Sciences et Technologies
de l´Information et
de la Communication pour
l´Éducation et la Formation
 

Volume 12, 2005
Rubrique

Contributions de l’Action Spécifique « Conception d’une Plate-forme pour la recherche en EIAH » à l’ingénierie des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain

COLLECTIF AS Plate-forme pour la recherche en EIAH*

*Jean-Michel Adam (CLIPS – Grenoble), Marie-Noëlle Bessagnet (LIUPPA – Pau), Amel Bouzeghoub (INT – Evry), Pierre-André Caron (TRIGONE – Lille), Thibault Carron (SysCom – Chambery), Christophe Choquet (LIUM – Le Mans), Bertrand David (ICTT – Lyon), Alain Derycke (TRIGONE – Lille), Sébastien George (ICTT – Lyon), Sébastien Iksal (LIUM – Le Mans), Jean-Marc Labat (LIP6 – Paris), Pierre Laforcade (LIUM – Le Mans), Xavier le Pallec (TRIGONE – Lille), Claire Lecocq (INT – Evry), Vanda Luengo (CLIPS – Grenoble), Thierry Nodenot (LIUPPA – Pau), Lahcen Oubahssi (CRIP5 – Paris), Yvan Peter (TRIGONE – Lille), Issam Rebaï (CRIP5 – Paris), Marilyne Rosselle (SaSo – Amiens), Thomas Vantroys (TRIGONE – Lille).

Ce travail a été mené dans le cadre de l’Action Spécifique « Conception d’une plate-forme pour la recherche en EIAH » du département STIC du CNRS.


1. Présentation et contexte général de l’action spécifique

L’Action Spécifique « Conception d’une Plate-forme pour la Recherche en EIAH » (ASPF) est l’une des trois actions spécifiques initiées par le RTP39, " Apprentissage, Éducation, Formation ". L’analyse des divers problèmes d’ingénierie des EIAH (cf. section 2) a permis de définir et cibler un certain nombre d’objectifs pour cette action :

- identifier et promouvoir les savoirs et savoir-faire en ingénierie informatique qui peuvent contribuer à une meilleure maîtrise des développements sur la durée (choix technologiques, réutilisation des applicatifs issus des prototypes développés dans le cadre de thèses, ...) ;

- identifier et promouvoir les bonnes pratiques en matière d’ingénierie des EIAH afin d’anticiper 1/ les problèmes liés à l’exploitation de plates-formes de formation à distance, 2/ la nécessaire maintenance d’un EIAH tant du point de vue de son utilité (modèles pédagogiques, didactiques, domaines de connaissances, ...) que de son Interface Homme-Machine ;

- identifier et promouvoir les conditions de passage à l’expérimentation dite "écologiquement valide" (en situation de classe) et plus encore le passage à large échelle (prise en compte de la disponibilité, de la qualité du service, de la portabilité sur différentes plates-formes technologiques).

L’objet de l’ASPF est donc d’amorcer une mutualisation des outils, des concepts, de définir des cadres de travail standard et des bonnes pratiques permettant une meilleure réutilisation des résultats de la recherche. Les travaux s’appuient sur les résultats de l’AS "Fondements théoriques et méthodologiques de la conception des EIAH" pilotée par P. Tchounikine qui a été la première que le RTP a lancée et qui a permis d’identifier et mieux définir les principes communs de la discipline, fondements que l’on trouve dans (Tchounikine et al., 2004).

Le travail collectif, qui s’est déroulé entre mars 2003 et février 2005, a impliqué les 8 équipes de recherches partenaires de l’action spécifique, soit 21 enseignants-chercheurs et quelques doctorants effectuant des recherches dans le champ des EIAH. Dans la mesure où il s’agit de fournir les bases d’un support à la communauté de recherche EIAH, c'est-à-dire offrir des outils et des environnements informatiques utiles aux chercheurs, ce travail avait été préparé, en termes de confrontations aux besoins, dans le cadre de deux ateliers thématiques ouverts au cours de l’année 2002, notamment lors des 2e assises nationales du GDR Information, Interaction, Intelligence tenues à Nancy en décembre 2002 (Le Maitre, 2002). Cela a donné lieu à des premières rétroactions par rapport à des scénarios d’usages anticipés.

S’agissant d’un financement léger, il n’était pas question que les équipes concernées se lancent dans une activité de recherche lourde et spécifique qui impliquerait des développements de prototypes. Les moyens ont été utilisés pour mutualiser les connaissances de chacun, par l’échange de documents produits spécifiquement pour répondre au plan de travail initial et aux objectifs de l’action, et par la tenue de 9 réunions de travail.

Enfin il faut signaler que certaines équipes, de l’action décrite ici, sont membres actifs du Réseau d’Excellence Kaléidoscope (Kaléidoscope, 2005), retenu par la commission européenne dans la thématique Technology Enhanced Learning du programme TELEARN IST. Il y a donc eu un recouvrement entre les travaux de l’ASPF et ceux de Kaléidoscope puisque l’action transverse Shared Virtual laboratory (SVL) de Kaléidoscope vise elle aussi à développer une plateforme technologique de services pour la communauté de recherche (européenne) en EIAH.

Dans le cadre des travaux de l’ASPF, il avait été convenu de mener le travail selon trois axes :

i) Un travail collectif sur les scénarios d’usage. Il s’agit de déterminer les besoins potentiels de la communauté de recherche en EIAH en matière de support à ses activités de recherche et ceci quelle que soit l’appartenance disciplinaire.

ii) Un travail en sous-groupe sur les aspects technologiques et le référencement des composants logiciels. Ce travail comprenant une étude des composants logiciels en ingénierie informatique, les liens avec les standards spécifiques des EIAH (par exemple LOM), ainsi qu’une proposition de portail type communauté de développement Open Source avec un référentiel complété par des métadonnées spécialisées pour les composants EIAH.

iii) Un travail en sous-groupe sur les diverses approches en modélisation des EIAH : extension du formalisme UML par les profils, utilisation du potentiel de la méta-modélisation, formalisme et outillage MOF appliqué aux EIAH. Pour comparer ces approches, ainsi que celles venant des propositions de standardisation de formalismes visant à modéliser des situations pédagogiques avec des EIAH comme IMS-LD, nous avons développé des scénarios pédagogiques de référence obtenus par hybridation de scénarios proposés et modélisés par des équipes de l’ASPF. L’objectif à moyen terme est la création d’une banque de scénarios pédagogiques de référence illustrant une grande variété de types et d’usages d’EIAH, pouvant conduire à une meilleure comparaison, voire à un "benchmarking" des futures propositions relatives à la modélisation des EIAH.

Nous commencerons par décrire les difficultés d’ingénierie des EIAH exhibées dans le cadre de l’AS avant de faire le bilan dans la section suivante des actions de recherche qui ont été menées. En conclusion, nous reviendrons de manière globale sur l’impact et les retombées que cette AS a eues sur le fonctionnement de la communauté.

2. Les difficultés d’ingénierie des EIAH abordées dans le cadre de l’Action Spécifique

Les EIAH sont des environnements informatiques qui posent de nombreux problèmes aux équipes pluridisciplinaires en charge de les concevoir et de les mettre en œuvre (Balacheff, 2004), (Downes, 2002), (Tchounikine, 2002), (Linard, 2003), (Wiley, 2003). Dans les sections qui suivent, nous examinons ces problèmes selon deux points de vue complémentaires : le premier a trait aux environnements supports utilisés pour implémenter les EIAH, le second porte sur les problèmes de conception spécifiques posés par les EIAH.

2.1. Des verrous liés aux caractéristiques des environnements supports utilisés

Les environnements supports qui ont été considérés dans le cadre de nos travaux désignent ici une plate-forme logicielle (parfois un langage de programmation, plus souvent un CMS pour Content Management System) permettant à des développeurs (informaticiens, enseignants) d’implémenter et maintenir un EIAH tant du point de vue des fonctions offertes aux usagers (apprenants, tuteurs) que des contenus et activités proposés lors de l’exploitation de l’EIAH. De manière générale, la communauté EIAH n’arrive pas à capitaliser dans les environnements supports les fonctionnalités que l’on trouve dans les meilleurs prototypes de recherche. Face à la diversité et la complexité des technologies à mettre en œuvre pour implémenter un environnement support de formation à distance (aspects réseau, aspects bases de données et de connaissances, aspects d'Interfaces Homme-Machine, ...) :

- la plupart des équipes développent d’abord un prototype pour valider un point particulier de leurs recherches, les fonctionnalités intégrées dans ce prototype ayant pour but de constater la faisabilité ou d'évaluer le potentiel d’un développement. Mais les chercheurs se contentent souvent de ces premiers résultats car la programmation des mêmes fonctionnalités pour un environnement support donné imposerait une refonte technologique complète du prototype pour tenir compte des contraintes d’exploitation imposées (montée en charge, interfaces, contraintes technologiques, ...). Bien des fonctionnalités implantées dans les prototypes de recherche ne sont donc jamais re-développées compte tenu des coûts de développement et de la faible valeur ajoutée de ce travail pour le chercheur.

- d’autres équipes s’appuient sur un environnement support de référence (Explora (Paquette et al., 2000), TecfaSeed (Schneider, 2003), Formid (Guéraud et al., 2004), Cartable électronique (Chabert et al., 2005)...) qu’ils essaient de faire évoluer en fonction des besoins ; seules les équipes structurées disposant des ressources humaines et savoir-faire technologiques en terme de réseaux, bases de données, génie logiciel, ... peuvent faire un tel choix. Cette orientation est de toute façon risquée car le potentiel d’évolution repose sur les fonctionnalités de base de l’environnement support de référence (donc des choix technologiques initiaux) : comme pour les prototypes, faire migrer des fonctionnalités développées d’un environnement support de référence vers un autre peut nécessiter des développements très lourds ; surtout si ces environnements ne sont pas programmés avec pour souci principal de pouvoir suivre l’évolution technologique.

La capitalisation reste donc limitée faute d’un vecteur permettant d’assurer des développements plus conséquents et avec une meilleure diffusion soit par une phase « d’industrialisation » soit par le biais de communautés "open source". Ceci est très dommageable car cela contribue à laisser croire aux utilisateurs potentiels (enseignants, responsables de formation) que les savoir-faire actuels se limitent encore à des fonctionnalités de tutorat et autres exerciseurs disponibles dans des systèmes comme WebCT ou Blackboard.

La communauté EIAH rencontre aussi des difficultés pour évaluer les dispositifs d’apprentissage conçus à partir de ces environnements supports ainsi que les apprentissages réalisés. Les environnements d'apprentissage que nous développons dans le cadre de nos recherches sont des produits souvent inaboutis qui ne sont pas acceptables par les enseignants car la partie back-office permettant de paramétrer les EIAH développés en fonction des besoins (adaptation à une classe donnée, choix des traces à recueillir, ...) n’est pas suffisamment finalisée et conviviale. Le coût de mise en œuvre de ce back-office est important mais les dégâts dus à son absence le sont également : faute d'être en mesure de mettre entre les mains des enseignants des outils finalisés, nous manquons souvent cruellement de retours d'usage sur les environnements d'apprentissage que nous construisons, tout particulièrement sur ceux qui laissent une part de liberté importante aux acteurs impliqués.

2.2. Des verrous liés aux principes d’ingénierie utilisés

Les deux verrous précédents ne sont malheureusement que la face émergée de problèmes d’ingénierie plus profonds qui tiennent pour une bonne part à l’incapacité relative de notre communauté à maîtriser la complexité intrinsèque d’un EIAH ainsi que la diversité des acteurs à impliquer dans l’ingénierie d’un tel système : la communauté EIAH a des difficultés pour identifier, mettre en œuvre et faire savoir les bonnes pratiques en matière d’ingénierie. L’ingénierie de situations d’apprentissage pose des problèmes en tant que telle puisque ces situations s’articulent autour de différents pôles : le savoir – les formateurs – les apprenants – les instruments mis au service de l’activité d’apprentissage. Ces différents pôles de la situation d’apprentissage sont pour l’instant peu pris en compte de manière globale, les travaux visant souvent à approfondir un de ces pôles plutôt que de proposer des méthodes et des outils pour établir des ponts entre ces différents points de vue sur un EIAH.

Une autre difficulté nous semble venir de l'incapacité de la communauté à intégrer dans ses pratiques le caractère évolutif des spécifications en EIAH. Nous continuons à essayer de capitaliser et de faire évoluer le code des prototypes que nous développons alors que l'enjeu nous semble d'abord la capitalisation et l’évolution sans rupture des spécifications et modèles de ces mêmes prototypes :

- partager et échanger des modèles représentatifs de telles spécifications nous semble aussi important et plus efficace que s'approprier le code de telle ou telle fonctionnalité d'un prototype de recherche pour essayer de l'intégrer dans un autre ;

- mettre en place des procédures pour évaluer la qualité de ces modèles, proposer des principes méthodologiques pour mettre en œuvre des applications exploitant ces modèles, proposer des exemples d'implémentations réussies sur la base de ces modèles, ... constituent également des pistes pour identifier et disséminer les bonnes pratiques d'ingénierie.

Enfin, la conception d’un EIAH est un travail transdisciplinaire (Tchounikine et al., 2004) mais les langages que nous utilisons pour décrire et raisonner sur un tel système sont souvent centrés sur une discipline. Nous manquons donc d’un cadre d’analyse, de méthodes et de langages :

- permettant aux divers acteurs impliqués dans l’ingénierie des EIAH de partager la sémantique des modèles et de croiser les points de vue représentés par ces modèles (facilitant ainsi le dialogue entre acteurs et la contextualisation des modèles) ;

- rendant possible l’opérationnalisation des modèles produits à la fois côté front-Office (apprenants et tuteurs) et côté back-Office (enseignants, spécialistes du domaine, concepteurs).

L’Action Spécifique "Conception d’une Plate-forme pour la recherche en EIAH" nous a permis d’engager des travaux visant à lever ces verrous.

3. Bilan des actions de recherche

3.1. Scénarios d’usage et identification des besoins

Le travail effectué sur les scénarios d’usage avait pour objectif d’identifier les besoins spécifiques de la communauté de recherche en EIAH afin d’amorcer la spécification d’une plate-forme de mutualisation des travaux et d’animation de communauté. La stratégie adoptée a été d’organiser une première confrontation avec la communauté lors de réunions du GDR I3, puis de travailler au sein de l’ASPF à la production de scénarios afin d’identifier les services indispensables. Une deuxième phase devra être engagée quand une plate-forme tangible sera accessible et utilisable afin de raffiner les besoins et de la faire évoluer. Nous avons défini une dizaine de scénarios qui nous ont permis d’identifier quatre grandes catégories d’usage :

- Concevoir des EIAH : surtout autour des activités de modélisation ;

- Développer des logiciels EIAH : publier des composants et souscrire pour être informé des nouveaux composants, disposer d’outils de recherche et d’indexation, offrir des moyens de communication, d'échange et de travail collaboratif pour faciliter la gestion de projet de développement;

- Expérimenter un dispositif pédagogique avec EIAH : instrumenter, capturer et analyser des traces d’usage, déposer, indexer et rechercher pour réutiliser les traces ;

- Informer / Communiquer afin de créer les conditions d’émergence d’une véritable communauté de pratique, utilisant le potentiel des environnements informatiques pour les communautés virtuelles.

Ces catégories d’usages doivent être supportées par une plate-forme afin d’amorcer et favoriser une mise en commun et un partage de ressources réutilisables.

3.2. Technologies et bonnes pratiques

Cette action de recherche s’est décomposée en deux axes de réflexion : un axe sur l’utilisation des technologies et les bonnes pratiques afin d’assurer au mieux la réutilisation et donc la diffusion des développements réalisés dans le cadre des travaux de recherche ; un deuxième axe qui prolonge l’étude des scénarios d’usage et dont l’objectif est de définir les spécifications d’une plate-forme apte à supporter les fonctionnalités identifiées.

3.2.1. Une utilisation des technologies pour la réutilisation

Les travaux menés sur cet axe portaient sur un état de l’art des pratiques et apports du génie logiciel, notamment les modèles de composants et les architectures orientées services, ainsi que leur utilisation dans le cadre des EIAH. Différents développements réalisés par les partenaires de l’ASPF ont servi de supports afin d’en tirer des enseignements :

- Le moteur de Workflow COW (Vantroys et Peter, 2003) du laboratoire TRIGONE et son intégration dans un environnement support ;

- L’application de suivi d’activités REFLET du LIUM (Després et Coffinet, 2004), son intégration dans les environnements support et comment elle pourrait évoluer vers un véritable composant ;

- L’intégration des plates-formes FORMID et BAGHERA du CLIPS (Ouazib, 2003) ;

- L’atelier d’intégration d’outils pour l’apprentissage de la géométrie proposé dans la thèse de Maryline Rosselle (Rosselle, 2001).

Ce travail a permis de revenir sur les dimensions de l’intégration de composants éducatifs définies dans (Rosselle, 2001). L’étude de chaque dimension permet de définir les propriétés des composants permettant d’intégrer facilement ces derniers. Sept propriétés ont été recensées dont trois ont été proposées par (Ritter et Koedinger, 1996). Le composant doit :

- permettre qu'on observe certains de ses états (il est inspectable);

- fournir les traces intelligibles de l'interaction avec l’utilisateur (il est traçable);

- permettre une certaine forme de prise de contrôle, notamment pouvoir activer ou désactiver certaines fonctionnalités et permettre de collecter uniquement les interactions jugées utiles (il est scriptable);

- pouvoir être décrit afin d'être retrouvé et d'accéder à ses fonctionnalités (il est indexable);

- pouvoir exporter son interface graphique ou permettre son adaptation ou sa reprogrammation (il est interface-exportable ou malléable);

- permettre d'accéder indépendamment à ses différentes fonctionnalités (il a des fonctionnalités indépendantes);

- assurer la communication au format adéquat des données (il utilise des formats normalisés).

L’ensemble de ces propriétés contribue à faciliter l’intégration. Il constitue une liste de recommandations pour favoriser la communication et la coopération inter-logicielle. Le problème de l’indexation qui est crucial pour retrouver les composants existants a été abordé à travers les travaux du CRIP5 sur l’indexation de composants pédagogiques (Rebaï et Labat, 2004).

3.2.2. Un portail pour la communauté de recherche en EIAH

Offrir à la communauté EIAH les services identifiés à travers les scénarios d’usage suppose une plate-forme ouverte permettant d’agréger les services disponibles et d’en créer de nouveaux en fonction des besoins. Cette plate-forme peut prendre la forme d’un portail tel que représenté en figure 1 qui offre un ensemble de services et de contenus.

Après une étude des portails de développement collaboratif existants (type Sourceforge), l’outil LibreSource (LibreSource, 2005) a été sélectionné. C’est une plate-forme de travail et de développement collaboratif issue d’un projet RNTL en 2003. En effet, ce type de plate-forme offre des moyens de communication classiques (forums, news...) mais permet aussi de gérer des projets distribués de développement et de mettre à disposition le code source (ou tout autre type d’artefact tel que des traces d’expérimentation) ainsi que les produits finis. LibreSource est extensible et propose une gestion des informations de type Wiki qui est facilement abordable ce qui explique notre choix. Pour des raisons internes au consortium LibreSource, cette plate-forme n’a finalement été rendue disponible qu’en juin 2005 bien qu’une version intermédiaire pour évaluation ait été rendue disponible auparavant. Ceci explique que le portail de l’ASPF n’ait pas encore été mis en place.

Figure 1 : services et contenu d’un portail pour la communauté EIAH

4. Scénarios d’apprentissage et ingénierie des modèles

L’intégration des technologies dans les activités d’enseignement et d’apprentissage amène souvent les concepteurs à se confronter à de nombreux problèmes :

- des problèmes techniques (formation et suivi des étudiants, mise à disposition du matériel, développement de produits multimédias),

- des problèmes organisationnels (participation des apprenants et des formateurs),

- des problèmes de motivation (participation des apprenants aux activités prévues),

- des problèmes de régulation (révision d’éléments du scénario en cours d’activité),

- des problèmes d’adaptation (changement de rôle des formateurs),

et

- des problèmes institutionnels (reconnaissance de l’activité, financement, disponibilité du personnel administratif, technique ou pédagogique).

La communauté de recherche française en EIAH se préoccupe depuis longtemps de ces problématiques, sans pour autant être en mesure de capitaliser les travaux et les résultats. L’ingénierie dirigée par les modèles a été proposée par la communauté Génie Logiciel à la fin des années quatre-vingt dix (Model Driven Architecture de l’OMG, AS MDA, ...) pour répondre à des problématiques comparables. Un des axes de recherche émergents en EIAH consiste à examiner en quoi les solutions proposées par la communauté GL sont applicables à nos problématiques et surtout quelles seraient les spécificités/apports d’une ingénierie des EIAH dirigée par les modèles.

L’Action Spécifique « Conception d’une plate-forme pour la recherche en EIAH » nous a tout d’abord donné l’opportunité de dresser le bilan des activités menées par les différents partenaires. Dans un deuxième temps, nous avons pu situer les objectifs des différents travaux par rapport à un référentiel unique présenté figure 2.

Figure 2 : référentiel des travaux en ingénierie des modèles

Comme indiqué sur cette figure, quatre partenaires de l’AS ont des approches complémentaires construites sur l’ingénierie dirigée par les modèles. Dans les prochains paragraphes, nous résumons les quatre approches avant de mettre l’accent sur les perspectives dégagées par l’AS.

4.1. Travaux exploitant des modèles de niveau CIM et PIM

Le LIUM et le LIUPPA font porter leurs efforts sur la proposition de modèles de conception à niveau connaissance (CIM). Au niveau CIM (Computer Independent Model), les langages d’expression (et les modèles produits) doivent être compréhensibles (et manipulables) par une équipe pluridisciplinaire de concepteurs. Parmi les langages ciblés au niveau PIM (Platform Independent Model), on trouve le langage IMS-LD (LIUM et LIUPPA) mais aussi d’autres langages (Use Cases pour le LIUM, langages de description de composants logiciels pour le LIUPPA) :

- Le LIUPPA a choisi de proposer un langage (de niveau CIM), le langage CPM (Laforcade, 2004), ciblant la conception de situations-problèmes coopératives. Le langage proposé est une spécialisation d’UML (un profil) permettant de décrire les aspects structurels, cognitifs et sociaux de ces situations pédagogiques. Les modèles prescriptifs obtenus font l’objet de transformations automatiques en modèles computationnels (IMS-LD).

- Le LIUM, dans son projet REDiM (Corbière et Choquet, 2004), a choisi de proposer aux concepteurs de scénariser avec un langage computationnel (IMS-LD, Use Cases)  tout en permettant l’adaptation et l’enrichissement du langage. Cette approche permet la définition d’un modèle (de niveau CIM) adapté pour chaque situation pédagogique cible. La négociation du langage et de l’instance se fait en s’aidant de retours d’usages, modélisés dans le langage computationnel utilisé.

4.2. Travaux exploitant des modèles de niveau PIM et PSM

Les travaux des laboratoires Trigone, Syscom et Clips font porter leurs efforts sur l’opérationnalisation des modèles computationnels (de niveau PIM). Les dispositifs cibles (PSM) sont des plates-formes de formation à distance (à ce jour : cartable électronique pour Syscom – Clips ; Ganesha et Claroline pour Trigone) :

- L’environnement Bricoles (Trigone) propose à la FOAD une étape PSM supplémentaire. L’enseignant y importe son scénario pédagogique (en IMS-LD) qui est souvent peu détaillé (manque de compétence, temps). Le modèle est transformé en une version dédiée à la plate-forme cible, modèle que l’enseignant peut affiner et compléter de manière plus intuitive. GenDep déploie ensuite automatiquement ces modèles PSM (Caron et al., 2005).

- Le projet ScéClasse (Ferraris et al., 2005), réunissant des équipes des laboratoires SYSCOM et CLIPS, s’est intéressé à l’opérationnalisation de situations d’apprentissage collaboratives. La démarche a conduit à la définition d’un modèle conceptuel de niveau PIM, le modèle LDL (Learning Design Language), par croisement du modèle de participation, modèle territorial fondé sur la notion d’espaces de groupes, avec IMS-LD. La transformation de LDL vers un modèle de niveau PSM : le LDI (Learning Design Infrastructure), s’est faite manuellement dans le cadre de ce projet, mais son automatisation est aujourd’hui à l’étude.

5. Scénarios de référence

Le travail de l’ASPF a également été de recenser et fournir aux chercheurs en EIAH des scénarios pédagogiques de référence pour tester et valider leurs modèles ou/et outils. Une telle démarche qui consiste à regrouper un référentiel de situations est classiquement utilisée dans d’autres domaines, (Kutter et Petitcolas, 1999). Cette démarche offre deux avantages principaux : le premier consiste à offrir au chercheur qui veut tester l’outil qu’il a produit, un cadre d’expérimentation concret issu de situations réelles et donc qui ne se révèle pas ad hoc. Le second concerne les différents chercheurs de la communauté EIAH en tant qu’utilisateurs, le benchmarking leur permet de confronter plus facilement les outils ou les modèles produits par d’autres en étudiant leurs applications à des cas concrets connus et partagés par tous. Le « best practices » d’IMS-LD (IMS, 2005) décrit par exemple dix scénarios pédagogiques choisis pour illustrer une grande variété de situation pédagogique et permettant aux utilisateurs d'évaluer les possibilités du langage. Mais comment être sûr de l'indépendance des scénarios choisis vis-à-vis du langage ? Établir un benchmark de situations pédagogiques permet de suggérer un ensemble de scénarios indépendants des outils et des langages. Il offrirait également dans un deuxième temps un autre intérêt pour la communauté, il pourrait permettre d’envisager plus facilement des approches descriptives. Ce travail préalable participe en effet à la cristallisation des critères de description, en offrant de recenser naturellement les éléments à utiliser pour le benchmark. Enfin, à un plus haut niveau, il permet de distinguer les différents objets utilisant les benchmarks, facilitant à terme leur dénombrement et leur catégorisation.

5.1. Difficultés rencontrées

Des descriptions de situations d’apprentissage ont été collectées sous forme de scénarios. La description de scénario suscite de nombreuses questions auxquelles il est difficile de répondre : quelle granularité peut-on adopter ? Quels sont les éléments du scénario qu’il faut décrire (les dépendances de données, les outils utilisés, l’orchestration des activités, les différents rôles ?). Enfin, quel langage de description est il possible d’utiliser. Le choix d’un tel langage soulève une difficulté scientifique complémentaire dans la mesure où il est nécessaire de s’interroger sur sa neutralité et sa capacité à décrire toutes les situations envisageables. Ces difficultés scientifiques sont liées dans la mesure où chaque nouveau scénario met à l'épreuve le langage de description choisi et permet ainsi de l'améliorer.

5.2. Démarche

Dans un premier temps, une description textuelle des scénarios par leurs auteurs a été privilégiée. Ceux-ci ont ensuite été exprimés lorsque cela était possible en IMS-LD, dans le double souci de choisir un standard émergeant et de favoriser leur transformation en données informatiques. Concernant la complétude de cette démarche, un élément de solution a consisté à tenter d’établir une taxinomie des scénarios recensés, ce type de travail a déjà été mené dans le domaine des EIAH pour la caractérisation des plates-formes pédagogiques (EDUTOOLS, 2005), ou des logiciels éducatifs (De Vries, 2001). La typologie établie s’appuie sur la caractérisation des différentes théories pédagogiques qu’ils adressent (béhaviorisme, constructivisme, socioconstructivisme, cognitivisme...) bien qu’une telle solution se heurte alors aux multiples références théoriques qui peuvent être sous jacentes à un scénario (Basque, 1999). Sur d’autres axes d’analyse, une typologie des scénarios peut être établie selon le type de situations d’apprentissage qu’ils décrivent. (simulateur, teletp, hypermedia, cscl, micromonde, exerciciel,...) ou la nature de la connaissance impliquée (gestuelle, comportementale, sociale, procédurale, cognitive, factuelle...).

Du point de vue du langage de description, l’adoption du standard IMS-LD pour décrire les scénarios pédagogiques en focalisant la description sur les activités menées plutôt que sur les processus (MISA, MOT) ou sur les objets pédagogiques (DUBLIN CORE, LOM, SCORM, AICC) a permis de susciter de nouvelles interrogations qui sont à la base d’un essai de taxinomie. Cette taxinomie est fondée sur des critères permanents (degré de formalisation, de réification) ainsi que sur des critères pouvant varier durant la durée de vie du scénario (finalité, granularité, personnalisation, contrainte) (Pernin et Lejeune, 2004).

6. Conclusion

La motivation première de cette Action Spécifique était d’étudier et de proposer des solutions permettant d’améliorer la diffusion et la réutilisation des résultats de la recherche au sein de la communauté de recherche en EIAH. Les travaux réalisés par les huit équipes de recherche couvrent plusieurs aspects :

- une meilleure compréhension des apports du génie logiciel de façon à avoir des composants ou services réutilisables, des outils d’indexation et de recherche permettant de retrouver facilement les artefacts existants ;

- la définition d’une plate-forme d’échange, de communication et de support aux projets collaboratifs ;

- un bilan des apports de l’ingénierie de modèles et de la modélisation en EIAH et un état des travaux existants dans la communauté française en EIAH ;

- des scénarios de référence permettant à la communauté de partager des "cas d’école" permettant de comparer des modélisations ou de mettre en place des situations "standards" dans le cadre de l’expérimentation d’un prototype afin de faciliter les comparaisons avec d’autres travaux.

Concernant l’ingénierie de modèles, les diverses réunions et travaux conduits au titre de l’AS nous ont amenés à délimiter un cadre intégrateur pour mettre en synergie les résultats obtenus par les différents partenaires avant l’AS. Ce premier résultat nous permet de valider une hypothèse de travail à l’origine du dépôt de l’AS auprès du CNRS : la communauté française en EIAH a les savoir-faire pour initier une communauté de pratique en ingénierie dirigée par les modèles. Cette communauté se donne comme objectif d’offrir un ensemble d’outils de transformation de modèles capables d’exploiter des formalismes compréhensibles par les concepteurs tout en assurant l’opérationnalisation et l’interopérabilité des modèles produits.

Le travail concernant les scénarios de référence reste encore très exploratoire. Une base de scénarios de références a été produite par l'AS pour permettre un benchmarking de situations pédagogiques. Nous désirons dans l'avenir présenter des exemples d’expression d’un même scénario au travers de plusieurs langages de modélisation, nous permettant ainsi de montrer les différents points de vue que l’on peut avoir d’un même scénario en s’appuyant pour les catégoriser sur une typologie que nous avons commencé à définir.

En terme d’animation de communauté et de diffusion des travaux engagés, les propositions et travaux des partenaires dans le cadre de l’AS ont constitué le matériau de base à partir duquel nous avons défini les contenus de la troisième école thématique sur les EIAH : "Modèles, Architectures Logicielles et Normes pour le Développement et l’intégration des EIAH" du 1er au 6 juillet 2005. Nos résultats ont en particulier été utilisés pour les cours et ateliers portant sur la scénarisation pédagogique ainsi que sur l’ingénierie dirigée par les modèles. Les échanges qui ont eu lieu durant l’école avec les participants ont confirmé l’intérêt de la communauté pour cette problématique et pour les outils que nous leur avons fait manipuler.

Les différents documents produits dans le cadre de cette AS seront rendus disponibles à terme à travers un portail communautaire. Indéniablement, une dynamique d’échanges et de collaboration est issue de cette ASPF. Il restera alors à maintenir un travail d’animation de communauté afin de développer l’usage de ce portail et suivant les possibilités de financement, la définition et la réalisation de services correspondant à des besoins émergeants suite à l’usage de la plate-forme.

Il est dommage de constater que malgré les efforts entrepris, avec le soutien initial du CNRS, par la communauté scientifique EIAH pour se structurer et s’outiller collectivement, il n’y a pas de la part des tutelles nationales de soutien à l’opérationnalisation des propositions faites dans cette Action Spécifique. Les laboratoires impliqués continuent leurs actions dans ce domaine  dans le cadre du Réseau Européen d’Excellence Kaléidoscope, mais ils risquent assez vite d’y être dépassés par d’autres laboratoires étrangers mieux soutenus à leurs niveaux nationaux, dans des programmes souvent très ambitieux et richement dotés, comme le JISC en Grande Bretagne. Cela est préjudiciable notamment si l’on veut bien considérer que la mise en place d’une véritable infrastructure pour la recherche et l’expérimentation en EIAH bénéficierait également aux initiatives comme les Universités Numériques Thématiques dont il faut préserver le caractère innovant et qui elles aussi réclament une mutualisation des moyens de conception et d’évaluation.

BIBLIOGRAPHIE

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