des sortes de prototypes ne visant pas
à une grande diffusion mais fondés sur une intelligence fine des
difficultés rencontrées par les apprenants. D’autres, plus
ambitieuses, s’appuient sur les idées précédentes
pour produire des ressources susceptibles d’entrer efficacement dans des
stratégies d’enseignement et de se prêter au partage et
à la réutilisation.
Tout l’enjeu est alors sans doute de développer de nouvelles
modalités d’échange entre concepteurs et usagers afin de
prendre en compte les contextes et de faciliter les re-conceptions.
(1) L’édition 2008 de Repères et
références statistiques, la publication statistique du
ministère de l’éducation nationale, indique ainsi que le
nombre moyen d’élèves par appareil est de 6,1 dans les
collèges, 4 dans les lycées généraux et
technologiques (LEGT) et 3,1 dans les lycées profes-sionnels (LP). Par
ailleurs, presque 90% des écoles maternelles et 99,1% des écoles
élémentaires disposent de micro-ordinateurs à usage
pédagogique, tandis que « 66,2 % des écoles ma-ternelles et
90,8 % des écoles élémentaires accédaient à
l’Internet pour ce même usage ».
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