Environnements interactifs pour la formation
professionnelle : une approche fondée sur l’utilisation
de cas exemplaires
Du système Simulation à Base de Cas au forum
Discussions Interactives à bAse de Cas pour la fOrmation Médicale
Dominique LECLET Laboratoire
Savoirs et Socialisations en Education et Formation, Université
de Picardie Jules Verne
RÉSUMÉ : Cette
communication présente la synthèse de recherches relatives
à la prise de décision dans des contextes professionnels
variés et la genèse de travaux menés actuellement
au sein du laboratoire Sa.So (Savoirs et Socialisations en Education et
Formation). Ainsi, trois situations professionnelles ont été
étudiées, celle du diagnostic médical, celle du service
de restauration et, enfin, celle de la conception multimédia. Un
modèle du comportement des experts, commun aux trois domaines a
tout d’abord été mis en évidence. Il a été
complété par une formalisation didactique. Un modèle
conceptuel et informatique définissant le cadre général
d’entraînement à la prise de décision : l’environnement
interactif fondé sur des cas a ensuite été proposé.
Des exemples d’implémentation concrétisent cette approche
théorique.
MOTS
CLÉS : Enseignement professionnel, prise de décision,
raisonnement à base de cas, architecture de tuteurs intelligents,
modélisation objets, modèles en couches.
ABSTRACT : This
communication presents the synthesis of researches about decision making
in various job contexts and genesis of work currently undertaken within
the laboratory Sa.So (knowledge and socialization in education and training).
The objective aims at going up how the introduction of Communication and
Information Technologies into the Educational systems comes to enrich
distance Education. Three situations have been studied, the medical diagnosis,
the catering duty and the multimedia design. A model of the experts behaviour,
common to the three domains has been put into evidence. It combines deductive
and inductive reasoning. This model definition is followed by a formalisation
under the didactic, the conceptual and the logic viewpoints. It enables
to set up a general frame for the training to decision making: the case
based simulation. Examples implementations are then given in order to
make concrete the previous theoretical approach.
KEYWORDS : Teaching
sale’s profession, decision making, case based reasoning, ITS’
Architecture, objects model, shell model.
1. Introduction
Cet article constitue la synthèse d’une série de
travaux relatifs à l’apprentissage de différentes
formes de prise de décision dans un contexte professionnel : celui
du diagnostic en médecine, de l’organisation d’un service
de restaurant ou bien encore de la conception d’une application
multimédia [LecletWeidenfeld96],
[LecletWeidenfeld98a],
[Leclet98],
[Weidenfeld98].
Ainsi, l’objectif de cette communication vise à décrire
le projet SBDC (Simulation à Base
De Cas) qui a été financé par le pôle de recherche
STEF (Systèmes et Technologies pour
l’Education et la Formation) de la région Picardie.
Ce système a également constitué la genèse
de travaux menés depuis trois ans, au sein de l’axe TICE
(Technologies de l’Information et de la Communication pour
l’Enseignement) du laboratoire Sa.So (Savoirs et Socialisations
en Education et Formation). Ces recherches concernent le forum DIACOM
(Discussions Interactives à bAse de Cas pour la fOrmation Médicale)
[Joiron02],
mais également le projet SYSMOOSE
(SYstèmes Supports de Méthodes pour cOncevoir et Organiser
des Services et rEssources pédagogiques en ligne) [LapujadeLeclet03a]
et [CravoisierLeclet03].
Ainsi, le système SBDC propose des
environnements exploratoires interactifs pour l’apprentissage de
la prise de décision dans des contextes professionnels. Ces environnements
permettent alors de reproduire (simuler) des situations professionnelles
pour lesquelles, il n’existe pas de modèle formel, mais plutôt
un modèle conceptuel déduit d’une collection de cas.
Le système SBDC offre, alors, à
un apprenant, un cadre d’apprentissage proche de son environnement
réel d’activité, et basé sur une famille de
cas.
En fait, des études scientifiques menées en Sciences Cognitives
[Resnick91],
[Jonassen92],
confirment le sentiment intuitif du bien-fondé d’une “mise
en situation” pour les apprentissages envisagés. Ce
sentiment repose sur deux mécanismes principaux :
-
d’une part, la référence à
des cas connus, qui s’effectue en “unifiant” des
éléments contextuels des deux situations considérées,
-
d’autre part la possibilité d’une
découverte par exploration, qui suppose que l’environnement
prodigue à l’apprenant les rétroactions nécessaires
à l’autoévaluation de la solution qu’il
construit.
Ces rétroactions sont fondées sur un modèle de l’évolution
des phénomènes étudiés. En sciences physiques,
en sciences de la nature et de la vie ou en technologie, une modélisation
numérique des phénomènes représentés
est généralement possible. Elle permet, après chaque
intervention de l’apprenant, de calculer le nouvel état du
système et de le visualiser ; c’est le principe de la
simulation. L’extension de cette approche modélisée
par un système à base de règles [Clancey82],
a également été effectuée. Notre approche
est cependant différente puisque, nous ne disposons pas, comme
nous le verrons dans la section 2, d’un tel modèle qualitatif
du phénomène représenté. Nous utilisons plutôt
des familles de cas exemplaires pour construire les mécanismes
d’interactions évoqués ci-dessus. Pour rendre compte
de ceux-ci et fournir à l’apprenant un espace exploratoire
interactif, qui le mettra en “situation”,
nous avons créé, à partir de ces familles de cas,
ce que nous avons appelé des “environnements
exploratoires”.
De plus, malgré la variété des professions considérées,
nous avons mis en évidence un processus général de
prise de décision [LecletWeidenfeld98a],[LecletWeidenfeld98b].
Ce processus fait appel à deux modalités de raisonnement
complémentaires, le raisonnement déductif et le raisonnement
inductif. Le raisonnement déductif permet lors de la résolution
de problème, d’établir la conformité de solutions,
mais beaucoup plus rarement leurs optimalités. Le raisonnement
inductif permet quant à lui, grâce à des informations
spécifiques et/ou particulières, de suggérer à
un utilisateur, un rapprochement avec des situations antérieurement
connues. Une solution est alors élaborée, par analogie à
une situation passée. De ce fait, cette dernière apparaît
comme un “cas d’école”,
exemplaire, qui exprime sous une forme scénarisée une réelle
expertise.
Cette prise de décision se retrouve également dans des
systèmes issus d’un courant influent en Intelligence Artificielle,
celui du “raisonnement à partir de cas”
[ReisbeckSchank89],
[Kolodner93],
[WatsonMarir94],
[AamodtPlaza95].
Cependant, cette prise de décision qui, à ce point, se concrétise
par le déroulement d’un récit n’est pas très
interactive. Les choix laissés à l’apprenant, se limitent
souvent, à de l’exploration hypermédia ou à
l’utilisation de quelques logiciels associés au cas présenté.
Ainsi, les environnements exploratoires proposés constituent une
structuration particulière des cas dans laquelle l’apprenant
évolue et qui lui permet de prendre une décision par analogie
à une autre situation qu’il connaît. Ces environnements
permettent de transposer à des environnements professionnels en
partie modélisés par des cas, les approches fondées
sur l’utilisation de bases de connaissances appliquées dans
les Systèmes Tutoriels Intelligents [Fieschi84],
[AegerterAl91].
La démarche abordée a été la suivante :
nous sommes partis de l’étude du diagnostic en médecine,
de l’organisation d’un service de restaurant et de la conception
d’une application multimédia. Un modèle du comportement
des experts, commun aux trois domaines et complété par une
formalisation didactique, a alors, été mis en évidence.
Un modèle conceptuel a ensuite été élaboré,
définissant le cadre général d’entraînement
à la prise de décision : l’environnement exploratoire
fondé sur des cas.
Dans ce modèle, on retrouve des objets élémentaires,
des actions s’appliquant aux objets et le cas échéant,
des règles qui déterminent le déclenchement de ces
actions. Ces informations ont été ensuite regroupées
dans une “scène”, qui apparaît
alors comme un agglomérat d’objets élémentaires
et qui est structurée par un “décor”.
Cette “scène” représente
une des étapes des résolutions de problème étudiées.
C’est à ce niveau que s’effectueront les interactions
de l’apprenant. Le “cas”
qui représente des résolutions “exemplaires”
est quant à lui, considéré comme une suite de scènes
séparées entre-elles par des transitions. Ce cas est complété
par des enrichissements pédagogiques, notamment les objectifs assignés
aux cas, les commentaires, les évaluations et justifications. Un
Système Auteur a été mis en place pour permettre
à un enseignant de créer son cas.
Ce Système Auteur permet ensuite à un apprenant de prendre
une décision par analogie, qui se traduit concrètement par
la possibilité de passer d’un cas à un autre au cours
de la session d’apprentissage. Ce choix est rendu possible, grâce
à la création, par le système, d’environnements
exploratoires. Le Système Auteur propose alors une transition spécifique,
appelée un branchement et “relie”
une scène d’un cas à une autre scène d’un
autre cas.
Ainsi, la section suivante de cet article présente le cadre théorique
du système SBDC et les différentes
expertises des domaines professionnels considérés. La section
3 s’intéresse, quant à elle, à la formalisation
didactique du processus général de prise de décision
mis en évidence. Avant d’aborder le modèle du système
SBDC, qui fait l’objet de la section
5, la section 4 décrira l’environnement du système.
La section 6 s’intéresse quant à elle au Système
Auteur. Enfin, la section 7 décrit l’adaptation faite pour
concevoir un système support d’apprentissage pour la formation
à distance : le forum DIACOM
(Discussions Interactives à bAse de Cas pour la fOrmation Médicale).
Nous conclurons ensuite, sur les perspectives de recherche envisagées
actuellement, ce qui fera l’objet de section 8.
2. Le contexte
Cette section a pour objet de définir le cadre de référence
pour des Systèmes Tutoriels Intelligents mettant
en jeu des domaines de connaissances dites mixtes.
Nous entendons par là, des domaines dans lesquels des connaissances
formalisées au moyen de règles quantitatives ou qualitatives,
coexistent avec des savoir-faire empiriques principalement justifiables
par une pratique professionnelle.
De plus, il nous semble utile de préciser que l’objectif
de cette section vise à présenter la pertinence des environnements
interactifs dans le contexte de l’acquisition de compétences.
Ainsi, diverses situations ont été analysées, celle
du “serveur de restaurant”, celle
de la “conception multimédia”
et celle du “diagnostic médical”.
Cependant, ce contexte est bien plus large et peut s’appliquer à
d’autres professions.
Ces connaissances dites mixtes sont
généralement dispensées dans le cadre d’enseignements
professionnels. Ces enseignements récemment encore centrés
sur l’apprentissage de procédures doivent intégrer
des éléments de prévision, de planification et d’anticipation
liés aux règles (quantitatives ou qualitatives), que nous
évoquions précédemment. La difficulté “classique”
d’associer théorie et pratique dans l’enseignement,
a naturellement conduit à rechercher des apports dans les nouvelles
technologies et plus particulièrement dans des environnements
exploratoires interactifs fondés sur des cas
exemplaires.
Ainsi, la section 2.1 présente les principes cognitifs sous-jacents
à ces environnements exploratoires interactifs fondés sur
des cas exemplaires. La section 2.2 expose les principes de la simulation
pédagogique d’activités professionnelles. Les sections
2.3 à 2.5 décrivent les domaines professionnels considérés
et la section 2.6 conclut sur la section 2.
2.1. Les principes cognitifs
Dans le cadre de l’apprentissage de pratiques professionnelles,
les connaissances formalisées sont importantes mais contrairement
aux domaines d’apprentissages tels les mathématiques, ces
connaissances ne recouvrent pas la totalité du domaine. Il existe,
en effet, dans ces domaines professionnels, d’autres types de connaissances
qui peuvent être représentés comme une collection
de savoir-faire. Une analyse plus approfondie met alors en évidence
une interrelation profonde entre des connaissances formalisables et des
habiletés [Richard90].
Dans certains contextes d’apprentissage, notamment ceux qui touchent
les enfants ou les publics en difficulté scolaire, les connaissances
à formaliser sont abordées à partir de représentations
concrètes [Resnick82].
Dans ce cas, le modèle théorique ne suffit pas, pour rendre
compte des opérations intellectuelles de haut niveau mises en oeuvre
comme l’anticipation, la planification, la recherche de solutions
ou encore la prise de décision. Ainsi, la "connaissance
avancée se caractérise par la capacité à résoudre
des problèmes dans un contexte dans lequel, les procédures
ne peuvent s'appliquer directement telles qu'elles ont été
apprises" [Jonassen92].
Des capacités de transfert sont alors indispensables. Elles s'acquièrent
à travers une représentation flexible du domaine de connaissances.
Dans l'action, l'individu qui a atteint ce stade peut composer avec les
incertitudes et les contradictions du monde réel. C'est le socle
de l'expertise qui n’émerge qu'à travers l'expérience.
Quelques principes pédagogiques majeurs, visant à développer
le stade de la connaissance avancée, découlent de cette
théorie. Nous en retiendrons deux. Le premier principe est d’éviter
une trop grande simplification dans la présentation notamment de
faits ou de concepts. Ainsi, "sur simplifier
des connaissances complexes, contribue de façon très significative
à faire échouer bien des apprentissages" [JacobsonSpiro93].
Le second principe est de contextualiser l'acquisition des connaissances.
D’après J.S Brown, A. Collins et P. Duguid [Brown85],
les connaissances seront plus facilement mobilisables si on les acquiert
dans des conditions proches de celles dans lesquelles elles seront utilisées.
Mais il est aussi nécessaire de faire varier ces contextes. Pour
Resnick [Resnick91],
proche en cela du courant constructiviste, le contexte dans lequel s'acquièrent
les connaissances, détermine fortement leur structure même.
Cette dépendance vis-à-vis du contexte d'acquisition est
précisément ce qui hypothèque leur utilisation dans
des contextes différents. Un contexte d’apprentissage unique
rend donc aussi les connaissances “in-transférables”
sauf dans des situations identiques à celles de l'apprentissage.
Les mécanismes du transfert se construisent donc sur le “fil
du rasoir”, entre les deux dangers que sont la “décontextualisation”
et la “contextualisation schématique”.
Ces analyses rencontrent une réflexion déjà ancienne
[Papert81]
sur un des apports essentiels des nouvelles technologies à l’éducation
: la flexibilité de représentation qu’elles offrent.
Ainsi, de la même façon que l’univers familier de la
tortue permet d’aborder la géométrie chez l’enfant,
une représentation physique d’un univers professionnel facilitera
des apprentissages complexes chez l’adulte ou l’adolescent.
L’expérimentation et la mise en situation qui seront ainsi
rendues possibles grâce aux représentations visuelles, doivent
être accompagnées par des analyses de démarche pour
permettre une réelle utilisation didactique.
Nous allons maintenant montrer comment l’idée générale
d’environnements interactifs
tente de répondre à ces réflexions sur l’acquisition
de compétences.
2.2. La simulation pédagogique d’activités professionnelles
L’utilisation de la simulation pour l’enseignement est classique
dans des domaines comme des Sciences Physiques, l’électronique,
ou encore l’économie. Par extension, on a vu apparaître
l’utilisation de tels systèmes pour la formation à
des métiers utilisant ces domaines disciplinaires. On retrouve
notamment des simulations dans le domaine de la sécurité,
du diagnostic de panne [Moustafiades90]
ou du contrôle aérien. La simulation est aussi souvent utilisée
pour exercer les réflexes de certains opérateurs comme l’entraînement
de pilotes [Boy88].
Dans tous ces cas, les deux principes, évoqués dans le paragraphe
2.1 ci-dessus, se traduisent respectivement par :
-
La possibilité d’expérimentation
offerte à l’apprenant. La représentation
physique de l’univers professionnel est utilisée différemment
dans les contextes évoqués ci-dessus. Dans nos situations
professionnelles, il convient de noter, dès maintenant, que
les représentations comporteront toujours des éléments
contextuels attachés à l’environnement de travail.
Elles différeront ainsi, d’une représentation
purement schématique.
-
La capacité d’une
rétroaction du système de formation. L’objectif
est de bien mettre en évidence les éléments contextuels
de la démarche afin de faciliter le “transfert”.
Cette rétroaction, qui est au moins partiellement automatisée,
suppose d’abord le recueil et l’analyse puis l’interprétation
des choix de l’apprenant. Ces opérations diffèrent
selon les problèmes abordés. Lorsque les modes de raisonnement
peuvent être “associés”
à un modèle numérique, on s’attache à
interpréter la valeur de certains indicateurs selon des relations
mathématiques ou physiques. Par contre, lorsque le modèle
est plus qualitatif, par exemple basé sur un système
de règles, ce sont des inférences logiques qui seront
privilégiées. Dans d’autres cas, il faut alors
trouver un autre mode de représentation. Par exemple, un raisonnement
fondé sur l’utilisation d’expériences passées
organisées en ensemble de “cas d’école”.
Dans le cadre du système SBDC, nous
avons alors choisi de nous focaliser sur cette dernière approche.
Rappelons, que nous nous intéressons principalement, à des
systèmes d’apprentissage mettant en jeu des domaines de connaissances
dites “mixtes”. Nous entendons
par là des domaines dans lesquels, des connaissances bien formalisées
au moyen de règles strictes, quantitatives ou qualitatives coexistent
avec des savoir-faire empiriques principalement justifiables par une pratique
professionnelle. Ces systèmes visent des apprenants expérimentés
ayant déjà une formation de base dans le métier considéré.
Ainsi, dans la suite de cet article, nous considérons qu’une
première formation théorique a été assimilée
par l’apprenant. De ce fait, nous nous sommes principalement intéressés
aux principes de contextualisation, c’est-à-dire à
la capacité à traiter des exceptions ou des écarts
par rapport à une certaine “norme”.
Cette contextualisation est rendue possible en donnant la possibilité
à l’apprenant d’évoluer dans des environnements
exploratoires, construits à partir de cas réels et contextuels,
liés entre eux par un processus d’analogie.
Voyons maintenant les domaines professionnels expertisés et commençons
par le service de restaurant.
2.3. Le service de restaurant
Cette action a été menée à l’initiative
et avec le Fond d’Action Formation de l’Industrie Hôtelière,
qui a coordonné l’intervention des experts et mis en place
des formations expérimentales destinées à tester
les hypothèses émises. L’analyse des référentiels
de formations des métiers de l’hôtellerie fait apparaître
deux types de compétences dans les métiers du service :
d’une part, le savoir-faire généralement centré
sur la gestuelle et, d’autre part, les aspects stratégiques
des métiers qui s’expriment par des prises de décision
concernant l’organisation du service et le placement de clients.
Le savoir-faire du serveur de restaurant relève d’un problème
combinatoire en apparence classique, mais l’observation des méthodes
utilisées par les experts [ThouinWeidenfeld96]
montre que, dans certains cas, les stratégies de résolution
ne sont pas uniquement de nature déductive. Ainsi, une approche
purement combinatoire du placement consisterait à optimiser l’occupation
de la salle, à l’instant présent. Dans certaines circonstances,
les professionnels confirmés vont mettre en oeuvre des solutions
qui vont à l’encontre de cette stratégie. Par exemple,
des clients se verront proposer une attente au bar - éventuellement
agrémentée d’un apéritif offert - alors que
des places sont libres.
Les experts justifient ce comportement, en apparence “irrationnel”
par des références à certaines situations (des cas),
comme l’arrivée impromptue d’un groupe. Pour être
capable de gérer cette éventualité, ils mettent en
place des stratégies plus complexes qui reviennent en fait à
effectuer une optimisation en moyenne sur un intervalle de temps, plutôt
qu’une optimisation instantanée. En fait, cette façon
d’agir n’est pas souvent exprimée ou justifiée
de cette façon, à cause de la “non
familiarité” des apprenants avec les mathématiques.
Cette stratégie complexe n’est utilisée par les experts,
que dans certains contextes dans lesquels interviennent des déclencheurs
contextuels comme l’heure, le taux de remplissage, ou encore la
satisfaction du client. Au contraire, les apprenants tendent à
appliquer la procédure systématiquement. La différence
provient de la capacité des experts à analyser la situation
de départ et à lui appliquer un schéma de résolution
éprouvé dans une situation de référence :
le cas. Le cas permet alors d’illustrer des analogies mises en évidence
par les experts.
La nature de ces cas étudiés est la suivante. Une situation
de départ est représentée visuellement par des dessins
ou des photos. Des informations (locales) peuvent, alors être déclenchées
afin d’appréhender le contexte. Des procédures bien
référencées1
permettent alors de “simuler” l’activité
de service et le cas permet d’illustrer des analogies. Voyons maintenant,
ce qu’il en est de la conception multimédia.
2.4. La conception multimédia
La réflexion sur les modalités de la conception multimédia
a été menée dans le cadre d’un projet de formation
à distance au multimédia [WeidenfeldAl97],
[WeidenfeldLeclet98].
Ce projet était inscrit dans le contrat d’établissement
de l’Université de Picardie Jules Verne et a bénéficié
du label Educapôle de la région Picardie. Il s’est
effectué en partenariat avec les éditions Masson et le Centre
National d’Enseignement à Distance [LecletWeidenfeld97].
En 1998, au démarrage du projet, la formation ouverte et à
distance a consisté, en la fourniture de supports de cours interactif,
d’un tutorat, de la réalisation d’études d’étudiants
via Internet et d’outils coopératifs comme la messagerie,
ou le chat. Elle fut à l’origine de la création de
la plate-forme INES [INES04],
qui est actuellement utilisée par les universités de Bordeaux,
de Grenoble, de Toulouse ou encore d’Orléans dans le cadre
du projet campus numérique international e-miage [eMIAGE04].
La partie du projet qui nous intéresse ici, est relative aux modalités
de conception de produits multimédia. Deux types de contributions
alimentent ce contenu. La première concerne une approche méthodique
de la conception multimédia et ce de manière générale.
Cette approche a été présentée au congrès
Society for Information Technology and teacher Education, en mars 1998
[LecletWeidenfeld98c].
Elle fournit un cadre structuré pour cette activité, en
offrant des règles générales, un index, ou encore
un thesaurus. La seconde concerne un ensemble de “témoignages”
émanant de professionnels du multimédia.
Ainsi, un recueil d’expertise de spécialistes et de concepteurs
de systèmes documentaires, de CD Rom culturels, ou encore d’application
WWW a été réalisé. Leurs pratiques ont été
analysées et la description, sous la forme de règles générales,
d’index et de thésaurus, a été effectuée.
L’analyse des référentiels de formations de ces métiers
a fait apparaître, comme dans le cas du service de restaurant, deux
types de compétences : d’une part, le savoir-faire généralement
centré sur l’expérience, d’autre part,
les aspects stratégiques des métiers qui s’expriment
par des prises de décision concernant l’appréhension
de la conception du multimédia. De plus, un accent tout particulier
a été mis sur l’explication et l’illustration
des “dérivations”. Par exemple,
l’extension du public habituel des encyclopédies par l’intégration
d’éléments ludiques ou bien encore l’extension
des fonctionnalités de systèmes documentaires voués
à la communication.
La nature des cas étudiés a la même structure que,
celle décrite dans la section 2.3. Elle en diffère cependant
par sa forme. L’application à concevoir est décrite
par son “cahier des charges”. Des
informations complémentaires sont disponibles et des procédures
bien référencées permettent de simuler l’activité
de conception. Enfin, l’accès par Internet à un grand
nombre d’informations et de projets de conception multimédia,
fournit des cas disponibles pour illustrer les analogies mises en évidence
par les experts. La dernière situation professionnelle expertisée
concerne le diagnostic médical. Elle est décrite dans la
section suivante.
2.5. Le diagnostic médical
L’objectif de la formation médicale vise à apprendre
aux étudiants à diagnostiquer les pathologies et à
les prendre en charge. Pourtant, cette formation aborde l’apprentissage
du diagnostic d’une manière assez éloignée
de la pratique du médecin. Le découpage du cursus en est
en partie responsable [MatteiAl97].
Ainsi, les enseignements théoriques sont pour beaucoup dispensés
au travers de cours magistraux, souvent sanctionnés par une évaluation
où les questionnaires à choix multiple sont largement utilisés.
Certes, cet enseignement favorise une capacité de mémorisation
importante chez l’étudiant mais, il ne favorise pas ses capacités
d’analyse, de déduction et de croisement d’information,
nécessaires à la pratique de la médecine [Cuénoud00].
Ainsi, favoriser l’acquisition de connaissances théoriques
de façon contextuelle et permettre l’apprentissage d’une
pratique médicale de terrain durant les stages devient primordial.
Cet apprentissage en milieu professionnel permet alors aux étudiants
de mettre en œuvre, en situation, les différentes connaissances
qui leur ont été transmises. Ainsi, pour pallier le manque
de contextualisation et faire évoluer les modes d’apprentissage,
les facultés de médecine ont mis en place des services pédagogiques
où l’apprentissage est davantage personnalisé et centré
sur l’apprenant [Farah00].
La pédagogie devient alors active et met l’étudiant
en situation d’apprendre et d’agir par lui-même sur
sa compétence à traiter un cas clinique donné en
se référant à des “cas”
déjà connus et résolus par le passé.
La réflexion sur l’utilisation d’environnements interactifs
basés sur des cas en médecine émane du projet ARIADE
(Apprentissage de la Rhumatologie Intelligemment Assisté
par orDinatEur), mené en partenariat avec le Service de Médecine
Informatique de Rennes [Leclet93].
Le système ariade est un Système Tutoriel Intelligent dont
l’objectif était de former des étudiants de 4ème
année de médecine au diagnostic médical et ce dans
le domaine de la Rhumatologie. Le principe est de leur faire acquérir
une démarche cohérente du raisonnement médical et
de leur faire suivre un processus de diagnostic, de type hypothético-déductif,
qui représente la démarche du clinicien. Le recueil d’expertise
mené avec le projet ARIADE a mis
en évidence les pratiques des rhumatologues et a permis de se focaliser
sur des cas exemplaires, reflétant des stratégies plus complexes
que celles habituellement utilisées.
La nature des cas étudiés est identique à celle
du service de restaurant et de la conception multimédia. Une situation
de départ est représentée visuellement par des photos
ou par une vidéo. C’est en fait, la description du cas clinique
du patient. Des informations (locales) peuvent alors être déclenchées
afin d’appréhender le contexte. Des procédures bien
référencées permettent de simuler l’activité
de diagnostic. Enfin, des cas cliniques sont disponibles pour illustrer
les analogies mises en évidence par les experts rhumatologues.
La section suivante conclut sur un bilan des recueils d’expertises
menés dans les trois professions considérées.
2.6. Un bilan des recueils d’expertises menés
Pour conclure notre propos, nous pouvons souligner que malgré
leurs spécificités, les trois métiers étudiés
possèdent des similitudes. En effet, nous avons pu constater que
ces trois pratiques professionnelles étaient toutes basées
sur un savoir-faire centré sur l’expérience et illustrant
des situations proches du réel. De plus, dans les métiers
considérés, les pratiques professionnelles illustrent des
prises de décision effectives. Enfin, les approches utilisées
se réfèrent souvent à des procédures résolues
par le passé et se basent sur un raisonnement par analogies.
De plus, dans ces trois domaines professionnels, l’utilisation
d’expériences décrites sous forme de cas permet de
reconstituer une situation réelle sans la copier exactement. Les
différences essentielles découlent, d’une part, de
contraintes matérielles (la difficulté de travailler sur
la réalité effective) et d’autre part, de choix pédagogiques
(possibilité d’extraire de la réalité les éléments
les plus significatifs dans la résolution d’un problème).
Toutes ces contraintes aboutissent à des environnements de travail
de l’apprenant dédiés à l’entraînement
à la prise de décision professionnelle.
Ainsi, pour permettre l’apprentissage de ces pratiques professionnelles,
un processus commun de prise de décision a été dégagé.
Nous avons ensuite élaboré un modèle basé
sur des cas, qui rend compte de cette prise de décision. Enfin,
un Système Auteur, qui permet à un auteur de créer
des cas, a été mis en place. Ce système permet également
de constituer les environnements exploratoires destinés à
l’apprenant, qui permettent de rendre compte du raisonnement par
analogie.
Notre propos est, maintenant de caractériser de façon intrinsèque
le processus de prise de décision qui a été dégagé.
3. Le processus de prise de décision
Trois recueils d’expertise ont été menés en
parallèle, en utilisant l’observation des pratiques par enquêtes
exploratoires et de terrains. Ces enquêtes ont permis de mettre
à jour une conceptualisation du processus de prise de décision.
Des entretiens de vérifications ont ensuite été menés
pour valider les concepts proposés.
Le processus commun de prise de décision a pu donc être
dégagé, suite à cette démarche de recueil
d’expertise. Ainsi, partant de problèmes à résoudre
comme un cas clinique, un client à placer, ou une interface
multimédia à décrire, une stratégie de résolution
commune, a été identifiée. Cette section présente
la formalisation de ce processus commun de prise de décision.
3.1. Un processus commun de prise de décision
Le processus de prise de décision a été décomposé
en une situation de départ et une stratégie de résolution
à appliquer. La situation de départ a été
définie comme permettant de poser le problème à résoudre.
On retrouve dans cette situation un ensemble d’entités (dont
la connaissance est généralement explicite) et un ensemble
de propositions. Ces propositions permettent de faire évoluer la
situation de départ et/ou la connaissance des entités disponibles.
Par exemple dans le domaine de la médecine, la situation de départ
peut être la connaissance des entités signes élémentaires
et antécédents médicaux. L’objectif visé
est la maladie à diagnostiquer.
La stratégie de résolution a, quant à elle, été
définie comme permettant, de fixer les objectifs visés pour
la prise de décision. Plusieurs stratégies distinctes peuvent
alors être associées à une même situation de
départ et peuvent conduire à des solutions différentes.
Généralement, ces stratégies sont liées à
des critères indépendants de l’objectif visé
proprement dit. Ces critères dépendent essentiellement de
l’environnement dans lequel évolue la prise de décision.
Cette situation, assez fréquente dans la vie professionnelle, a
dans notre approche été simplifiée, à des
fins pédagogiques, en établissant une priorité entre
les critères. En effet, d’une façon générale,
les problèmes à résoudre sont des cas d’écoles
où les situations de départ sont inspirées du réel
mais “lissées” de façon
à en simplifier l’utilisation didactique.
Dans le domaine de la médecine, une stratégie de résolution
permettra de privilégier le critère de rapidité des
examens complémentaires, une autre de favoriser le critère
de prescription de médicaments génériques. Ces critères
restent indépendants de l’objectif visé qui est de
diagnostiquer une maladie. Ils sont par contre fortement liés à
l’environnement dans lequel évolue la prise de décision :
médecine d’urgence, économie hospitalière du
coût de prescription, etc.
Ainsi, avant de dérouler le processus de prise de décision,
un premier niveau d’informations est renseigné par l’auteur,
qui doit notamment préciser l’objectif visé, la stratégie
de résolution, l’environnement dans lequel l’apprenant
va évoluer. Il renseigne également les indicateurs pertinents
choisis en fonction de la stratégie de résolution. Enfin,
il choisit et classe les critères. Voyons sur un exemple du serveur
de restaurant, quelles sont ces informations :
-
Objectif visé = {Apprendre à placer
les clients}
-
Stratégie de résolution = {Privilégier
la rentabilité}.
-
Environnement Apprenant = {Restauration de luxe}
-
Critères = { Rentabilité, Accueil,
Hygiène, Sécurité}
-
Indicateurs pertinents = {Table 3 appelle souvent,
Table 5 donne pourboire, Chiffre d’affaires}.
Puis, un deuxième niveau d’information est renseigné
par l’auteur, qui choisit alors le problème à résoudre,
une situation de départ et les actions proposées.
Sur l’exemple, du serveur de restaurant, on trouve alors :
-
Problème à résoudre = {Placer
les clients qui arrivent}
-
La situation de départ = {Description
des tables libres, Description des tables occupées, Etat d’avancement
des repas, Liste des clients à placer, Etat du cahier de réservation,
Présence d’un salon d’attente}.
-
Actions proposées = {Placer les clients
à la table 5, Placer les clients à la table 7, Faire
attendre les clients au salon avec apéritif, Offrir un digestif
à la table 3, Desservir la table 5}.
Voyons donc maintenant quelle est la formalisation du processus de prise
de décision, validée par nos experts.
3.2. La formalisation du processus de prise de décision
Le processus de décision a été divisé en
deux phases. La première phase, qui se déroule en cinq étapes
(étape 1 à 5 dans la figure 1 ci-après), vise à
analyser la situation de départ et à déterminer les
actions admissibles. Pour cela, un ensemble pertinent d’entités
qui permet d’établir une orientation est considéré.
Une hypothèse d’orientation est ensuite émise. L’évaluation
des conséquences immédiates de cette hypothèse est
effectuée. La prise en compte d’entités conduisant
à l’élimination de certaines hypothèses est
ensuite effectuée. L’ensemble restant correspond aux actions
admissibles.
La seconde phase, qui se déroule quant à elle, en trois
étapes (étape 6 à 8 dans la figure 1 ci-après),
procède au classement des actions admissibles. Pour cela, nous
nous sommes inspirés du formalisme de la théorie de la décision
pour associer à chaque stratégie et à chaque solution
admissible un coût.
Ce coût est une fonction vectorielle dont les axes sont les critères
qualitatifs utiles (évoqués dans la section 3.1) pour apprécier
les conséquences d’une action. Pour tenter d’établir
une norme commune, les experts ont choisi de ne pas exprimer ces critères
sous une forme numérique, car cela était souvent complexe
et réducteur et de surcroît les écarts de coût
n’avaient pas la même signification. La méthode dégagée
par les experts est la suivante. Des indicateurs pertinents sont proposés
en fonction de la stratégie de résolution choisie. Le coût
de chaque action admissible est exprimé en fonction de ces indicateurs.
Le classement des actions admissibles s’effectue selon ce coût.
Prendre la décision revient à proposer l’action admissible
prioritaire. Ce processus commun de prise de décision est représenté
par la figure 1, ci-dessous :
>
Figure 1 : Processus général de prise
de décision
La figure 2 ci-dessous traduit un exemple de ce processus général
de prise de décision dans le cadre du serveur de restaurant.
Figure 2 : Exemple du déroulement du processus
pour le serveur de restaurant
Ainsi, un processus commun de prise de décision a pu être
dégagé et ce malgré la variété des
domaines professionnels étudiés. Ce processus nous a alors
conduit à envisager un cadre général pour l’entraînement
à la prise de décision : l’environnement exploratoire
basés sur des cas.
3.3. Vers un modèle d’environnements exploratoires ...
Le processus fait appel à deux modalités de raisonnement
complémentaires, le raisonnement déductif et le raisonnement
inductif. Rappelons que le raisonnement déductif permet lors de
la résolution de problème, d’établir la conformité
de solutions par rapport à la solution finale. Le raisonnement
inductif permet quant à lui, grâce à des informations
spécifiques et/ou particulières, de suggérer un rapprochement
avec des situations antérieurement connues. Une solution est alors
élaborée, par analogie à une situation passée.
Cette dernière apparaît alors comme un “cas
d’école”, exemplaire, qui exprime sous une forme
scénarisée une réelle expertise.
De plus, notons que le processus de prise de décision qui vient
de vous être présenté met en jeu des connaissances
issues de savoir-faire empiriques justifiables par une pratique professionnelle.
Ces connaissances ont été modélisées grâce
au modèle conceptuel que nous avons élaboré et qui
définit le cadre général d’entraînement
à la prise de décision du système SBDC.
Ainsi, nous avons constaté que, les experts utilisaient des concepts
du domaine à enseigner. Nous avons alors défini, afin de
représenter ces concepts, des objets élémentaires
et des actions s’appliquant aux objets. De plus, nous avons également
constaté, que les experts avaient besoin de représenter
une des étapes de la résolution de problème étudié.
Nous avons alors proposé la notion de “scène”.
Ainsi, une “scène” est considérée
comme un agglomérat d’objets élémentaires.
Enfin, nous avons défini et élaboré la modélisation
d’un “cas” qui constitue
une résolution “exemplaire”.
Un cas est alors considéré comme une suite de scènes
séparées entre-elles par des actions “transitions”.
Enfin, pour fournir à l’apprenant un espace exploratoire
“fortement” interactif, le système
SBDC se propose de définir des environnements
interactifs, créés à partir d’une collection
de cas recueillis dans la base de cas. Un tel environnement permet au
système de prendre en compte l’apprentissage du raisonnement
par analogie. Concrètement cette action se traduit par la possibilité
de passer d’un cas à un autre au cours d’une session
d’apprentissage. Une transition spécifique permet alors de
passer d’une scène à une autre scène d’un
autre cas. Cette transition est appelée un branchement.
Une des difficultés principales est la construction de ces familles
de cas exemplaires ayant assez peu de solutions pour ne pas risquer une
explosion combinatoire. La piste retenue consiste, à partir d’une
scène, à ne considérer que les transitions vers d’autres
scènes qui sont significatives par rapport à un objectif
pédagogique donné. Ce filtrage, au moyen d’objectifs
pédagogiques, permet effectivement de limiter le nombre de transitions
entre cas.
Ainsi, avant d’aborder dans le détail le modèle du
système SBDC, qui fera l’objet
de la section 5, nous allons voir dans la section suivante quel est l’environnement
proprement dit du système et les différents éléments
qui le composent.
4. L’environnement du système SBDC
Dans un premier temps, nous allons décrire l’architecture
globale du système SBDC. Puis dans
un deuxième temps, nous nous focaliserons sur l’architecture
du Système Auteur. Nous aborderons alors brièvement les
modules qui le composent, puis nous présenterons son fonctionnement.
Afin de permettre une meilleure compréhension du fonctionnement
global du système SBDC, nous présenterons
le fonctionnement du Système Elève.
4.1. L’architecture globale du système SBDC
Le système SBDC se compose de deux systèmes principaux
: le Système Auteur et le Système Elève. Le système
Auteur permet à un auteur de caractériser les connaissances
relatives aux cas. Le Système Elève permet à un apprenant
de s’entraîner à la prise de décision professionnelle.
Pour constituer le système Auteur, et modéliser les connaissances
de nos experts, nous nous sommes inspiré des méthodes qui
conduisent à l’élaboration de Systèmes à
Base de Connaissances (SBC) et plus précisément
de la méthode KADS [WielingaAl92].
En effet, le modèle d’expertise de KADS
comporte des connaissances provenant du savoir-faire et de l’expérience
des experts des domaines modélisés. Un tel modèle
se veut alors indépendant de toute contrainte d’implantation
informatique et facilite le dialogue entre le concepteur du système
et l’expert. Rappelons que notre expertise était issue de
trois domaines différents et que nous souhaitions proposer un formalisme
commun de représentation aux trois experts. Le principe du modèle
d’expertise de KADS consiste donc,
à séparer dans des représentations différentes,
les connaissances relatives aux concepts du domaine et les connaissances
relatives aux processus de mise en œuvre de ces connaissances. Nous
avons alors repris ce principe, pour modéliser les connaissances
des experts.
Voyons donc maintenant, dans le détail l’architecture du
Système Auteur.
4.2. L’architecture du Système Auteur
Comme le montre la figure 3 ci-dessous, le Système Auteur est
composé de trois modules : un module Interface Auteur,
qui se charge de l’interaction avec l’auteur, un module
connaissance-expert qui permet à l’auteur de stocker
les connaissances relatives aux cas et un module appariement qui
se charge de créer les environnements exploratoires qui seront
proposés à l’apprenant. Le module connaissance-expert
comprend le modèle spécifique qui vise à
stocker les connaissances relatives aux cas et à leurs appariements.
L’architecture du Système Auteur peut être résumée
par la figure 3 ci-dessous :
Figure 3 : Architecture du Système Auteur
Sur cette figure, nous remarquons que le modèle générique
se divise en deux couches : la couche domaine et la couche environnements.
La couche domaine contient trois niveaux : le niveau des concepts,
le niveau des scènes et le niveau des cas. La couche des environnements
contient, quant à elle, le niveau des environnements, qui sont
créés automatiquement, lorsque la base de cas contient suffisamment
de cas, par le module appariement. Ces différents niveaux visent
à différencier les types de connaissances existants au sein
du système.
Enfin, nous pouvons également remarquer que la couche problème
correspond à une instanciation du modèle générique.
Focalisons-nous dans la section suivante, sur le module connaissance-expert
et voyons les différentes couches qui le composent.
4.3. Le module connaissance-expert du Système Auteur
Le module connaissance-expert qui comprend le modèle générique
peut être schématisé par la figure 4, ci-dessous :
Figure 4 : Modèle générique
du module connaissance-expert
Comme on peut le remarquer sur la figure 4, la couche problème
contient les quatre niveaux différenciés du modèle
générique. Commençons par le niveau des cas. Celui-ci
permet de recueillir les cas décrits par l’expert. Notons
qu’un cas est composé de scènes dans lesquelles l’expert
décrit des concepts particuliers : des entités et des
actions. Ainsi, pour pouvoir décrire un cas, l’expert place
donc dans chaque scène des concepts qu’il décrit à
partir d’un ensemble de concepts proposés par le système.
Par exemple, “placer le client”
est un exemple d’action du domaine de restauration et “Table
5 libre” est un exemple d’entité de ce domaine.
Ainsi, pour qu’un expert puisse placer une action de type “Placer”
ou bien “Table 5 libre ” dans
une scène d’un cas, il existe au sein de la couche problème,
un niveau contenant le type d’action “Placer”
ou le type d’entité “Table”
et ses caractéristiques. Ce niveau se nomme le niveau des concepts.
Ainsi, à partir de ces deux concepts, les experts peuvent créer
autant de concepts que possibles dans les cas qu’ils décrivent.
Il leur suffit de choisir le concept dont ils ont besoin, puis d'en paramétrer
les caractéristiques, selon la situation à laquelle il souhaite
le voir s’adapter. On dira qu’un concept est “issu”
d’un type de concept2.
Les concepts sont ensuite regroupés dans le niveau des scènes.
Le dernier niveau de cette couche problème est le niveau des environnements
qui permet de stocker les environnements exploratoires constitués
par le système.
On peut également remarquer sur la figure 4, que le modèle
générique vise à représenter le modèle
relatif aux connaissances stockées dans les quatre niveaux de
la couche problème. La couche domaine comprend trois niveaux. Le
niveau des concepts représente la manière dont un concept
peut être décrit au sein du système. Le niveau des
scènes permet de regrouper tous les concepts (entités et
actions) au sein d’une structure. Le niveau des cas vise à
décrire la structure d’un cas. La couche environnement qui
contient le niveau des environnements permet de décrire la structure
d’un environnement exploratoire, c’est-à-dire deux
cas ayant des similitudes de type “analogie”.
Nous avons choisi le terme de modèle générique, car
celui-ci regroupe des niveaux indépendants du domaine d’apprentissage.
Après avoir détaillé l’architecture du système
SBDC, nous pouvons maintenant aborder le
fonctionnement du Système Auteur.
4.4. Le fonctionnement du Système Auteur
La figure 5, ci-dessous, schématise le fonctionnement du Système
Auteur, sous une forme scénarisée. L’objectif de ce
diagramme vise à représenter les interactions entre l’auteur
et le système. Cette “scénarisation”
de fonctionnement est composé de plusieurs étapes s’enchaînant,
depuis la création d’un nouveau cas jusqu’à
la constitution d’un environnement interactif mis en évidence
grâce à la proximité de deux cas. Ces interactions
sont matérialisées par des flèches. Un étiquetage
et une numérotation de ces flèches permettent de faire apparaître
le séquencement dans le temps, de ces interactions.
Figure 5 : Fonctionnement du Système Auteur
Ainsi, un auteur commence par décrire un nouveau cas à
travers l’interface auteur. Le premier niveau de la couche problème
intervenant dans le scénario de fonctionnement est donc le niveau
des concepts. L’interface auteur commence, en effet, par “interroger”
ce niveau et les concepts nécessaires à l’auteur pour
décrire son cas. Les flèches 1 et 2 lui sont retournées.
Le système guide ensuite l’auteur, pour décrire son
cas. Ce guidage sera décrit précisément dans la section
7. Une fois le cas décrit, il est envoyé dans la couche
problème (flèche 3). Si de nouveaux concepts ont été
décrits par l’auteur, à travers le cas, le niveau
des concepts est mis à jour (flèche 4). Le cas est, lui-même,
stocké dans le niveau des cas et les scènes dans le niveau
des scènes (flèche 5).
Enfin, lorsque la base de cas contient suffisamment de cas, le module
appariement intervient en déclenchant son algorithme général
(flèche 6), qui cherche les proximités entre deux cas, afin
de constituer des environnements exploratoires. Une fois un environnement
pertinent mis en évidence, l’algorithme le sauvegarde dans
le niveau des environnements (flèche 7 et 8), le niveau des cas
est mis à jour et l’environnement exploratoire est renvoyé
à l’auteur (flèche 9). L’auteur peut alors valider
l’environnement exploratoire proposé.
Une fois les environnements exploratoires constitués, ceux-ci
peuvent être choisis, et proposés à l’apprenant
pour que ce dernier puisse s’entraîner à la prise de
décision dans sa pratique professionnelle.
Avant d’aborder la section 5, où le modèle générique
du module connaissance-expert est détaillé, nous allons
décrire le fonctionnement du Système Elève. Notons,
que le Système Elève se compose de deux modules : un
module Interface Elève qui se charge de l’interaction entre
l’apprenant et le système et un module Exploration qui permet
à l’apprenant d’explorer son environnement d’exploration
en le guidant dans la résolution de son problème.
4.5. Le fonctionnement du Système Elève
Afin de constituer les interactions du Système Elève, nous
avons analysé avec les experts quelle pouvait être, la visualisation
de l’environnement à proposer à l’apprenant.
Il s’est alors avéré que cette visualisation pouvait
prendre des formes variables.
Pour des activités professionnelles, comme celles du serveur,
où prédominent une communication et une activité
verbale et gestuelle, nous avons souhaité privilégier des
représentations concrètes et l’utilisation de l’image,
voire de la vidéo. Dans d’autres activités, en apparence
semblables, comme l’agencement de surfaces [LecletWeidenfeld96],
c’est au contraire une représentation plus abstraite qui
s’impose afin de rendre compte des conditions réelles de
l’activité. Pour d’autres activités mentionnées,
comme la médecine, c’est l’information disponible à
un instant donné qui est l’élément déterminant
de l’environnement. Cette information n’est généralement
pas visualisable au premier plan, mais est rattachée à des
zones sensibles de l’écran, icônes ou boutons, et elle
peut être obtenue, au moyen d’un mécanisme hypertexte.
Enfin, la visualisation adaptée à la conception multimédia
synthétise ces deux approches. D’une part, les informations
disponibles sont essentielles et leur représentation est similaire,
à celle évoquée pour la médecine. D’autre
part, les décisions du concepteur peuvent aussi se concrétiser
de façon “visuelle”, par
exemple en décrivant l’interface du produit en conception
à l’aide d’un langage graphique de spécification
[Coutaz90].
Ainsi, nous avons décidé qu’il serait proposé
à l’apprenant un ensemble “d’opérations/actions”
qui permettraient d’agir sur la représentation métaphorique
de l’environnement de travail. Le déclenchement de ces “opérations/actions”,
schématisées par des icônes ou des menus, permet alors
d’avoir un effet sur l’environnement de travail. On retrouve
deux catégories “d’opérations/actions”
:
-
Leur exécution peut éventuellement modifier
la représentation visuelle. Un cas particulier intéressant
est une représentation de l’environnement réaliste
(par exemple à base de vidéo), pour laquelle la représentation
physique de l’action peut également être rendue
par une séquence vidéo. Cette représentation
est particulièrement intéressante lorsque les modalités
d’exécution de “l’opération/action”
peut affecter la prise de décision.
-
Leur exécution peut modifier le niveau d’information.
Dans ce cas, l’exécution de “l’opération/action”
ne modifie généralement pas la visualisation de l’environnement,
mais comporte en elle même différentes étapes
significatives. Dans ce cas, l’activation “correcte”
de “l’opération/action”
constitue un sous problème du problème initial, qui
peut d’ailleurs être déterminant dans la solution
générale.
Ainsi, la figure 6 ci-dessous, schématise le fonctionnement du
Système Elève, sous une forme scénarisée,
représentant les interactions entre l’élève
et le système. Cette “scénarisation”
de fonctionnement permet à l’apprenant de parcourir un environnement
exploratoire qui lui est proposé et d’être guidé
durant son exploration. Dans son parcours, l’apprenant pourra alors
choisir des “opérations/actions”
, qui lui permettront soit d’avancer dans son environnement exploratoire,
soit de découvrir ses erreurs, soit de résoudre un sous
problème avant de continuer dans l’exploration de son environnement
ou bien encore de se brancher sur un autre cas.
Ces interactions sont matérialisées par des flèches.
Un étiquetage et une numérotation de ces flèches
permettent de faire apparaître le séquencement dans le temps
de ces interactions.
Figure 6 : Fonctionnement du Système Élève
Ainsi, l’interface élève extrait un environnement
exploratoire à présenter à l’élève
(flèches 1 et 2). L’interface élève déclenche
alors le processus de prise de décision et explore l’environnement
exploratoire (flèche 3). Durant ce parcours, et lorsque l’apprenant
a besoin d’être guidé ou aidé, une procédure
d’aide est déclenchée (flèche 4) et l’aide
est proposée à l’apprenant (flèche 5). Puis
le parcours de l’environnement est re-itéré (flèche
6).
Après avoir présenté l’environnement du système
SBDC et le fonctionnement des Systèmes
Auteur et Elève, nous allons maintenant décrire précisément,
le modèle générique du module connaissance-expert
. La section suivante vise à présenter ce modèle.
5. Description du modèle générique
du module connaissance-expert
Dans cette section, nous décrivons chacune des deux couches interdépendantes
du modèle générique : la couche domaine et
la couche des environnements.
Dans la couche domaine, nous retrouvons les trois niveaux décrits
brièvement dans la section 4.3. Le premier niveau se nomme le niveau
des cas et constitue la modélisation de la structure des cas.
Ainsi, un cas décrit par un auteur, est un séquencement
d’étapes, appelées les scènes, chacune
décrivant des données sur le problème à résoudre,
appelées les entités. D’autre part, dans chaque
scène est spécifiée la décision prise par
l’auteur qui lui permet de passer à l’étape
suivante de son cas. Cette décision se nomme une action.
Les actions matérialisent la décision de l’auteur
face à la scène décrite et permettent de passer à
la scène suivante, autrement dit de continuer le récit du
cas. Ainsi, les scènes sont regroupées dans le niveau
des scènes, les entités et les actions sont regroupés
dans le niveau des concepts.
La création d’un cas permet alors, à l’expert
d’illustrer un (des) objectif(s) pédagogique(s) global(baux).
Cependant, le cas n’est pas fondé sur une interaction très
riche et n’autorise pas une exploration très poussée
de la situation par l’apprenant. Le cas prend plutôt une forme
démonstrative qui permet à l’apprenant d’étudier
un cas de façon linéaire tout comme l’aurait décrite
préalablement l’expert. Afin de permettre à l’apprenant
d’être mis dans une situation telle que le système
l’autorise à effectuer des analogies entre des situations
déjà vécues et connues (“autre
cas”) et donc de combiner ses prises de décisions,
le système va alors constituer ce que nous avons appelé
des environnements exploratoires. Ces environnements sont regroupés
dans le niveau des environnements de la couche environnement.
Nous commençons dans la section suivante à présenter
le niveau des cas de la couche domaine, puis nous aborderons
ensuite le niveau des scènes et enfin le niveau des concepts.
Enfin, le niveau des environnements de la couche environnement
sera décrit.
5.1. Le niveau des cas de la couche domaine
Le niveau des cas décrit la structure des cas dans le système
SBDC. Ces cas constituent des exemples de
résolution de problème. Ainsi, un cas est composé
d’une suite de scènes et de transitions entre celles-ci.
De plus, il est important de souligner qu’un cas illustre un ou
plusieurs objectifs pédagogiques. Un objectif pédagogique
représente une stratégie que l’on souhaite privilégier
dans le cas, en vue de l’enseigner. Il permet également de
préciser l’objectif d’apprentissage sous-jacent à
l’étude de ce cas. Par exemple, un objectif pédagogique
pourrait être “apprendre à placer
les clients, en privilégiant la rentabilité”.
Ici, l’objectif d’apprentissage sous-jacent est “apprendre
à placer ses clients” et la stratégie est “privilégier
la rentabilité”. La figure 7 ci-dessous représente
la structure d’un cas dans le niveau des cas.
Figure 7 : Structure d’un cas dans le niveau
des cas
Sur cette figure 7, on peut voir qu’un cas comporte tout d’abord
un nom, un auteur, et des commentaires. Le nom du cas peut être
donné par l’auteur. Les commentaires visent à recueillir
une chaîne de caractères permettant à l’auteur
de décrire librement la thématique principale du cas. Un
cas est donc constitué d’un séquencement de scènes,
représentant chacune une étape du cas. Décrire un
cas revient à décrire l’une après l’autre
chacune des étapes du déroulement du cas, c’est-à-dire
chacune de ses scènes. Voyons donc maintenant, la description du
niveau des scènes de la couche domaine.
5.2. Le niveau des scènes de la couche domaine
La couche des scènes, comme son nom l’indique, est
composée de concepts appelés scènes. Une scène
vise à représenter, à un instant donné, l’ensemble
des informations proposées à l’apprenant. Ces informations
lui sont fournies sous la forme d’entités et d’actions.
L’idée de départ consistait à définir
la sémantique d’une représentation visuelle de la
“scène”, telle qu’elle
apparaîtra à l’écran. Cette visualisation, qui
peut avoir l’aspect d’un décor sous forme de
photographies, de schémas, ou d’animation vidéo, peut
être annotée en utilisant des approches classiques en
hypermédia (une zone de l’écran faisant références
aux entités de la couche domaine). Par exemple, sur la photo
de la salle de restaurant, le marquage d’un rectangle et sa désignation
comme étant une entité “table
ronde”, signifie que le rectangle est défini comme
zone sensible et a toutes les caractéristiques des entités
tables rondes modélisées dans le niveau des concepts
de la couche domaine.
Des propriétés plus spécifiques à la scène
peuvent également être attachées aux entités
de cette scène. Par exemple, la scène peut souligner visuellement,
l’importance d’une entité de type “signe
clinique”, définissant “un
genou épanché”, en l’attachant à
une zone sensible montrant précisément un genou épanché.
Une scène peut alors être représentée “visuellement”
par une vidéo de l’interrogatoire d’un patient où
des zones d’information sont identifiées et attachées
aux entités issues de la couche domaine. Les scènes
reliées entre-elles par des actions constituent alors un cas, regroupé
dans la couche des cas. La figure 8, ci-dessous, visualise la structure
des scènes dans le niveau des scènes.
Figure 8 : Structure des scènes dans le niveau
des scènes
Ainsi, un cas est composé d'un ensemble de scènes, chaque
scène représentant une étape dans le déroulement
du cas. Le cas apparaît alors comme une “histoire
exemplaire”, constituée d’une suite de scènes,
liées entre-elles par des actions transitions regroupées
dans le niveau des concepts de la couche domaine. La section
suivante présente ce niveau.
5.3. Le niveau des concepts de la couche domaine
Le niveau des concepts permet de représenter les concepts,
éléments atomiques divisés en entités et en
actions. Les entités représentent des objets, des
personnages ou des évènements attachés à la
situation professionnelle décrite dans la section 2. Celles-ci,
au-delà de leur description “physique”,
peuvent être source d’information et peuvent enrichir de ce
fait, le niveau d’information du système. On retrouve en
particulier des entités requêtes, activées
par l’apprenant et qui ont pour effet de révéler une
information et entités auto-actives qui se déclenchent
automatiquement, en présence d’un déclencheur, pour
fournir une information additionnelle.
Les actions portent sur des groupes d’entités et
ont pour effet d'informer ou de passer à une autre scène.
Une action est définie par ses pré-requis (évènements
indispensables pour son activation), par ses déclencheurs
(évènements qui conduisent à choisir l’action),
par une description de ses effets (modification ou information
d’une ou de plusieurs entités) et enfin, par ses paramètres.
De plus, une action permet de passer d’une scène à
une autre scène. Nous avons ainsi, défini deux types d'action:
les actions terminales (qui font suite à un choix erroné
ou qui clôturent un cas) et les actions de transition (qui
permettent de passer à une autre scène d'un cas).
Ainsi, lorsque les connaissances de la couche domaine sont fournies
au système et lorsque celui-ci possède suffisamment de cas
intéressant, il peut alors constituer un environnement exploratoire.
En effet, un cas étudié par un apprenant reflète
comme nous venons de le souligner un “cas d’école”
isolé, et n’autorise pas à lui seul, une exploration
complète de la situation étudiée. Notamment, il ne
permet pas de prendre en compte le raisonnement par analogie à
des situations connues. La section suivante présente ce niveau.
5.4. La couche des environnements exploratoires
Le schéma de gauche, de la figure 9 ci-dessous, représente
une collection de trois cas, comportant un nombre inégal de scènes
(identifiées par des ronds). Le schéma de droite illustre
un exemple d’environnement de simulation créé à
partir de cette collection. Les ronds matérialisent des scènes
décrites dans la section 5.2, et les flèches horizontales
représentent les actions transitions applicables à ces scènes.
Les flèches obliques représentent des actions spécifiques,
qualifiées de branchements permettant de passer d’une scène
d’un cas à une autre scène d’un autre cas.
Figure 9 : Cas et environnements exploratoires
Ces environnements exploratoires permettent de représenter au
mieux les choix possibles de la réalité. Ils permettent
ainsi à l’étudiant un entraînement dans des
conditions “proches” de cette réalité.
Cependant, la figure 11 n’illustre qu’imparfaitement cette
réalité qui est beaucoup plus complexe. Ainsi, si plusieurs
transitions sont systématiquement envisagées à partir
de chaque scène et si la profondeur de la résolution
est de 5 ou 6, il faudrait, a priori, disposer de plusieurs centaines
de scènes, reliées entre elles pour décrire toutes
les configurations. Une telle situation est exceptionnelle, certes, mais
possible, dans la “réalité”.
On peut ainsi, trouver quelques résultats mathématiques
qui admettent une démonstration où dans plusieurs étapes
successives, il y a un véritable choix de méthodes (par
exemple le théorème de d’Alembert Gauss ou Zorn) ou
encore des diagnostics de panne particulièrement complexes. Ces
exemples fournissent des types de situations réelles, qui dans
le cadre d’un environnement didactique ne pourront être utilisés.
En effet, dans ces situations complexes les difficultés ne sont
pas sériées, isolées, décomposées comme
dans une “bonne” pratique pédagogique.
Le choix d’une résolution de problèmes adaptée
pour illustrer un ou quelques objectifs pédagogiques va s’accompagner
d’une simplification des situations concomitantes à une réduction
du graphe des parcours possibles. On peut alors remarquer que la constitution
des environnements exploratoires consiste à identifier, les possibilités
de branchements entre ces cas. La figure 10, ci-dessous, visualise la
structure des environnements exploratoires dans le niveau des environnements.
Figure 10 : Structure des environnements exploratoires
dans le niveau des modèles environnements
Ainsi, nous avons décrit dans cette section le modèle générique
du module connaissance-expert. Il nous paraît important de souligner
que la phase de conception nous a conduit, à élaborer un
modèle indépendant de tout domaine d’application :
le modèle générique. Cette généricité
vise à permettre la modélisation de connaissances sur un
domaine (les concepts) et le recueil d’exemples scénarisés
d’utilisation de ces connaissances (les cas).
De plus, afin de valider la généricité de notre
modèle, nous avons élaboré un Système Auteur.
L’objectif de ce système était aussi de faciliter
le travail individuel des experts et de permettre d’assurer une
cohérence entre les expertises émanant d’individus
différents. La section suivante décrit donc le Système
Auteur et la démarche suivie.
6. L’implantation du système auteur
Dans cette section, nous allons, dans un premier temps, aborder la démarche
commune qui a été retenue afin d’élaborer notre
Système Auteur, puis dans un deuxième temps nous focaliserons
sur la création d’une entité et d’une action.
Enfin, nous aborderons la constitution de l’environnement de simulation
et nous conclurons sur notre première expérimentation.
6.1. Une démarche commune du système auteur
La première étape a été de valider une démarche
commune du Système Auteur, permettant de guider l’expert
dans la constitution de ses cas. Un cahier des charges a alors été
réalisé et validé. Un environnement multi fenêtré
et enrichi de barres d'outils spécifiques pour la description des
concepts a été choisi. Ainsi, au départ, le système
propose à l’auteur de :
-
Choisir, une situation de départ, un
objectif visé, une stratégie de résolution
et l’environnement apprenant (environnement dans lequel
l’apprenant va évoluer).
-
Choisir, parmi une liste d’indicateurs
affichée, les indicateurs qu’il juge pertinents en fonction
de la stratégie de résolution choisie.
-
Choisir et classer, parmi une liste de critères
affichée, les critères judicieux.
Le système va ensuite guider l’auteur, scène par
scène et va proposer pour une action donnée, les actions
associées aux entités correspondantes. Il effectue alors
deux filtres sur les actions. Le premier filtrage s’effectue par
rapport à la scène : les actions dont tous les pré-requis
ne figurent pas dans la scène sont éliminées et les
actions dont les déclencheurs figurent dans la scène
sont conservées. Le second filtrage s’effectue en référence
aux objectifs pédagogiques, parmi celles qui subsistent. Parmi
toutes ces actions applicables, les transitions sont celles qui
aboutissent à une scène répertoriée. La démarche
adoptée est la suivante :
- L’auteur commence par décrire les entités de la
scène en cours de construction.
- Le système propose ensuite :
-
Les actions dont les pré-requis sont déjà
vérifiés dans la scène ou celles qui agissent
sur les entités.
-
Les critères suivants sont destinés
à expliciter les choix de groupes d’actions proposés
par les experts, dans un contexte pédagogique préalablement
défini et permettant également de limiter l’explosion
combinatoire :
-
Situation 1/ L’action correspond
à une règle stricte, elle a alors un caractère
obligatoire.
-
Situation 2/ L’action correspond
à la violation d’une règle stricte.
-
Situation 3/ L’action correspond
à une pratique reconnue et directement justifiable
dans le contexte. Elle correspond à une règle
contextuelle.
-
Situation 4/ L’action correspond
à une erreur fréquemment commise et directement
explicable. Elle correspond également à une
règle contextuelle (erronée).
-
Situation 5/ L’action choisie
constitue une transition entre deux scènes d’un
“cas interactif”
déjà référencé.
-
Situation 6/ Il existe une scène
“similaire” à
la scène courante et pour laquelle l’action choisie
a l’une des caractéristiques énoncées.
- Le système choisit les actions qu’il considère
comme admissibles dans la situation décrite et choisit l’action
“transition”.
Ce processus est ainsi, réitéré jusqu’à
la description finale du cas traité. L’auteur décrit
alors pour chaque scène, des entités et des actions, dont
certaines sont des actions transition, qui permettent de relier
une scène à une autre scène, afin de constituer un
cas.
Dans la situation 2, l’affichage d’un message d’erreur
préétabli, ou comportant des paramètres instanciables
(situation 4) permet de résoudre le problème, sans modification
de situation. La situation 5 permet quant à elle de ramener à
une situation connue.
Les situations 1 et 3 renvoient à des situations classiques des
Systèmes Tutoriel Intelligent : la nouvelle “scène”
est dérivée de l’ancienne par application d’une
règle (stricte ou contextuelle). La description logique de la nouvelle
scène est aisée si les objets intervenants dans les règles
sont identiques à ceux figurant dans les scènes considérées,
ce qui semble être aussi une évidence pédagogique.
Si nous adoptons cette contrainte pour la définition des règles,
il est possible de rendre compte physiquement de l’évolution
du système de deux façons :
-
Modifier automatiquement les représentations
visuelles des attributs modifiés par application de la règle.
Ceci est réalisable lorsque la scène est visualisée
sous forme d’une image vectorielle 2D ou 3D résultant
de la “superposition” d’objets
plus élémentaires. L’infographie en général,
des langages tels VRML et les “avatars”
sont des technologies permettant cette réalisation.
-
Par contre, la définition des rétroactions
d’un système à base vidéo n’est pas
évidente. On se contentera dans une première phase de
disposer d’une description sémantique associée
à la description visuelle, et d’effectuer les modifications
à ce niveau sémantique .
En fait la principale difficulté correspond à la situation
6, et plus précisément dans la définition de la “similarité”
entre deux scènes. Les situations 5 et 6 renvoient donc, à
la création les environnements exploratoires.
Voyons maintenant dans le détail, le processus de description
d’une entité et celui d’une action.
6.2. La description d’une entité
Lors de la description d'une entité, le problème réside
dans le fait que l'auteur décrit sa connaissance de manière
“implicite”. En effet, selon la
description de la scène dans laquelle il se trouve, il peut vouloir
créer une nouvelle entité à partir d'une nouvelle
classe, créer une nouvelle entité à partir d'une
classe déjà existante ou bien encore créer une nouvelle
entité à partir d'une nouvelle classe, elle-même créée
à partir d’une classe déjà existante.
Néanmoins, l'auteur ne possède généralement
pas de notions de formalisme objet, lui permettant de savoir précisément
dans laquelle de ces situations, il se trouve. Ainsi, le système
doit être capable d'identifier ces éventualités en
fonction des informations données par l'auteur. L'auteur est guidé
dans sa description grâce à une succession de boîtes
de dialogue. Une typologie des boîtes de dialogue a été
élaborée et nous verrons dans la section suivante, un exemple
concernant la création d’une action. Ainsi, la notion d'action
“apprenant” est décrite
par l'auteur lors de la création d'une scène. La description
de cette action fait l’objet de la section suivante.
6.3. La description d’une action
Le système auteur permet à l’auteur de décrire
de façon formelle, pour une scène donnée, l’action
qu'il a été amené à réaliser dans la
scène durant son “expérience”.
Le système vise alors à obtenir une collection de classes
d'actions possibles dans le domaine considéré. Pour cela,
l’auteur définit l’action par son nom et fournit un
ensemble de pré-requis. Ainsi, l'auteur peut : créer une
nouvelle action et donner les particularités de son application
dans la situation présente ; utiliser une action déjà
définie et donner les particularités de son application
dans la situation présente.
Le système guide l'auteur dans sa collection d'actions. Ainsi,
une succession de boîtes de dialogues permet d'assurer ce guidage,
en fournissant notamment l'accès à la liste des actions
applicables, dans une situation donnée. Une typologie des boîtes
de dialogues a été définie et la figure 11 ci-dessous,
décrit les différents choix proposés à l'auteur
durant sa description. La figure 12 présente la boite de dialogue
correspondante.
Figure 11 : Processus de description d’une
action
Figure 12 : Ecran correspondant
En tout premier lieu, le système procède à la comparaison
des pré-requis de chaque action répertoriée avec
les entités décrites par l'auteur depuis le début
du cas. Cette phase a ainsi pour objectif d'extraire l'ensemble des actions
applicables dans la scène que l'auteur a décrit. Deux situations
ont alors été identifiées (branches 1 et 2 sur la
figure 11) :
-
Il existe un ensemble non vide d'actions applicables
: le système propose alors à l'auteur la liste de ces
actions (boîte de dialogue n° 1). Si celui-ci sélectionne
l'une de ces actions, il a alors la possibilité de créer
directement une nouvelle instance de cette action en entrant directement
dans la boîte de dialogue n° 4 prévue à cet
effet.
-
l'auteur a la possibilité de choisir l'option
“nouvelle”, dans la liste des
actions applicables. Dans ce cas, il entre dans une boîte de
dialogue intermédiaire, lui permettant de spécifier
le nom et l'ensemble des pré-requis de cette action. Une fois
la description réalisée, il peut alors créer
l’instance issue de la nouvelle action.
-
Il n'existe aucune action applicable : le système
propose alors à l'auteur, soit de stopper sa description, soit
de décrire une nouvelle action (boîte de dialogue n°
5). Dans ce dernier cas, le procédé est le même
que précédemment, lorsqu'il sélectionne l'option
“nouvelle” dans la liste des
actions applicables.
L’expert décrit ainsi son cas, guidé par le Système
Auteur. Puis, lorsque suffisamment de cas sont rentrés, le module
appariement du Système Auteur intervient en déclenchant
son algorithme général, qui cherche les proximités
entre deux cas, afin de constituer des environnements exploratoires. La
section suivante présente le module appariement.
6.4. Le module appariement du Système Auteur
Comme il a été précisé dans la section 5,
les environnements exploratoires visent à représenter au
mieux les choix possibles de la réalité. Ils permettent
ainsi, à un apprenant, un entraînement dans des conditions
“proches” de cette réalité. La constitution
de ces environnements exploratoires consiste à identifier, les
possibilités de branchements entre deux cas. La signification des
proximités entre les cas d’une même base a alors été
réalisée. Cette étude a fait l’objet d’un
mémoire de DEA [Joiron98].
Afin de constituer les environnements exploratoires, un algorithme d’appariement
est déclenché par le module appariement. Tout d’abord,
la proximité entre les cas est évaluée globalement,
relativement aux objectifs pédagogiques assignés aux cas.
Ceci vient du fait qu’il est difficile de considérer que
deux cas, illustrant des objectifs pédagogiques complètement
différents, peuvent s’avérer proches. Il faut également
se placer dans la situation de l’apprenant qui, dans une scène
donnée, fait le choix d’une action de type branchement. Son
choix se traduit alors par le passage de cette scène, vers une
autre scène d’un autre cas. Ce passage doit nécessairement
conserver une cohérence dans les objectifs pédagogiques
qu’il suit. Ainsi, les objectifs pédagogiques des deux cas,
sources et cibles du branchement, doivent être similaires.
Par ailleurs, la proximité a également été
notifiée selon une dimension locale, en tenant compte du contexte
spécifique de la scène à partir de laquelle un branchement
est possible. En effet, lorsque l’apprenant se trouve dans une scène
donnée et qu’il choisit une action correspondant à
un branchement, il est nécessaire que le contexte de la scène
d’arrivée soit relativement proche de celui de la scène
de départ. Ainsi, pour constituer les branchements possibles à
partir d’un cas donné, l’expert lors de la création
de son cas, précise les scènes, à partir desquelles
il juge qu’un branchement par analogie est possible. En effet, celui-ci
sait par expérience, dans quelles situations une analogie de raisonnement
dans la prise de décision est envisageable. Ces scènes constituent
alors les scènes de départ. L’algorithme déclenche
ensuite, un premier filtrage de la base de cas afin de collecter les cas
ayant des objectifs pédagogiques similaires au cas de départ.
Enfin, parmi tous les cas issus du premier filtrage, il est déterminé
quelle est la scène la plus similaire à la scène
de départ. Le cas comportant cette scène similaire est appelé
le cas d’arrivée. Puisque ces deux scènes sont semblables,
un branchement est alors placé entre la scène départ
et la scène qui suit la scène similaire dans le cas d’arrivée.
Afin de tester notre Système Auteur, nous avons ensuite été
amenés à choisir un champ d’expérimentation.
Nous avons alors décidé de travailler dans un premier temps
sur le domaine professionnel du serveur de restaurant. Puis, nous avons
continué avec le domaine de la Rhumatologie. La section suivante
présente un premier bilan de cette expérimentation.
6.5. Un bilan d’une première expérimentation
Suite à cette première expérimentation, nous avons
entamé une réflexion sur le contexte d’utilisation
du Système Auteur. En effet, cette expérimentation nous
a permis d’effectuer plusieurs constats.
Il semblait délicat pour les auteurs d’appréhender
la constitution même d’un cas et de le décomposer en
scènes, en actions et en entités, sans une “explicitation”
précise du cas. En particulier, nous avons rencontré une
certaine difficulté chez nos experts à créer de nouveaux
type d’entités (manque de temps, trop de contraintes, trop
de travail). Par exemple, les signes d’anamnèse font partie
du vocabulaire couramment utilisé chez un médecin, cependant,
la description de ces signes en terme “d’attributs”
n’est pas innée. C’est pourquoi, toute l’étape
de formalisation des types de concepts a été réalisée
avec notre participation active, notre expert intervenant surtout pour
la validation. En contrepartie, le modèle conceptuel était
suffisamment riche et générique pour constituer des environnements
exploratoires.
Différentes possibilités s’offraient alors à
nous. La première nous orientait vers la création d’un
noyau minimal de concepts qui pourrait être basé sur une
ontologie. Avec ce noyau initial, les médecins pourraient avoir
l’aide d’un guidage ontologique et l’instanciation de
concepts, de scènes et de cas, à partir de types de pré-définis
serait un mécanisme plus facile à acquérir. La seconde
possibilité nous orientait plutôt vers la confrontation de
la notion de cas, à d’autres contextes pédagogiques.
Le fait de tester d’autres environnements d’apprentissage
en réutilisant la notion de cas nous permettrait alors de confronter
aussi le processus de prise de décision.
Ainsi au début de l’année 2000, de nouvelles directions
ont été proposées au système SBDC.
Nous nous sommes alors dirigés vers la conception de systèmes
supports d’apprentissage à distance. En effet, à cette
époque, l’élargissement du réseau Internet
bouleversait les modes d’enseignement et l’utilisation des
Technologies de l’Information et de la Communication dans les systèmes
d’Enseignement (TICE) passait par l’intégration
de la notion de distance.
De plus, les possibilités d’échange offertes par
Internet, notamment via des forums de discussions favorisaient les interactions
entre tous les acteurs d’une formation à distance. Ces possibilités
d’échanges permettaient la confrontation de points de vue
et d’expériences, notamment dans les formations professionnelles
pour lesquelles l’apprentissage se fondait principalement sur l’étude
d’expériences exemplaires. Nous nous sommes alors intéressés
aux interactions entre apprenants et à la confrontation du processus
de prise de décision, dans un cadre distanciel et bien sûr
à la généricité des cas. C’est ainsi
que, nous avons souhaité explorer et expérimenter une autre
forme d’apprentissage : l’apprentissage entre pairs.
Nous allons donc maintenant aborder cette problématique.
7. Vers la conception de systèmes supports
d’apprentissage pour la formation à distance
Le système support d’apprentissage présenté
ici est partiellement fondé sur une adaptation du système
SDBC. En effet, l’idée générique
de nos recherches visait à étudier les possibilités
de mise en place d’un système support d’apprentissage
entre pairs pour la FMC (Formation Médicale
Continue). Ce travail a fait l’objet de la thèse de Céline
Joiron [Joiron02].
Ainsi, l’objectif du forum DIACOM
(Discussions Interactives à bAse de Cas pour la fOrmation Médicale)
vise un apprentissage de la prise en charge de la douleur chez l’enfant.
Nous souhaitions alors appliquer nos travaux antérieurs et exploiter
l’utilisation de cas dans d’autres contextes pédagogiques.
Nous souhaitions également confronter le processus de prise de
décision à distance et apporter une dimension collective :
inciter les discussions entre praticiens à propos de cas cliniques
médicaux, et ce de façon asynchrone, sur Internet. Ces questionnements
ont fait l’objet de communications antérieures [JoironLeclet01b],
[Joiron02].
Le choix de la FMC comme terrain d’expérimentation
nous permettait également de proposer un environnement interactif
pour une formation professionnelle à distance. En effet, la plupart
des offres de formation continue, basées sur l’apprentissage
entre pairs, étaient à l’époque périodiques
et présentielles. Or, les médecins n’avaient pas toujours
la possibilité de participer régulièrement à
ce type de réunions. Proposer un système informatique permettant
une mise en place, à distance, de ce type d’apprentissage
entre pairs, sans imposer la moindre contrainte de temps et de lieux à
ces praticiens, prenait alors un certain intérêt. L’idée
d’un forum de discussion dit “interactif”
a alors été présentée dans [Joiron99].
De plus, la prise en charge de la douleur chez l’enfant est apparue
comme un domaine d’expérimentation intéressant à
cause de l’absence de protocoles définis dans les établissements
de santé français. En effet, selon Fournier-Charrière,
dans les services de pédiatrie "la
douleur n’est pas encore prise en compte de façon systématique
dans la démarche thérapeutique" [FournierCharrière99].
En fait, il s’agit d’un domaine auquel le corps médical
accorde de plus en plus d’importance et de nombreux ouvrages témoignent
de l’intérêt porté par la communauté
des pédiatres au sujet [EcoffeyMurat99].
Cette démarche a été délibérée,
car nous souhaitions, avoir une démarche de conception participative
et confronter notre modèle conceptuel à un autre domaine
d’application afin de commencer à confirmer nos hypothèses
de généricité. Enfin, notre principale motivation
résidait dans le contenu même des cas cliniques du domaine.
Prendre en charge la douleur nécessitait tout d’abord de
l’évaluer et de la traiter. Or, les stratégies et
les modes d’évaluation de la douleur sont généralement
compliqués par le jeune âge des patients. Ainsi, les cas
pouvant être décrits, présentent des stratégies
de résolution de problèmes originales totalement basées
sur l’expérience des praticiens.
Nous avons donc travaillé avec un expert privilégié,
le Docteur François Marie Caron, Pédiatre libéral
et praticien hospitalier au Centre Hospitalier Régional Universitaire
d’Amiens. Ce pédiatre travaillait également sur un
champ disciplinaire autre que celui de la Rhumatologie, la douleur chez
l’enfant.
Ainsi, l’objectif de cette section est de présenter quelle
adaptation a été faite du système SBDC
pour concevoir le forum DIACOM. Dans un premier
temps et ce afin de permettre une meilleure appréhension des adaptations
qui ont été faites, nous décrivons l’architecture
du forum. Dans un deuxième temps, nous aborderons le fonctionnement
de celui-ci.
7.1. L’architecture du forum DIACOM
L’architecture du forum DIACOM se
compose de trois modules : le module interface, le module appariement
et le module connaissances. Le module interface se charge de l’interaction
entre l’utilisateur et le système. Ce module est composé
de deux interfaces : DIACOM-IA (DIACOM
Interface Auteur) et DIACOM-ID (DIACOM Interface
de Discussion). L’interface auteur permet à un médecin
de décrire un nouveau cas clinique sur le forum. L’interface
de discussion donne, quant à elle, accès aux discussions
ouvertes sur le forum DIACOM. Par le biais de cette dernière, un
médecin a la possibilité de savoir à quel cas son
propre cas a été apparié, et selon quels critères.
Il peut encore consulter l’ensemble des cas stockés sur le
forum. Cette architecture modulaire a été présentée
dans [JoironLeclet01a]
et [JoironLeclet01b].
Le module appariement vise à prendre en charge l’appariement
dans le forum. Cet appariement est géré par un algorithme
qui extrait de chaque cas entré dans le système, les critères
nécessaires à son appariement. Ensuite, un algorithme d’appariement
effectue une comparaison entre les critères de ce nouveau cas et
les critères appartenant à chaque cas stocké antérieurement.
Cette comparaison aboutit à extraire un cas, pertinent par rapport
au nouveau cas, dont l’auteur présente des centres d’intérêts
communs.
Le module connaissances se compose de deux couches : la couche domaine
et la couche modèle. La couche domaine contient les “connaissances”
manipulées par le système. Ces connaissances sont les cas,
les concepts utilisés pour décrire les cas, ainsi que toutes
les informations relatives à l’appariement de ces cas. La
couche modèle est composée des modèles relatifs aux
connaissances stockées dans la couche domaine. La couche domaine
correspond alors à l’instance de la couche modèle.
Figure 13 : Architecture du forum DIACOM
Chacune de ces deux couches est composée de quatre niveaux. Ces
niveaux visent à différencier les types de données
existant au sein du forum. Ainsi, le niveau des concepts représente
les concepts (entités et actions) du domaine. Le niveau des cas
permet de représenter les connaissances relatives aux cas. Enfin
le niveau des critères et des appariements permet de représenter
les connaissances nécessaires pour effecteur un appariement entre
deux cas. La section suivante présente le scénario de fonctionnement
du forum DIACOM.
7.2. Le scénario de fonctionnement du forum DIACOM
La figure 14 ci-dessous, schématise le fonctionnement du forum
DIACOM, sous une forme scénarisée.
L’objectif de ce diagramme est de représenter les interactions
effectives entre les différents éléments du forum,
tout au long du “scénario”.
Ces interactions matérialisées par des flèches. Un
étiquetage et une numérotation de ces flèches permettent
de faire apparaître le séquencement dans le temps de ces
interactions.
Un apprenant médecin commence par décrire un nouveau cas
à travers l’interface DIACOM-IA.
Le premier niveau de la couche domaine, intervenant dans le scénario
de fonctionnement, est donc le niveau des types de concepts. DIACOM-IA
commence, en effet, par interroger ce niveau et les types de concepts
nécessaires à l’apprenant pour décrire son
cas lui sont retournés (flèches 1 et 2). Une fois le cas
décrit, il est envoyé dans la couche domaine du forum DIACOM
(flèche 3). Si de nouveaux types de concepts ont été
décrits par l’apprenant, à travers le cas, le niveau
des types de concepts est mis à jour (flèche 4). Le cas
est, lui-même, stocké dans le niveau des cas (flèche
5).
Le module appariement est ensuite mis en œuvre grâce au déclenchement
de son algorithme général (flèche 6). Ce dernier
lance l’algorithme d’extraction de critères (flèche
7) qui extrait du nouveau cas, les critères utilisés pour
son appariement (la pathologie, les objectifs et la stratégie).
Ces critères sont alors sauvegardés dans le niveau des critères
(flèche 8).
Figure 14 : Fonctionnement du forum DIACOM
Une fois l’extraction de critères terminée, l’algorithme
d’appariement proprement dit est déclenché (flèche
9). Cet algorithme compare les critères du nouveau cas avec ceux
des cas stockés au préalable, en se référant
au niveau des critères de la couche domaine (flèches 10
et 11). Une fois un appariement pertinent mis en évidence, l’algorithme
d’appariement sauvegarde les informations relatives à cet
appariement dans le dernier niveau de la couche domaine : le niveau
des appariements (flèche 12).
Chaque nouvel appariement inscrit dans ce niveau engendre enfin la mise
à jour de l’interface de discussion par l’ouverture
d’une nouvelle discussion sur le forum (flèches 13 et 14).
Les discussions peuvent alors avoir lieu dans l’interface de discussion
et ces discussions sont enregistrées dans la couche des discussions
(flèche 15).
Après avoir abordé le fonctionnement du forum, voyons donc
maintenant quelle a été l’adaptation faite du système
SBDC.
7.3. Du modèle SBDC au modèle DIACOM
Le dispositif envisagé dans DIACOM
est partiellement fondé sur une adaptation du système SBDC.
En effet, une contribution d'un apprenant dans ce forum est un cas que
cet apprenant peut structurer à travers une interface adaptée.
Cette phase de description permet de fournir à l’apprenant
l’opportunité de formaliser son opinion. Suite à cette
phase descriptive, le système effectue un appariement des cas en
les comparant à la fois sur leurs similitudes et leurs différences.
Cet appariement concerne les nouveaux cas et les cas stockés antérieurement
dans la base. Une fois un appariement satisfaisant mis en évidence,
le système peut procéder à la mise en relation des
apprenants aux centres d'intérêt communs. Cette mise en relation
est en fait une incitation des auteurs des cas appariés à
venir interagir sur le forum et ce de façon asynchrone. L’objectif
est alors un apprentissage par la discussion.
Ainsi, une partie du modèle conceptuel SBDC
a été reprise, en particulier l’idée de structurer
les cas selon une suite de scènes séparées par des
actions-transitions. Cependant, la notion de scène a été
adaptée. En effet, tout d’abord les cas sont décrits
par des médecins pairs, pour des médecins expérimentés.
Il n’est donc pas nécessaire de proposer dans chaque scène
plusieurs actions possibles, aboutissant certaines fois à des erreurs
identifiées. Par ailleurs, les cas ne sont plus destinés
à être explorés par les praticiens, mais à
être comparés et confrontés. Ainsi, le principe des
environnements interactifs et des branchements n’est plus nécessaire.
La couche des environnements et la couche des scènes ont donc été
supprimées.
De plus, l’idée d’apparier des cas a également
été reprise. Cependant, l’appariement dans le forum
de discussions interactives est radicalement différent de l’approche
proposée dans le projet SBDC. En effet,
il s’agit ici de comparer les stratégies de résolution
de problèmes, décrites par les praticiens à travers
leurs cas et non plus d’étudier les possibilités de
branchement entre des cas d’experts. Le module appariement permet
donc un appariement fondé sur des critères identifiés
(la pathologie, les objectifs et les stratégies). Cet appariement
utilise alors des distances locales pour comparer les critères
et des distances globales pour apparier des cas. Ainsi, deux couches ont
donc été ajoutées pour gérer les appariements :
la couche des critères qui comporte les critères d’appariement
et la couche des appariements qui maintient la “mémoire”
de ces appariements.
Pour conclure notre propos sur le forum DIACOM,
nous pouvons dire que celui-ci permet à des praticiens de décrire
à distance des cas cliniques issus de leur propre expérience.
Le modèle générique permet de représenter
cette expertise. Le module appariement effectue des rapprochements entre
les cas, en se basant sur leurs différences. Ce module s’appuie
alors sur un modèle spécifique dépendant du domaine.
Les auteurs dont les cas ont été appariés sont ensuite
incités par le système à interagir, à travers
une interface de discussion asynchrone.
La réalisation d’un prototype a permis de valider l’expérimentation
du domaine de la prise en charge de la douleur chez l’enfant, de
valider également le modèle et enfin, d’effectuer
une première validation du module appariement sur le corpus.
Ainsi, après avoir abordé l’adaptation faite du système
SBDC pour créer le dispositif DIACOM,
nous pouvons maintenant conclure sur cette communication en présentant
dans la section suivante, un bilan de ces travaux de recherche, concernant
les réalisations et apports scientifiques. En second lieu nous
exposerons, nos recherches actuelles et nos perspectives.
8. Conclusion
Cet article a présenté la synthèse de recherches
relatives à la prise de décision dans des contextes professionnels
variés. Ainsi, l’objectif de cette communication visait à
décrire le système SBDC qui
a constitué la genèse de travaux menés depuis trois
ans, au sein de l’axe TICE du laboratoire
Sa.So.
Le système SBDC permet, en fait,
de concevoir des environnements exploratoires interactifs pour l’apprentissage
de la prise de décision dans des contextes professionnels. Ces
environnements permettent alors de reproduire (simuler) des situations
professionnelles pour lesquelles, il n’existe pas de modèle
formel, mais plutôt un modèle déduit d’une collection
de cas. Le système “Simulation à
Base de Cas” offre, alors, à un apprenant, un cadre
d’apprentissage proche de son environnement réel d’activité.
Dans un premier temps, nous avons dégagé un modèle
du comportement des experts combinant raisonnement déductif et
inductif, puis une formalisation didactique permettant de définir
un cadre général d’entraînement à la
prise de décision. Nous avons ensuite proposé une architecture
du système SBDC. Nous avons alors
choisi une architecture modulaire, se basant sur des modèles en
couches. Cet ensemble de travaux s’est concrétisé
par l’implantation d’un logiciel auteur qui a été
testé sur un domaine médical d’expérimentation.
Cette première expérimentation nous a alors permis de dresser
un premier bilan. Il semblait délicat pour un médecin d’appréhender
la constitution même d’un cas et de le décomposer en
scènes, en actions et en entités, sans une “explicitation”
précise du cas. En contrepartie, le modèle conceptuel était
suffisamment riche et générique pour constituer des environnements
exploratoires. Ainsi, de nouvelles orientations ont été
envisagées. En effet, nous nous sommes alors intéressés
aux interactions entre apprenants et à la confrontation du processus
de prise de décision, dans un cadre distanciel et bien sûr
à la généricité des cas. Nous avons également
souhaité explorer et expérimenter une autre forme d’apprentissage :
l’apprentissage entre pairs. Ces nouvelles orientations nous ont
conduit à étudier, concevoir et expérimenter un système
support d’apprentissage entre pairs, dans le cadre de la Formation
Médicale Continue et à distance : le forum DIACOM.
Ainsi, l’apport scientifique concernant la conception de ces systèmes
supports d’apprentissage de pratiques professionnelles relatives
à l’utilisation de cas est de proposer des modèles
génériques en couches. En effet, les modélisations
en couche sont généralement utilisées dans le cadre
de recueil d’expertises et de Systèmes à Bases de
Connaissances. Ainsi, peu de systèmes éducatifs utilisent
ce type de modélisation. En fait, le principal avantage de modéliser
des connaissances à enseigner sous la forme de couches est que
l’on peut ré-utiliser une partie (couche) du modèle
pour d’autres contextes d’apprentissage. C’est ce qui
a été fait dans le cadre de DIACOM.
A l’heure actuelle, nous envisageons d’exploiter l’approche
distancielle et collective des recherches menées à partir
du système SBDC. En premier lieu,
rappelons que la réflexion menée sur les modalités
de la conception fut à l’origine de la création de
la plate-forme INES, qui est actuellement
utilisée dans le cadre du projet campus numérique international
e-miage.
Ainsi, notre recherche actuelle s’oriente vers la création
d’outils d’aide à l’enseignant, intégrables
dans des plates-formes d’enseignement à distance. Cette recherche
a démarré en 2001 avec le projet SYSMOOSE3
qui vise la création de systèmes supports de méthodes,
pour concevoir et organiser des services et ressources pédagogiques
en ligne, s’intégrant dans une infrastructure de type “plate-forme”.
Ce travail de recherche a fait l’objet de communications récentes
[LapujadeLeclet03a],
[LapujadeLeclet03b]
et [CravoisierLeclet03].
De plus, la particularité de cette recherche est de se baser sur
une typologie de scénarios d’apprentissage induits par les
“Technologies Educatives Distantes”,
en adéquation avec les objectifs d'apprentissage de la formation
et les caractéristiques des apprenants. Dans ce cadre, l’objectif
est de ré-utiliser le modèle SBDC
et de l’adapter pour modéliser des scénarii pédagogiques
en vue de concevoir un outil d’aide à la création
de services pédagogiques en ligne, de type parcours personnalisés
et adaptatifs, mais aussi d’aide à la création de
ressources pédagogiques en ligne, de type Activités Pédagogiques
Collectives.
Références
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http://www.u-picardie.fr/~cochard/IEM/
(consulté en avril 2004).
A
propos des auteurs
Dominique LECLET est Maître de Conférences et habilitée
à diriger des recherches en informatique à l'université
de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Sa.So. Ses activités
de recherche concernent les environnements informatiques pour l'apprentissage
humain (EIAH) et plus particulièrement les systèmes supports
d'apprentissage à distance dans des contextes professionnels.
Son projet de recherche porte sur deux points, d'une part la continuation
des travaux sur les EIAH, d'autre part la création d'outils
d'aide à l'enseignant pour la création de services pédagogiques
personnalisés et adaptatifs et pour la création de ressources
pédagogiques en lignes. L'originalité de l'approche est
d'utiliser la simulation à base de cas pour modéliser des
scénarios pédagogiques.
Adresse : Laboratoire Sa.So, Université
de Picardie Jules Verne, IUP Miage, Pôle Saint Leu, 33 rue St Leu,
80039 Amiens Cedex 1
Courriel : dominique.leclet@u-picardie.fr
[1] Une vingtaine de procédures
distinctes semblent suffisantes, en première approximation, pour
représenter l’ensemble des actions possibles.
[2] Notons que la relation
“ISSU_DE”, entre concepts et types
de concepts, s’apparente à la relation d’instanciation
existant entre objets et classes, dans une modélisation objet.
[3] SYstèmes Support
de Méthodes, pour cOncevoir et Organiser des Services et rEssources
pédagogiques en ligne. |